Le Soleil, boule de gaz indispensable à la vie, éjecte de violents flux de plasma, des éruptions d’ions et d’électrons. D’après certains scientifiques, ces « tempêtes » pourraient un jour affecter nos réseaux électriques, semant le chaos sur Terre. Que risque-t-on vraiment ? Tentons d’apporter des éléments de réponse.
Source de lumière, de vie et d’énergie, à 150 millions de kilomètres de la Terre brille notre Soleil, dont l’activité s’intensifie parfois au point que jaillissent des éruptions solaires hautement énergétiques. Depuis quelques dizaines d’années, l’astre est au cœur des préoccupations d’une partie de la communauté scientifique. Si la plupart des éruptions sont sans danger, ces gigantesques masses d’ondes et de particules, libérées de façon imprévisible à la surface du Soleil, peuvent gravement endommager les réseaux électriques créés par l’homme. Certains médias parlent même d’un grand black-out paralysant une partie de la planète... D’abord, il faut savoir que si l’étude du Soleil date de l’Antiquité, celle des éruptions et de leur physique ne s’est développée que très récemment, dans les années 1950. La physique des éruptions, qui se fonde sur la magnétohydrodynamique – une branche de la physique des plasmas – est donc une discipline plus jeune que la relativité ou la mécanique quantique !
Comment expliquer que l’intérêt pour ce phénomène crucial soit si récent ? Puisque le principal effet secondaire d’une éruption solaire puissante est une perturbation des réseaux électriques, avant l’ère contemporaine, elles passaient presque inaperçues. Les premières éruptions identifiées datent seulement du XIX
e siècle. En 1859, l’« événement de Carrington » avait affecté le télégraphe, principal outil de communication de l’époque. Tandis que des télégraphistes étaient victimes de violentes décharges, les rapports indiquent que certains postes ont pris feu à cause des courants électriques traversant les lignes du télégraphe. Au cours de l’incident, des aurores boréales et australes ont été observées dans des zones inhabituelles, si intenses que les «
habitants du nord-est des États-Unis pouvaient lire leur journal à la seule lumière des aurores », a déclaré Daniel Baker, du Laboratoire de physique atmosphérique et spatiale de l’université du Colorado (conférence de géophysique, 2016). Plus récemment, en 2003, l’une d’elles a entraîné une panne de courant à Malmö (Suède) et une perte de contact avec deux satellites japonais. Puis le 14 février 2011 a eu lieu une éruption si intense qu’elle a interféré avec les communications radio et les signaux GPS des avions long-courriers...
Si la plupart des éruptions sont sans danger, ces gigantesques masses d’ondes et de particules, libérées de façon imprévisible à la surface du Soleil, peuvent gravement endommager les réseaux électriques créés par l’homme.
Vers une météo de l’espace
Il faut savoir que l’éruption solaire est un mécanisme inhérent au fonctionnement de l’astre, et qui n’a rien de rare. Pour y voir plus clair, nous avons interrogé Guillaume Aulanier, astronome à l’Observatoire de Paris et spécialiste de physique solaire au Laboratoire de physique des plasmas (Paris). Son champ de recherche consiste en des simulations numériques du déclenchement d’une éruption solaire, qui sont par la suite confrontées aux observations, notamment celles des satellites. D’après lui, «
il y a entre 0 et 5 éruptions par jour. Tout dépend du cycle solaire, qui est de 11 ans en moyenne, mais il peut être un peu plus court ou plus long. En période de minimum, il n’y a presque pas d’éruptions, tandis qu’il peut y avoir plusieurs grosses éruptions par jour en période de maximum. Le Soleil n’est donc pas aussi calme et uniforme que ce que l’on voit en le regardant naturellement. »
Qu’est-ce qui fait alors qu’une éruption est considérée comme « intense », et potentiellement dangereuse pour nos infrastructures ? Sur cette question, il n’existe pas encore de consensus. Les scientifiques peinent à définir les contours d’un phénomène très polyvalent. En effet, de nombreux paramètres physiques sont pris en compte pour tenter d’établir l’intensité d’une manifestation : «
Le flux de particules énergétiques associé aux rayons X, l’énergie cinétique de l’éjection de masse coronale et la direction du champ magnétique en amont de l’éjection de masse coronale vont conjointement créer plus ou moins de problèmes dans l’héliosphère et l’environnement spatial de la Terre. Tout cela est très difficile à prévoir. » Aboutir à une météo de l’espace aussi précise que la météo terrestre, c’était entre autres l’objectif du projet européen FLARECAST (qui pourrait se traduire par « Prévision de la probabilité d’éruption et de leur localisation »), qui a fourni des paramètres indicateurs d’éruptions solaires à partir de l’étude du champ magnétique des zones actives du Soleil. (...)