L’alchimie soulève une question fondamentale : la transmutation d’une substance en une autre par un être vivant est-elle possible ? Les réactions nucléaires, la fusion froide et les transmutations biologiques pourraient changer notre regard sur l’art sacré.
Commençons par le commencement : est-il envisageable qu’un atome spécifique soit transformé en un autre atome ? La réponse est clairement oui. Les étoiles peuvent être vues comme les premières alchimistes. Les lentes chaines naturelles de désintégration, capables par exemple de transformer le plutonium 239 en plomb, prennent ensuite le relai. Toute réaction nucléaire modifiant la structure atomique est une transmutation et la question d’une telle possibilité ne se pose pas.
Là où tout se joue, c’est sur la capacité d’un être vivant à opérer un tel changement et les moyens par lesquels il y parvient. Il se trouve que l’homme n’est officiellement capable de provoquer une réaction nucléaire que depuis le début du XXe siècle - au moyen d’une technologie avancée et de l’utilisation d’une somme colossale d’énergie. En 1942 le physicien Enrico Fermi a par exemple réussi la première réaction en chaine fondée sur la fission de noyaux atomiques. Cependant, n’y a-t-il pas d’autres procédés ? Le vivant a-t-il attendu l’être humain pour opérer des transmutations ?
Une mue déroutante
1989, grande surprise. Les chercheurs Martin Fleishmann et Stanley Pons annoncent avoir réussi à provoquer des réactions nucléaires… dans un tube à essai. Ils appellent ce processus, la fusion froide.
« C’est extraordinaire ! Non seulement, ils n’ont utilisé que des procédés chimiques ou électrochimiques, ce qui est déjà étonnant. Mais en plus, tout se passe à basse température, rapporte le Dr Jean-Paul Bibérian, physicien, maitre de conférence et chercheur au CNRS Aix Marseille.
J’ai pu constater dans mes propres recherches que cela fonctionne. Ce domaine est d’ailleurs en train de prendre une ampleur insoupçonnée », atteste-t-il. Il s’agit notamment ici de transformer l’hydrogène de l’eau en hélium afin de produire de l’énergie. Mais alors, si des transmutations dans des conditions quasi-ordinaires sont possible, Dame Nature ne cacherait-elle pas des prédispositions alchimiques ?
Le grand oeuvre biologique
« Les transmutations biologiques sont sûrement beaucoup plus généralisées que ce que nous le croyons », souligne Jean-Paul Bibérian, également auteur de La fusion dans tous ces états. Cette idée ne date pas d’hier. En 1799, le scientifique allemand, Johann Christian Carl Schrader gagne le concours de l’académie des sciences de Berlin. Il montre que les plantes sont capables de créer des minéraux - sans qu’il n’y est contamination par les dits minéraux au départ. Etonnant. Cette même année, le chimiste français Louis-Nicolas Vauquelin, pionniers de la chimie moderne, rapporte dans les Comptes Rendus de l'Académie des Sciences, une différence entre les mesures du calcium ingurgité par les poules, et celui qu’elles rendent au travers de leurs œufs et excréments.
« Il affirme que les poules produisent 4 à 5 fois plus de calcium qu’elles n’en mangent. D’où vient-il ? C’est comme avec les vaches. Elles ne mangent que de l’herbe, comment produisent-elles autant de calcium ?», détaille le Dr Bibérian.
Par la suite, de nombreuses expériences révèlent des anomalies dans la composition d'algues, de plantes ou de bactéries au cours de leur croissance. Notons en particulier les travaux de Corentin Louis Kervran – référence la plus connue sur le sujet. Il mit notamment en évidence la diminution du silicium, magnésium, ou potassium et l'augmentation du calcium au cours de la germination de graines.
« Cependant la capacité à faire fusionner des noyaux lourds - comme ceux du silicium, du magnésium ou du potassium avec du carbone, de l’oxygène ou de l’hydrogène -, est totalement exclu par les modèles théoriques actuels ! », pointe le Dr Bibérian, qui lui, a notamment mené des recherches avec des bactéries. Bien qu’encore peu admises par la communauté scientifique, les transmutations biologiques pourraient ainsi concerner tout le vivant. La biologie est-elle capable de produire des réactions nucléaires par électrochimie ? Bibérian, Pons et Fleischmann entre autre, pensent que oui. Cette prise en compte pourrait avoir un impact majeur sur la médecine.
Alchimie ?
« Si la fusion froide fonctionne, c’est que l’alchimie peut être vraie. J’ai pu voir et mesurer qu’il se passe, dans certaines conditions particulières, des choses vraiment anormales dans la matière. Je n’ai jamais vu quelqu’un travailler sur le plomb, le mercure, ou l’or mais pourquoi pas ? », ose Jean-Paul Bibérian. La nature semble savoir provoquer des transmutations. Les anciens avaient des méthodes plus lentes que celles que nous avons aujourd’hui. Mais pour le physicien, il n’y a aucune raison pour qu’un homme n’ait jamais réussi une transmutation.
« L’or a 79 protons et électrons, et le mercure en a 80. Bien que leur densité soient elles, très éloignées, il suffirait de changer un proton du mercure en neutron, ou de lui enlever un proton pour transformer le mercure en or », conclut Bibérian.
Pour aller plus loin :
Fusion froide, transmutation biologique et autres réflexions sur la science, par le Dr Jean-Paul Bibérian,
documentaire de Jean-Yves Bilien