« Rosenheim reste aujourd’hui le cas le plus célèbre de poltergeist en Europe », indique Pascale Catala, auteure d’Apparitions et maisons hantées. En 1967, des phénomènes physiques et électriques inexplicables apparaissent dans les bureaux d’un avocat de la ville de Rosenheim, en Allemagne. Des ampoules électriques explosent ou tombent, des lustres oscillent jusqu’à toucher le plafond, des machines se dérèglent, le liquide de la photocopieuse jaillit de son réservoir. L’avocat fait venir des électriciens. Leurs mesures révèlent des variations électromagnétiques considérables. Une ligne d’alimentation directe est reliée au réseau électrique, puis elle est remplacée par un groupe électrogène. Rien n’y fait. Les phénomènes continuent. Les téléphones semblent également devenir fous : ils sonnent tous en même temps, interrompent les conversations ou appellent tout seuls. « Les factures de téléphone atteignent des montants astronomiques. Des appareils de contrôle sont installés par la poste fédérale allemande. Ils permettent notamment d’enregistrer les numéros appelés. Le 20 octobre, l’horloge parlante est appelée 46 fois en 20 minutes d’un poste pourtant surveillé », poursuit l’auteure, membre du comité directeur de l’Institut métapsychique international. Au fil des mois, les anomalies se poursuivent : des tableaux tournent ou se décrochent, une armoire de 150 kilos s’écarte de 30 centimètres de la cloison.

L’avocat finit par se tourner vers le P^r Hans Bender de l’université de Fribourg, spécialiste des phénomènes paranormaux et fondateur de l’IGPP – Institut pour les zones frontières de la psychologie et de l’hygiène mentale. Ce dernier est rejoint par trois physiciens de l’institut Max-Planck. Leurs rapports indiquent que les anomalies, observées par plus de 40 témoins, ne sont pas explicables. Elles semblent sous contrôle intelligent et tendent à apparaître là où on ne regarde pas – seul le balancement des lampes et des tableaux a pu être filmé, certains bruits enregistrés. Que faire ? « Ayant remarqué que les phénomènes ne se produisent qu’à partir de l’arrivée d’Anne-Marie Schneider, une secrétaire, Hans Bender formule l’hypothèse que la jeune femme de 18 ans est la “personne focus” ou “l’agent” du poltergeist », précise Pascale Catala. En effet, lorsqu’elle n’est pas là, les phénomènes cessent. L’avocat finit par congédier la jeune fille. Certains phénomènes apparaissent sur le nouveau lieu de travail d’Anne-Marie Schneider, mais finissent par s’estomper avec le temps.

Vous avez dit poltergeist ?

Poltergeist est un terme allemand, apparu en 1540, qui signifie « esprit frappeur ». Rapporté dans toutes les régions du monde, il comprend un ensemble de manifestations inexpliquées et pour le moins impressionnantes. Bruits sans causes physiques : coups (raps), bruits de pas, glissements, claquements, sons explosifs, voix, chants, murmures, cris, gémissements, etc. Mouvements sans causes physiques : déplacements et bris d’objets, ouverture et fermeture de portes et de fenêtres, matérialisations ou disparitions d’objets, déplacements de personnes, etc. À cela il faut ajouter des perturbations mécaniques ou électroniques, apparitions de lumières, variations de température et du champ électromagnétique, manifestations de formes mystérieuses, d’odeurs, de sensations tactiles, etc. Ces phénomènes apparaîtraient sur des périodes courtes, allant de quelques heures à plusieurs mois, et seulement devant certains témoins, ce qui les rendrait difficiles à objectiver. « Il y a eu cependant, au cours de l’Histoire, plus de 500 cas sérieux répertoriés et explorés de manière approfondie », note Pascale Catala.

Dépasser l’arrière-plan « Esprit, es-tu là ? »

L’interprétation folklorique qui veut que ce soient des esprits malins, des fées ou des lutins qui produisent les poltergeists fut le premier scénario explicatif. Au XIX^e siècle, l’hypothèse spirite et son modèle de la survie de l’âme arrivent sur le devant de la scène. Il est alors davantage pensé que ce sont les âmes des morts ou des esprits désincarnés qui produisent les phénomènes. Ces explications sont ensuite évacuées par la parapsychologie et son approche rationnelle. Les chercheurs explorent alors un modèle psi à composante énergétique. Des forces ou des énergies psychiques et physiques – qui n’auraient rien à voir avec des êtres invisibles –, influenceraient des objets ou des lieux et causeraient les poltergeists. Il se trouve qu’en effet, des variations électromagnétiques et des anomalies géomagnétiques sont souvent mesurées sur les lieux. Le parapsychologue William Roll de l’université de West Georgia a avancé l’idée d’une interaction entre les ondes dues à l’état mental d’une personne et les ondes électromagnétiques du lieu. Néanmoins, des protocoles plus récents montrent que l’effet psi ne dépend pas de la transmission d’une force, d’une énergie ou d’une onde. Des expériences d’influence à distance ont réussi sur des dizaines de milliers de kilomètres, malgré l’utilisation de cages de Faraday. Par ailleurs, le modèle énergétique ne suffit pas en lui-même à expliquer le versant « intelligent » du facteur qui semble à l’œuvre. Les chercheurs ont ensuite exploré des modèles psi à composante plus psychique.


(...)