L’au-delà est le quotidien d’Anne Tuffigo depuis l’enfance. Elle relate dans son livre Ces âmes qui guident nos pas : une médium accompagne nos vies, paru aux éditions J’ai Lu, son parcours atypique, ses expériences au quotidien et sa compréhension des mondes invisibles. Quelles questions taraudent ses consultants ? Quelles différences entre les concepts d’âme et d’esprit ? Comment les défunts cheminent-ils dans l’au-delà ? Éléments de réponse dans cet extrait.
Au-delà
Pixabay
Bienvenue dans l’au-delà
– Merci de me recevoir !
Marie accroche mon regard comme on s’agrippe au
bras d’un inconnu au moment de tomber ; je sens chez
elle ce mélange familier d’attente fébrile et de méfiance
instinctive.
– Comment puis-je vous aider ?
Pour l’heure, tout ce que je sais d’elle c’est qu’elle m’est
envoyée par sa psychothérapeute – par ailleurs, l’une de
mes consultantes – et qu’elle désire entrer en communication
avec son frère décédé.
– C’est lumineux chez vous…
Je souris toujours en voyant l’étonnement que génère
mon environnement de travail, loin des clichés répandus par
notre culture populaire et des stéréotypes de Madame Irma
vous accueillant dans une pénombre inquiétante, un foulard
multicolore noué dans les cheveux. Mon bureau est rempli
de livres, de la lumière du jour, et de mon plus beau sourire.
Je sais en effet l’inquiétude et la gêne qu’occasionne
une telle démarche, entamée souvent dans le plus grand
secret ; initialement par souhait de préserver les croyances
de chacun, essentiellement parce qu’elle relève de l’intime, de l’envie tapie au fond de chacun
d’entre nous d’ouvrir
les portes d’un monde inconnu.
Elle glisse une photographie de son frère sur mon
bureau ; les bords en sont jaunis, et je distingue un jeune
homme à l’allure athlétique, le sourire franc, en train de
découper un gâteau d’anniversaire sur une grande table
familiale. Mais elle date des années 1980. Je comprends que
cela constituera mon unique support de contact possible.
– C’est la seule photo que je possède de Romain…, me
dit-elle, comme pour s’excuser.
– Pouvez-vous simplement m’indiquer la date de son
décès, et son âge au moment du drame ?
Resituer l’échelle du temps, là où ce dernier s’est arrêté
dans le cœur de toute une famille. Les réponses sont toujours
bredouillantes, je le sais. Je n’aurai besoin de rien
d’autre, ni de connaître la raison profonde qui anime ma
consultante. À partir de cet instant, je dois être la feuille
blanche sur laquelle recevoir les messages de Romain.
Étymologiquement, le mot médium signifie « outil, canal,
moyen ». Je me dois donc d’être cet outil de communication
entre Marie et lui, d’être la factrice qui dépose le courrier.
Et l’on ne demande pas au facteur de pleurer lorsqu’il vous
dépose un recommandé, ou de se réjouir d’une lettre de
vœux ! Marie pleure chaque jour l’absence de Romain, je
le devine à ses mains qui se tordent et qui tentent de
contenir ses émotions ; elle a déjà pleuré sur de nombreux
divans de thérapeutes parisiens, elle ne souhaite pas se
livrer aujourd’hui, c’est avec Romain qu’elle a pris rendez-vous.
Je me fonds alors dans mon propre décor : je serai
la voix, le souffle, l’énergie. Et c’est tout.
– J’aimerais savoir s’il va bien, s’il est tout seul, sinon,
avec qui il est…
Ces questions, je les connais par cœur. Elles sont primordiales
pour tous ceux qui vivent la déchirure causée par
la perte d’un être cher. Le poète Birago Diop écrivait que
les morts ne sont pas sous la terre, qu’ils ne sont jamais
véritablement partis. Certes, mais où sont-ils ?
– Je vous dis tout ce que j’entends et ressens de Romain.
Il est possible que je ne puisse répondre à certaines de
vos questions, l’essentiel étant pour moi d’être fidèle aux
réponses qu’il me donne, et de ne jamais inventer. C’est
mon engagement envers eux, et le respect que je leur dois.
– Je le comprends tout à fait !
– Votre frère me fait ressentir une violente douleur à
l’arrière de la tête, et je sens une force, comme un souffle
puissant qui me pousse en arrière ; la vie m’a quitté à cet
instant, me dit-il…
– Oui, c’est exactement cela, s’écrie Marie. Il s’est
allumé une cigarette au-dessus de sa gazinière, et apparemment
il y avait une fuite.
– Romain sourit à vos propos. Il vous rappelle qu’il était
très bon bricoleur. La fuite se trouvait dans son cœur, il
n’avait en effet jamais supporté sa rupture affective, et
il errait dans sa vie sans lui trouver grand intérêt. Il vous
demande pardon, car il regrette son geste.
– Je le savais, dit Marie en serrant les poings. Pendant
quinze ans les autorités ainsi que les assurances ont conclu
à un accident, mais moi j’étais persuadée qu’il s’agissait
d’un suicide.
– Votre frère ajoute que, lorsqu’il est tombé amoureux,
cette jeune fille n’avait que seize ans. Malgré les promesses
d’avenir qu’il lui avait faites, cette dernière, étant
tombée enceinte, a subi l’ultimatum de toute sa famille :
il lui fallait avorter et ne plus jamais revoir Romain. Il ne
l’a plus jamais revue, tout comme une dispute familiale vous avait éloignés, quelque temps auparavant. Est-ce
bien cela, Marie ?
Marie se met à pleurer ; je comprends alors que le sujet
reste douloureux.
– J’en étais certaine ! La famille de cette jeune fille a
tout fait pour nous cacher la vérité, ils m’ont affirmé qu’elle
avait été hospitalisée pour un problème intestinal… Romain
dit vrai pour ce qui concerne notre éloignement : j’ai dû
suivre mon père au moment du divorce de nos parents,
alors que mon frère est resté avec ma mère. S’est-il enfin
pardonné son geste ?
– Il me dit avoir retrouvé sa petite fille de l’autre côté,
celle qui ne vit jamais le jour ici ; il en est très heureux ;
vous savez, les enfants mort-nés, les fruits des avortements,
des fausses couches, nous les retrouvons dans l’au-delà, ils
font partie de ces âmes qui ont joué un rôle terrestre sur
notre chemin de vie. Il me dit également avoir été apaisé
de retrouver votre frère aîné, décédé après Romain d’une
longue maladie.
– Oui, mon autre frère, parti à Noël dernier ! Comme
je suis soulagée de les savoir ensemble ! Il a tellement
souffert, vous savez…
– Romain me dit avoir eu besoin de réfléchir à son
geste, de comprendre ses choix de vie terrestre, et de continuer
à veiller sur vous, et surtout sur cette femme avec
laquelle il ne lui a pas été permis de construire. Il était
très inquiet pour elle.
– Son inquiétude était justifiée, cette pauvre malheureuse
est décédée quelques années après mon frère, d’une
violente crise de diabète. Anne, pourquoi a-t-il mis près
de trente ans à se pardonner ?
– Il n’avait vécu dans sa vie qu’une succession d’abandons
et n’avait jamais pu dire au revoir à chacun d’entre vous : à son père tout d’abord, dans cette prise d’otage
familiale lors du divorce, à vous ensuite, qu’il aimait par-dessus
tout, à sa bien-aimée enfin, qu’il ne sut protéger
malgré la volonté qu’il avait de la chérir et de protéger la
vie qui grandissait en elle. En choisissant de mettre fin
à ses jours, il s’ôtait définitivement la possibilité d’inverser
le cours des choses et de pouvoir vous retrouver.
Son frère lui a apporté, en le rejoignant, l’amour qui lui
manquait pour dépasser et surmonter sa culpabilité. Il
est en paix, Marie.
– Je vous remercie. Durant toutes ces années, la mort
de Romain a pesé sur nous tous, mais encore plus sur
mes épaules ; non seulement j’ai été privée de lui, mais
la famille, déjà éclatée, ne s’est jamais recomposée ; je
savais que l’on me cachait de nombreuses vérités. Quand
j’ai évoqué l’hypothèse du suicide, on m’a toujours traitée
de folle ! Aujourd’hui, grâce aux messages de mon frère,
je comprends que j’avais toujours vu juste. Vous savez,
j’ai passé de nombreuses années à essayer de dépasser
la douleur causée par ce deuil douloureux et cette mort
injuste, mais il me manquait un bout d’explication. Le plus
déterminant. Pouvez-vous remercier Romain, et lui dire que
je l’aime ?
– Marie, la force de notre pensée, l’amour que nous leur
portons, le souvenir que nous entretenons sont déjà une
façon de nous connecter à eux ! Et il est avec nous, dans
cette pièce… Il est fier de me dire, tandis que je regarde
sa photo, qu’il avait réalisé lui-même ce gâteau !
– C’est juste ! Il suivait une formation en pâtisserie et
rêvait d’ouvrir son commerce. Merci, je vais pouvoir avancer
désormais différemment dans ma vie.
D’une âme à l’autre
Tous ceux qui me sollicitent pour entrer en
contact avec un proche disparu sont taraudés
par les mêmes questions : Comment va-t-il ? A-t-il
souffert ? Qui a-t-il retrouvé là-haut ? Que fait-il ?
Ce sont d’ailleurs les premières informations
que je reçois, car les défunts sont eux-mêmes pressés
d’en témoigner et de rassurer leurs proches.
Il est important pour eux de retracer leurs derniers
instants de vie, quand bien même il me
revient la délicate mission d’évoquer à nouveau
des moments douloureux et marquants pour ceux
qui les ont accompagnés dans le départ. Il s’agit
d’un procédé identificatoire précieux, pour ancrer
la séance et s’assurer que j’ai pu établir avec précision
le contact. Je peux les voir, telle une image
évaporée, semblable aux hologrammes, et aussi les
entendre. C’est ce qu’Allan Kardec, surnommé « le
pape du spiritisme » à la suite de la parution de
son célèbre ouvrage Le Livre des médiums, nomme
le périsprit, c’est-à-dire l’enveloppe semi-matérielle
de l’esprit qui sert de lien ou d’intermédiaire à
cette dernière entre l’esprit et la matière.
Les termes d’esprit, d’âme et de corps font partie
du champ lexical spirituel et il n’est pas toujours
aisé pour les néophytes d’en donner une définition
claire, la littérature les déclinant indifféremment
dans les textes : on parle « d’âmes qui vivent »
pour désigner les habitants d’une ville, « d’esprits
vifs » pour évoquer l’intelligence d’une poignée
d’hommes et de « sortie de corps » pour définir les sorties astrales.
L’esprit, qui provient du mot grec pneuma,
signifie « le souffle ». Le mot « esprit » désigne ce
qui donne vie à un corps. C’est pourquoi dans la
Bible, le mot hébreu rouah est rendu par la traduction
« force vitale ». L’esprit est le siège de la
conscience. Il pense, décide, raisonne et apprend.
Il est le gardien des trésors humains que sont l’intelligence,
l’imagination, la mémoire ou encore
la logique. L’esprit dispose d’une certaine liberté
à faire des choix, à suivre ses émotions et ses
sentiments. Il est le locataire de notre corps ; il y
réside un peu comme dans sa maison.
L’âme, quant à elle, provient du mot grec psukhê
et signifie également « le souffle ». Elle est l’énergie
qui maintient le corps en vie. Elle est notre partie
divine, le moteur de notre corps. L’âme possède la
sagesse et la connaissance absolue. Se connecter
à elle, par la méditation ou la prière par exemple,
c’est accéder à une part de vérité ; elle agit ainsi
comme une sorte de médiatrice entre l’esprit et le
corps. Elle est le pont entre la matérialité du corps
et l’immatérialité de l’esprit.
Si quitter notre enveloppe terrestre est un changement
d’état douloureux tant physiquement parfois
qu’émotionnellement face au désarroi engendré
par l’idée de quitter ceux que nous aimons, il y a
toujours, aux portes de ces deux mondes parallèles,
un comité d’accueil. Il s’agit bien souvent de
personnes que nous avons connues et aimées, ou
parfois
de personnes appartenant à notre ascendance
généalogique, que nous n’avons jamais
côtoyées de notre vivant, mais avec lesquelles nous
nourrissons un lien très fort. Les apparitions de Reine alors que je n’étais qu’une enfant en sont
le parfait exemple, puisqu’elle était décédée bien
avant ma naissance, et que l’album de photos de
famille n’en contenait aucune qui m’aurait permis
de m’imprégner de ses traits. Cela ne m’empêcha
nullement de « savoir » intimement qui elle était. De
fait, les âmes se reconnaissent entre elles, quelles
que soient les apparences qu’elles aient pu revêtir
ici-bas, et dont elles se sont évidemment délestées,
ainsi que le fossé temporel qui les sépare. Il n’est
pas rare, lors de mes séances médiumniques, que
les défunts m’apparaissent sous une forme physique
qui correspond à la période de leur vie où
ils ont été le plus épanouis, le plus heureux. Un
joli clin d’œil à une existence jalonnée d’épreuves,
de laquelle on ne souhaite retenir que le meilleur.
Les défunts, delestés [sic] de leur corps terrestre,
cheminent sur ce nouveau plan d’énergie pure et
s’élèvent ainsi, gagnant successivement les différents
plans vibratoires(1) ; ils cheminent chacun à
leur rythme, de même que nous le faisons sur terre,
en fonction de la vie qu’ils viennent de mener, du
temps dont ils ont besoin pour apprendre à s’en délester, à faire le bilan de leurs choix de vie, de
leurs réussites et de leurs échecs. À chaque étape
de cheminement correspond un plan vibratoire
précis, et l’âme choisit son rythme d’évolution et
de progression. La vie et surtout la fin tragique de
ma maman l’ont menée, dans un premier temps,
à avoir besoin de se recueillir et de comprendre
la dureté de son existence. Il n’était pas rare que
nous nous donnions rendez-vous, lors de mes
songes nocturnes, dans un endroit qui ressemblait
à un parc, calme et isolé, où elle avait besoin de
se rendre pour méditer et s’asseoir sur un imposant
banc en marbre, qui reste et demeure encore
aujourd’hui le lieu de nos entrevues.
Ainsi les défunts, selon les conditions de leur
disparition – qu’ils aient souffert ou non, qu’ils
nous aient quittés en conscience ou pas, apaisés
ou en colère –, trouveront-ils plus ou moins rapidement
l’énergie suffisante pour communiquer avec
nous. C’est pourquoi je demande toujours de respecter
un délai de quelques mois avant d’organiser
une séance, non pas que nos proches disparus ne
soient pas capables de se manifester au lendemain
de leur disparition, mais simplement pour que je
puisse recevoir des messages tangibles, clairs et
le plus précis possible ; me limiter à dire « Oui,
je le sens présent avec nous, il est bien mais il
doit encore récupérer » se révèle frustrant et est
ressenti comme une forme de punition pour mon
consultant. Cette temporalité permet également
à tous ceux qui sont confrontés au désarroi dans
lequel nous plonge un deuil de prendre un peu de
recul émotionnel. [...]
(1) Ce que nous appelons « plans », ce sont en réalité les
corps subtils de la Terre. Tout comme les corps subtils sont
des enveloppes d’énergie qui nous recouvrent, les plans
vibratoires sont des sphères d’énergie qui entourent les
corps célestes : au-delà du plan physique, qui est celui sur
lequel nous évoluons, on distingue le plan éthérique, permettant
de capter l’énergie diffusée par le plan terrestre,
le plan astral, nommé la plupart du temps « bas astral », le
plan causal qui est le domaine de l’Ego, le plan mental où
l’on retrouve les formes-pensées et les égrégores, le plan
bouddhique et enfin l’akasha, qui correspond à la Source
Divine Primordiale.
Ces âmes qui guident nos pas : une médium accompagne nos vies, Anne Tuffigo, éd. J’ai Lu, 2018, p. 83 à 90.
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