La population vietnamienne fut divisée puis instrumentalisée par de grandes puissances, provoquant de nombreuses souffrances. Le moine vietnamien Thich Nhat Hanh, récemment décédé, fut exclu de son pays pendant près de quarante années, mais quand il reçut enfin l’autorisation de revenir sur sa terre natale, il décida, en 2008, de mettre en place trois grandes cérémonies de guérison et de prières pour « défaire les nœuds de l’injustice » et favoriser la réconciliation entre les Vietnamiens, mais pas seulement. L’intention était de prier pour la guérison de tous les blessés et pour les morts de toutes nationalités. Après avoir surmonté, grâce à sa bonté, la réticence des autorités dont certains membres étaient aux commandes lors de tueries, une cérémonie se déroula à Hanoï, où des milliers de personnes accoururent. Certains reçurent même en rêve le message de leurs proches décédés leur demandant d’assister à la cérémonie afin qu’ils puissent être libérés. « Toutes ces choses montrent le pouvoir du peuple ; le pouvoir de l’humanité ; le pouvoir de l’amour. Au Vietnam, nous avons vu clairement comment le vrai pouvoir spirituel pouvait changer en douceur et en toute quiétude une nation, oui ; même le monde entier », expliquait Thich Nhat Hanh⁽¹⁾.

Pourrait-on imaginer de telles cérémonies de réconciliation en France afin d’apaiser et de guérir, par exemple, les stigmates de la guerre en Algérie ? Mais aussi de nombreux autres conflits et persécutions dont notre territoire tout comme notre mémoire collective conservent encore les empreintes ? Les chasses aux sorcières, la persécution des minorités, juive et religieuse, la mise en esclavage des populations d’Afrique noire à des fins mercantiles méritent une compréhension globale comprenant notre être entier, cœur, corps et âme. Lors du mouvement Black Lives Matter qui émergea aux États-Unis en 2020, on a ainsi vu apparaître des cérémonies de pardon des populations blanches à l’égard des descendants afro-américains d’esclaves. En pacifiant notre passé collectif, à la manière dont chacun, à son échelle ferait un travail de nettoyage de ses influences passées et de son « karma », la conscience collective s’éclaircirait. Ainsi, elle préparerait un avenir plus lumineux où de nouvelles manières de vivre deviennent un horizon possible.

Influencer l’avenir

Nourrir le présent, influencer l’avenir pour le rendre plus harmonieux grâce à des pratiques thérapeutiques collectives, c’est ce que met en œuvre la communauté du village de Pourgues. En expérimentant à petite échelle une vie en collectivité, les membres font inévitablement face aux grandes problématiques humaines, en particulier le conflit. Au début du premier confinement en 2020, ils décident d’organiser des moments de thérapie de groupe, appelée « forum de Zegg », qui leur permettent de renouer avec des profondeurs humaines inattendues. Le forum de Zegg est « un outil de facilitation dont le dispositif est aussi simple que puissant : un groupe de personnes assises en cercle dans lequel un participant peut entrer et se fait accompagner, dans sa prise de parole, par le facilitateur » d’après la page de présentation du site Internet. Ramïn Farhangi est cofondateur du village de Pourgues : « On vient régulièrement nourrir ces moments pour éviter que le groupe tombe dans une spirale où le tissu humain et social se détériore », explique-t-il, avant d’ajouter : « Je comprends maintenant totalement l’intérêt des méditations collectives, des danses, des tribus et des rituels sacrés dans les sociétés traditionnelles, car ils détiennent une fonction sociale. Cela peut nous échapper à première vue mais cela s’inscrit dans un sens plus global. » Ces rassemblements agissent comme un catalyseur d’énergie comprenant des effets individuels et collectifs d’une grande intensité. Ces moments spirituels et thérapeutiques partagés, en interaction étroite avec le cosmos, seraient-ils le secret d’une humanité en paix avec elle-même ?


Une vie en pleine conscience, Thich Nhat Hanh, Presses du Châtelet.