La physique quantique montre que les particules élémentaires émergent du vide… qui est, lui, plein d’information. Notre monde apparaît-il depuis une autre dimension ?
La physique nucléaire nous emmène au bord du monde tel que nous le connaissons classiquement. Là, les particules deviennent des processus dynamiques apparaissant de nulle part… où elles peuvent retourner. Leur capacité d’intrication les unes avec les autres révèle également une dimension non spatiale et non temporelle. Quel est ce niveau de réalité étrange esquissé par la science de l’infiniment petit ?
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La vérité choquante est qu’au niveau des atomes et des molécules, la notion même de ‘‘matière’’ se perd dans un domaine de formes non matérielles, et la réalité se transforme en potentialité », indique le Pr Lothar Schäfer, physicien, dans
Le Potentiel infini de l’univers quantique. Plus la science avance, plus elle semble révéler l’existence d’un champ contenant un potentiel d’énergie et d’information incommensurable. Cette dimension atemporelle est-elle à la source de notre monde ?
Un nouveau paradoxe
La première interprétation de la mécanique quantique, dite « de Copenhague », se souciait peu du vide. Depuis, la théorie quantique des champs et la gravitation quantique à boucles se sont penchées sur la question. Il faut dire que l’incertitude de Heisenberg – une des découvertes fondamentales de la science de l’infiniment petit – montre qu’il semble possible d’emprunter au vide de l’énergie pendant un temps très court. Un nouveau paradoxe se pose alors : comment pouvons-nous emprunter quelque chose à « rien » ?
« C’est un grand mystère : le vide a une impédance, c’est-à-dire une résistance électrique. De plus, il est capable de propager une onde électromagnétique. Cela suggère un milieu capable de supporter cette onde. La seule conclusion est que le vide n’est pas vide ! », pointe le Pr Marc Henry, professeur de chimie, chercheur associé au CNRS. En effet, la science révèle que le vide est rempli de particules virtuelles.
« À partir du moment où nous voyons le vide comme étant rempli d’oscillateurs – des vibrations en chaque point du vide – qui peuvent varier de zéro à l’infini, nous comprenons qu’il est un support sur lequel de l’information peut être inscrite », poursuit le professeur. Le vide, qui n’a donc rien du néant, s’avère être un réservoir insoupçonné de données : c’est de cet espace qu’émergent de l’information, de l’énergie, de la matière et finalement notre réalité.
« Le monde visible est ainsi une manifestation – une émanation – depuis un domaine de potentialités transmatérielles et transempiriques », indique Lothar Schäfer. De son côté, la théorie du physicien David Bohm suggère que la réalité serait une sorte de construction holographique, un ordre qui se déplie à partir d’un ordre implié. Cet ordre implié pourrait se trouver dans le vide quantique.
Les annales akashiques formeraient comme une grande bibliothèque cosmique.
Nulle part, au-delà de tout
Le vide nous confronte à une deuxième difficulté conceptuelle. Car, en plaçant en lui un monde de potentialités, nous avons l’impression que ce monde est « quelque part ». Il est cependant nécessaire de saisir que cette dimension d’où viennent et où repartent les particules ne relève pas de l’espace-temps et ne peut donc être située de manière classique. Lorsqu’elles disparaissent,
« les particules ne transportent ni masse, ni énergie, mais seulement de l’information sur des relations numériques. Dans des états ondulatoires, les électrons ne sont plus des particules matérielles mais des motifs de nombres », souligne Lothar Schäfer. C’est un peu comme un numéro de téléphone, il n’existe pas physiquement, il est virtuel, mais vous pouvez le composer plusieurs fois. C’est une information immatérielle qui va pourtant orienter un acte matériel : celui de taper un numéro sur un clavier et de parler à quelqu’un. Ainsi, la dimension évoquée par la physique quantique semble être plus de type pensée que de type matière.
« La substance du monde est une substance esprit », soumettait le physicien Arthur Stanley Eddington.
« L’univers commence à ressembler davantage à une grande pensée qu’à une grande machine », proposait le physicien James Hopwood Jeans. Et l’avantage d’une pensée, c’est qu’elle peut être exploitée indéfiniment. Saint-Augustin avait déjà mis ce principe en évidence.
« Vous avez entendu ce qui est dans mon cœur, et maintenant cela est aussi dans le vôtre. Vous avez commencé à le posséder et je ne l’ai pas perdu », expliquait-il à ses étudiants. C’est pour cela que certains experts décrivent le monde quantique comme un monde d’abondance : partager n’est pas diviser, mais multiplier. À la base de notre réalité se trouverait un foisonnement de formes, d’images ou de pensées élémentaires transmatérielles. Tels des plans d’architecture, elles guideraient la construction de notre monde.
« Toutes les choses visibles et tous les phénomènes ont besoin d’une image sous-jacente, sans quoi ils ne pourraient apparaître dans le monde », soutient Schäfer.
Des vibrations primordiales
Le shivaïsme cachemirien, tradition spirituelle asiatique, estime que l’univers est rempli de vibrations subtiles appelées spanda. Ces ondes ou palpitations ne sont visibles sur aucun support physique mais sont « des vibrations dans le divin », rapporte Paul Eduardo MullerOrtega dans The Triadic Heart of Siva. Le monde manifesté est ainsi vu comme émergeant d’une conscience divine vibratoire. « L’ultime est spanda : il vibre, s’étend et se contracte. Il se manifeste et se réabsorbe », complète l’auteur.
Des archives invisibles
L’idée d’un champ informationnel invisible dans lequel seraient inscrites les informations qui structurent notre monde ne date pas d’hier. La tradition hindoue évoque cette possibilité depuis des siècles en décrivant l’akasha, le cinquième élément qui baigne notre monde. Cependant, c’est surtout à partir de la fin du XIXe siècle que se répand le concept d’annales akashiques. Elles formeraient comme une grande bibliothèque cosmique dans laquelle tout serait inscrit. Dans la même veine, le prêtre et chercheur Teilhard de Chardin invente la noosphère – une sphère de la pensée humaine –, et le psychiatre Carl Gustav Jung la notion d’inconscient collectif. Ce dernier serait
« un système psychique d’une nature collective, universelle et impersonnelle, qui est identique chez tous les individus [...]. Il est constitué de formes préexistantes, les archétypes, qui ne peuvent devenir conscientes que secondairement », expliquait Jung.
Plus récemment le biologiste Rupert Sheldrake a élaboré le concept de champ morphogénétique qui serait encore une fois un champ informationnel conditionnant le comportement des espèces par résonance morphique. Mais alors, si le champ informationnel impacte l’objet, ce dernier peut-il en retour impacter le champ informationnel ? Oui, répondent de nombreux experts dont Marc Henry :
« Cela doit être ainsi si nous voulons garder notre libre arbitre. Sinon, cela voudrait dire que tout est déjà écrit et que nous ne faisons que suivre le programme. » Ainsi, si le vide semble orienter le monde visible, les événements de notre monde pourraient laisser leurs traces dans le vide.
« On pourrait imaginer que tout ce qui s’est passé jusque-là est enregistré dans le vide, cela expliquerait pourquoi les humains accèdent parfois à des mémoires inexpliquées ayant appartenu à d’autres humains avant eux », suggère le professeur.
Un potentiel à notre portée ?
Nous sommes constitués à 99,99 % de vide.
« Si nous éliminons tout cet espace du corps d’un homme et rassemblons les protons et les électrons en une seule masse, l’homme est réduit à un point à peine visible à la loupe », illustrait Arthur Stanley Eddington. Et si cet espace en nous est plein d’information, il y a en effet de quoi penser que nous avons accès à une ressource inestimable.
« Le vide n’oublie rien. C’est nous qui oublions comment nous y connecter. Certaines personnes savent, avec des transes chamaniques ou des techniques de modification de la conscience, court-circuiter l’état mental qui donne l’illusion du monde normal. Elles passent de l’autre côté où tout est information et vibration », rapporte Marc Henry. Il apparaît ainsi que notre conscience, et donc notre libre arbitre, joue un rôle dans cette relation au vide. Jusqu’à quel point l’observateur influence-t-il le monde qu’il perçoit ?
Des mémoires étranges
Les recherches universitaires du Dr Ian Stevenson sur l’hypothèse de la réincarnation dérangent. Elles ont notamment mis en avant 2 500 témoignages spontanés d’enfants qui se souviennent avoir déjà vécu d'autres vies. Après une enquête rigoureuse, les chercheurs ont découvert que les histoires racontées sont réellement arrivées à des personnes décédées avant leur naissance. « À notre mort, l’information que nous avons stockée dans le vide ne disparaît pas. Elle pourrait ainsi affecter par la suite d’autres corps », propose Marc Henry.