Se nourrir, c’est incorporer des éléments extérieurs. Notre alimentation
moderne se retrouve donc logiquement au coeur du débat sur l’impact
de l’environnement sur notre santé. Et il y aurait de quoi se mettre au jeûne...
Exceptionnellement, Marion Kaplan,
bio-nutritionniste, coauteure de J’arrête
la malbouffe et fondatrice de
Quantique
Planète, entre dans une grande surface.
Elle a besoin d’acheter des oignons.
Quoi de plus basique ? Elle découvre que tous
viennent de Nouvelle-Zélande.
« C’est l’autre bout
du monde ! Imaginez l’énergie dépensée et la pollution
générée pour importer un produit qui pousse
très bien chez nous », s’étonne-t-elle. La production
de notre alimentation semble majoritairement passée
aux mains d’une industrie agroalimentaire dont
la démesure est de plus en plus décriée. On nous
assure qu’il faut produire en masse pour nourrir le
monde.
« La réalité c’est qu’une poignée de firmes
internationales monopolisent cette production et
cherchent entre autres, à devenir les détentrices du
vivant », répond Dominique Guillet, fondateur
de Kokopelli, une association dont l’objectif est
de préserver la biodiversité. En effet, aujourd’hui,
5 multinationales contrôlent 75 % de la semence
potagère planétaire. Que se passe-t-il du côté de nos
réfrigérateurs ? Quel impact sur notre santé ?
Que mange-t-on vraiment ?
Depuis plus d’un demi-siècle, le système agroalimentaire
a été marqué par l’instauration de
monocultures gigantesques à base de graines
génétiquement modifiées et souvent non reproductibles,
un recours extensif aux engrais chimiques et
pesticides en tout genre, une banalisation de la maltraitance
animale, une surexploitation des océans.
Tout cela a provoqué une perte dramatique de
biodiversité, une pollution généralisée de nos
écosystèmes, une restructuration sociale profonde
afin de centraliser la production agricole. Au final,
nous ne savons plus ce que nous mangeons, d’où
cela provient, et la qualité de notre nourriture se
dégrade de façon inquiétante : perte de la valeur
nutritionnelle, modifications génétiques, traitements
et additifs chimiques. L’état des lieux de notre
alimentation moderne ne semble pas glorieux. Cette
nourriture est-elle encore bénéfique pour nous ?
« Nous ne faisons plus de l’agriculture, nous faisons de
la gestion de pathologie végétale, ce n’est pas la même
chose. Et manger des plantes et des animaux malades,
au final, ça fait des gens malades », affirment Lydia et
Claude Bourguignon, ingénieurs en biologie et agronomie,
dans le documentaire
Solutions locales pour
un désordre global de Coline Serreau.
« Nous consommons
des produits tellement transformés que, sans la main
de l’homme, ils ne pourraient pas pousser. Le blé compte
maintenant plus de 40 chromosomes contre une douzaine
il n’y a pas 60 ans. Chez l’humain, il suffit qu’un petit
chromosome change pour qu’il devienne trisomique. Nous
n’avons aucun recul sur les effets de telles manipulations »,
alerte Marion Kaplan.
La qualité de notre nourriture se dégrade de façon inquiétante.
Un impact sur la santé
Ainsi, au-delà des scandales de la vache folle et du
poulet à la dioxine, c’est la généralisation quasi
silencieuse de la malbouffe qui devrait nous
questionner car son impact sur notre santé pourrait
être majeur. De nombreuses études établissent des
liens entre ce changement alimentaire et une augmentation
inquiétante des maladies chroniques nontransmissibles
: cancers, maladies cardio-vasculaires,
diabète, obésité, maladies neurologiques.
Et que
penser de la multiplication des allergies, notamment
au gluten et aux produits laitiers ?
« Afin de mieux comprendre
la croissance de ces maladies, les recherches se sont
d’abord centrées sur le rôle des gènes. Par la suite, elles ont
cherché à décrypter la genèse de ces pathologies. Les résultats
ont été assez décevants et ne nous ont pas aidés à régler
le problème. Aujourd’hui, les chercheurs soulignent le rôle
de l’alimentation dans l’incidence de ces maladies chroniques
», spécifie le lanceur d’alerte Thierry Souccar,
journaliste scientifique et co-auteur de
Santé, mensonges
et propagande. Notre nourriture moderne est remise en
cause. Avons-nous oublié que notre corps est constitué
des aliments que nous ingérons ?
Du bon dans nos assiettes
Nous ne le dirons jamais assez : nous vivons au coeur
d’écosystèmes dont nous sommes totalement dépendants.
Ces assemblages subtils, que la nature a mis
des milliards d’années à élaborer, semblent nous fournir
ce dont nous avons besoin. L’habitant d’un pays
nordique n’a pas les mêmes besoins que celui d’une
zone tropicale. Notre organisme n’a pas les mêmes exigences
au printemps qu’à l’automne.
« Manger local et
de saison permet d’être en accord avec nos besoins fondamentaux
au bon moment. Et nous pourrions aller plus
loin : le magnétisme terrestre – qui finalement influence
tout le vivant – n’est pas le même partout. Il est possible
que manger des produits qui proviennent de l’écosystème
dans lequel nous évoluons nous maintienne dans un
équilibre énergétique adapté à notre environnement »,
suggère Marion Kaplan.
Nos milliards de coups de fourchette peuvent faire
une véritable différence. Manger moins de viande, de
poisson, et éventuellement de céréales, préparer sa
nourriture à partir d’une production locale et biologique,
pourraient être des actes de prévention pour
notre santé comme pour celle du monde.
Cultiver la biodiversité
Basée sur une conception holistique, la permaculture cultive de nombreuses espèces ensemble sur un même espace. Cette méthode se fonde sur l’idée qu’en nous inspirant de la nature, nous pouvons recréer des micro-écosystèmes dans lesquels les différentes plantes se rendent service les unes les autres. Ainsi, la main de l’homme a moins besoin d’intervenir. La permaculture se révèle être durable et économe en énergie. Moins d’arrosage, moins d’intrants, moins de manutention... et plus de productivité.