Et si, dans notre société en perte de repères le druidisme
offrait une voie alternative ? Un pied dans nos racines ancestrales, un pied
dans les défis d’aujourd’hui, le druidisme égrène des rituels
accessibles. Un retour au sacré dans nos vies terre à terre.
Petit matin calme à Brocéliande... forêt mythique s’il en est, ancrée dans la magie de notre inconscient collectif, où plane l’ombre de Merlin l’enchanteur, de la fée Viviane et du roi Arthur, puisqu’en réalité, elle se nomme la forêt de Paimpont.
« Arrêtons-nous, au seuil de Brocéliande, sur la notion de l’Autre Monde, conception celtique du monde surnaturel. Monde des dieux, des fées, des esprits, dont ceux des morts, il ne se situe pas dans le lointain du temps et de l’espace. Il double le nôtre en tout lieu et à tout moment ; il en est solidaire, parfois dépendant. Sa frontière, qui prend souvent la forme de rivières ou de lacs, peut s’abolir. Brocéliande fait partie des portes de l’Autre Monde, par lesquelles l’homme peut accéder au surnaturel », partage Claudine Glot, spécialiste de la mythologie celtique et de la légende arthurienne (1).
Nous sommes à l’orée du mois de mai, Marco est venu de Paris pour se ressourcer. Quand résonnent au loin des cornemuses, plusieurs marcheurs convergent vers la fontaine de Barenton et croisent une procession druidique.
« Ils étaient une quarantaine, vêtus de blanc. Très abordables, ils nous ont laissé les observer. Ils célébraient la fête de Beltaine, du renouveau de la lumière, une porte essentielle dans le calendrier celtique. L’un d’eux, muni d’une sorte de sceptre, a dessiné au sol un vaste espace sacré, entourant la fontaine et le plus gros arbre ; un temple éphémère. Nous sommes restés, discrets et respectueux de ce périmètre. Ils ont consacré les quatre points cardinaux, honorant un dieu celtique à chacun d’entre eux. La procession s’est avancée et est entrée dans l’espace sacré, en tournant dans le sens des aiguilles d’une montre... » Puis notre promeneur remarque la présence d’objets rituels : une tête de mort posée sur une pierre
« comme un autel », une harpe, un chaudron, ou encore des offrandes à la nature, telles que des fleurs et des céréales...
Retour aux racines
Ouvert et sensibilisé à la nature, Marco n’en demeure pas moins étonné.
« Dans notre société, nous nous sommes tellement coupés de nos racines que l’on trouve ça étrange de voir de tels rites, alors que c’est le contraire qui l’est : être déconnecté de la nature, de ses cycles ! Dans la crise écologique actuelle, nous avons perdu ces savoirs-là. J’ai été émerveillé par ces personnes qui transmettent ces rituels très anciens, tournés vers le monde naturel, l’invisible, le sacré. Je me suis dit : tout n’est pas perdu ! Il y a des gens qui peuvent nous ‘‘sauver’’, transmettre ce respect de la nature... Cette cérémonie, en accord avec le lieu, est une leçon de vie : on n’aborde pas la forêt n’importe comment. Ce sont des rencontres rafraîchissantes pour changer nos comportements. Ça m’a donné l’envie de redécouvrir la lenteur pour m’accorder aux rythmes de la nature. » Ce n’est pas Brigitte qui le contredira ! Très attachée à la fête de Beltaine,
« porte qui permet d’émerger de l’ombre vers la lumière », elle dit avoir été appelée par le druidisme. Elle est à
« l’orée de la clairière » ; ce qui signifie qu’elle n’est pas encore pleinement intégrée à un cercle druidique.
« C’est une initiation ; on n’ouvre pas le cercle n’importe comment à n’importe qui. Cette quête prend du temps, au diapason de la nature », partage-t-elle, son avis contrastant avec certaines approches New Age, où l’on « consomme » le druidisme et son folklore, le temps d’un stage.
Sacrés végétaux
Dans la vision druidique, les êtres-plantes sont présents dans tous les rituels. « L’amour des druides et des druidesses pour les plantes, les fleurs et les arbres est légendaire. Pour nous, les ‘‘Vertes Personnes’’ sont des êtres spirituels à part entière. Nous les aimons, les protégeons, bénéficions aussi de leur aide », partage Viviane Le Moullec. Connexion, respect, protection... Ainsi, le gui, plante mythique du druidisme, dont les boules blanches symbolisent la pleine lune et ses secrets féminins, est associé à la Modra Necht ou nuit des Mères, qui a lieu au solstice d’hiver. Servant aussi bien à guérir le corps que l’âme des émotions négatives (en médecine anthroposophique, il est employé contre le cancer, et allège l’atmosphère de nos lieux de vie), il nous enseigne la sagesse d’une alliance raisonnée : dépendant d’un arbre pour sa survie, s’il est excessif, il épuise l’arbre et meurt ; s’il est mesuré, il se laisse nourrir, tout en chassant les prédateurs de son allié. À l’heure de l’urgence écologique, prenons-en de la graine !
Des (é)veilleurs
Considéré comme un druide des temps modernes, Stéphane Boistard (2) écrit actuellement un livre sur les forêts thérapeutiques.
« Je n’aurais pas la prétention de me définir comme druide. On devient druide quand la communauté nous reconnaît cette reliance à la nature ; quand cette dernière s’exprime à travers la personne », souligne Stéphane Boistard, qui a créé un cercle de cueilleurs sensibles.(...)