C’est l’ingénieur américain Thomas Edison, tout de même à l’origine de la diffusion de l’électricité, des premiers pas du cinéma et de plus de 1 000 brevets d’inventions diverses, dont une amélioration notoire du télégraphe, qui présente le phonographe en 1877. À grand bruit, car de nombreux scientifiques de l’époque crient à la supercherie : pour certains médecins, il est rigoureusement impossible d’enregistrer la voix humaine, c’est forcément un ventriloque qui est à l’œuvre ! Philippe Baudouin, historien, raconte : « Il y a un imaginaire relié aux fantômes et aux revenants qui se développe au XIX^e, siècle de l’électricité et du spiritisme, paradoxalement, les terrains technique et scientifique ont pu avoir des espaces en commun. » Un pont que Thomas Edison n’hésitera pas à franchir en inventant une technologie capable d’enregistrer des voix qui viendraient du royaume des morts.

« Malheureusement, il n’a pas pu aller au bout parce qu’il est décédé en 1931, mais il a écrit un texte, Le royaume de l’au-delà, dans lequel il met en scène le “nécrophone”, un appareil basé sur le microphone – dont il avait permis l’amélioration avec Graham Bell, l’inventeur du téléphone – pouvant capter des voix, les amplifier et les diffuser », explique Philippe Baudouin. Cette machine ne sera jamais construite, et il faudra attendre les années 1950 pour que de nouveaux « expérimentateurs » utilisent la technologie pour tenter d’atteindre les défunts, avec des instruments non destinés à cela au départ.

Les premiers signes

L’artiste suédois Friedrich Jürgenson enregistre des chants d’oiseaux en pleine nature pour une œuvre musicale. On est en 1959, il utilise un magnétophone à bandes et, lorsqu’il réécoute son travail, il entend une voix s’exprimer en norvégien. Intrigué par ce phénomène qui n’aurait pas dû se produire, l’enregistrement ayant été fait loin de toute « émission » possible, il va reproduire l’expérience. « Au départ, Jürgenson avait pensé à une interférence radiophonique, donc une hallucination auditive, mais très rapidement il va écarter cette hypothèse, car il est persuadé que la voix s’adresse à lui. Il va croire à un au-delà qui se manifeste sur la bande magnétique. C’est lui qui va mettre en place ce qu’on va appeler par la suite la TCI [transcommunication instrumentale], ensuite il va enregistrer des centaines de voix et il y en a une qui revient de manière récurrente, c’est celle de sa mère défunte », raconte Philippe Baudouin. Quelques années plus tard, Jürgenson va rencontrer le parapsychologue letton Konstantin Raudive et ils vont échanger sur ces enregistrements qui seront appelés PVE (phénomènes de voix électroniques).

À son tour, Raudive va se livrer à des centaines d’enregistrements et perfectionner les techniques en utilisant différents micros. Alors, que se passe-t-il sur ces bandes ? Des esprits profiteraient-ils de fréquences accessibles pour prendre contact avec les humains ? L’historien Philippe Baudouin, spécialiste de ces témoins, refuse de tirer des conclusions : « Il s’agit de bandes magnétiques, or on sait très bien que malgré leur forte résistance, elles sont très poreuses aux interférences et aux parasites… Ceci peut induire des interprétations infondées. Là, je parle d’hallucinations auditives, la paréidolie, comme on peut voir des visages dans des nuages, on peut entendre des voix dans des bruits. » Reste que certains enregistrements sont encore accessibles et que si l’on exclut qu’ils soient totalement bidonnés, des voix apparaissent bien là où elles ne devraient pas. (...)