Les récentes spéculations ou théories scientifiques défient les limites de l’imagination : Big Bang, trous noirs, énergie sombre, masses négatives, expansion du Cosmos, univers multiples ou jumeaux... Quelles sont les interprétations des origines de la matière ?
Nous avons interrogé trois astrophysiciens : Jean-Pierre Luminet, Jean-Pierre Petit et Trinh Xuan Thuan.
Quelle est la forme de l’Univers ? Est-il fini ou infini, continu ou discontinu, lisse ou chiffonné, plat ou courbé ? Est-il percé de trous noirs et de trous de ver le connectant à d’autres univers ? Existe-t-il des univers jumeaux ou parallèles ? Après 13,8 milliards d’années d’évolution, l’Univers a engendré des galaxies, des étoiles, des planètes, et au moins sur l’une d’entre elles : la vie.
Depuis les Grecs, les modèles cosmologiques se sont succédé, ont été remplacés pour aboutir à un modèle accepté aujourd’hui par la majorité des scientifiques. Toutefois, ce modèle ne permet pas d’élucider certaines énigmes de l’Univers. «
Le modèle “dominant” actuel repose sur trois objets dont on ne sait rien : la matière sombre, l’énergie noire et des inflatons, responsables d’une supposée extraordinaire expansion de l’Univers à son tout début », avertit Jean-Pierre Petit.
Le modèle cosmologique standard
Il est construit autour de la théorie du Big Bang, née avec la théorie de la relativité générale d’Albert Einstein (1879-1955). En 1905, Einstein énonce la théorie de la relativité restreinte qui fonde la notion d’espace-temps et établit un lien entre l’énergie et la masse. La relativité restreinte fait aussi de la vitesse de la lumière une grandeur qui reste inchangée, quel que soit le mouvement de l’observateur. «
Cette théorie révèle que l’énergie et la masse sont les deux faces d’une même pièce, à jamais liées dans son équation E = mc2, dans laquelle E représente l’énergie, m la masse et c la vitesse de la lumière, explique Trinh Xuan Thuan.
Mais cette relativité restreinte ne pouvait pas décrire tous les types de mouvements, comme ceux des objets soumis à la gravité. Dix ans plus tard, en 1915, Einstein publie les équations définitives de la théorie de la relativité générale qui lie ensemble l’espace, le temps, le mouvement, la matière et la gravité. Se basant sur la relativité générale, Einstein proposa un modèle d’Univers statique, comme les observations cosmologiques de son époque semblaient l’indiquer. Mais les équations de la relativité générale lui disaient obstinément que l’Univers ne peut être statique mais dynamique : il est soit en expansion, soit en train de s’effondrer. Pour obtenir un Univers statique, Einstein dut introduire dans ses équations un terme antigravité appelé “constante cosmologique”, action qu’il qualifia de “plus grande erreur de sa vie” quand l’astronome américain Edwin Hubble affirma l’expansion de l’Univers en 1929. »
Le modèle cosmologique du Big Bang stipule que l’Univers a été plus dense et plus chaud par le passé, il est donc en expansion. Mais à la charnière des années 1920, un coup de tonnerre dans la science se produit, comme le relate Jean-Pierre Petit : «
Les observations et les calculs théoriques montrent que l’Univers est instationnaire et en expansion. Et le premier surpris est Einstein lui-même qui déclarera : si j’avais su que l’Univers était instationnaire, j’aurais trouvé avant Alexandre Friedmann (1888 -1925) ». En effet, ce physicien et mathématicien russe découvre que les équations de la relativité générale d’Einstein permettent la description d’un Univers en évolution ! Friedmann introduit alors l’idée d’expansion, tandis qu’Einstein soutient fermement la thèse d’un Univers statique.
«
Hubble observa un décalage systématique de la lumière des galaxies lointaines vers le rouge, traduisant un mouvement d’éloignement de la Voie lactée, précise Trinh Xuan Thuan.
De plus, il mesure les distances de ces galaxies en observant un certain type d’étoiles variables qu’elles contiennent, les céphéides. Hubble s’aperçoit que les galaxies s’éloignent les unes des autres à une vitesse de récession qui est proportionnelle à leur distance à la Voie lactée [en fait, ce ne sont pas les galaxies qui se déplacent, mais l’espace qui enfle, NDLR].
Autrement dit, plus une galaxie est loin de nous, plus elle s’éloigne rapidement. La loi de proportionnalité entre la vitesse d’éloignement d’une galaxie et sa distance est appelée “loi de Hubble-Lemaître”. Georges Lemaître (1894-1966) fut le premier à construire, en 1917, un modèle d’Univers dynamique basé sur la relativité générale. » Quant à Einstein, lors de sa visite en Californie en 1931, il admit son erreur. «
Le décalage vers le rouge de lointaines nébuleuses a frappé d’un coup de marteau ma perception désuète », déclara-t-il.
Le modèle « dominant » actuel
repose sur trois objets dont on ne sait rien :
la matière sombre, l’énergie noire et des inflatons...
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