Les Grecs empruntaient la parabole du fleuve Léthée,
dont toute âme boirait l’eau avant de s’incarner,
provoquant un oubli de son savoir et permettant
son incarnation dans une nouvelle vie de manière
équitable. Autant l’oubli semble universel et
humain, autant la connaissance pourrait se trouver
quelque part, comme stockée sur un réseau Internet
du cosmos, un Wikipédia immense qui aurait en
mémoire chaque vie, chaque incarnation depuis la
nuit des temps, ainsi que la genèse de toute chose.
Platon décrivait un royaume des formes et des
idées, véritable siège de l’âme, qui comporterait
tout le savoir. Un siècle avant Pythagore, les Grecs
appelaient
Kosmos, l’éther, le cinquième élément,
cet « espace du savoir ». Plotin le décrivait comme
« l’Un », issu du principe créateur du cosmos,
qui aurait donné naissance à la matière ; le sansforme
(le Verbe ?) qui aurait créé la forme. Chez
le Chinois Lao Tseu, c’est le tao qui n’a ni forme,
ni temps, ni espace. En Inde, l’un des berceaux
spirituels du monde, on retrouve ce concept d’un
savoir lumineux universel dans l’
akasha, ou éther.
Tous ces concepts se rejoignent sur l’idée qu’un
élément impalpable, sous forme de connaissance,
de savoir, pourrait prendre forme dans la matière
dont nous sommes constitués. Sommes-nous des
particules de savoir ? Dans ce cas, avons-nous accès,
d’une manière ou d’une autre, à une possibilité de
conscientiser ces connaissances et, de ce fait, moduler
notre vie ?
Le cinquième élément
En sanskrit, le terme
akasha signifie l’éther, le cinquième
élément, qui permet la manifestation des
quatre autres : la terre, le feu, l’eau et l’air. Les enseignements
du Samkhya Karika de l’Inde, remontant
au début de notre ère, ont été donnés par des
rishis,
d’antiques sages visionnaires qui « entendaient » les
enseignements émanant de l’au-delà, afin d’expliquer
de quoi et comment est fait notre monde. D’après
eux, l’
akasha est l’espace, la disponibilité pour que
quelque chose advienne. «
Pour que la matière prenne
forme, il faut les quatre éléments, mais aussi un espace,
qui n’est pas un vide, mais qui est fertile. Sinon, rien ne peut advenir. L’akasha, c’est finalement aussi bien l’espace
cosmique qui accueille les galaxies que l’espace entre les
éléments de l’atome », raconte Joachim Vallet, enseignant
de yoga et du Samkhya Karika. Alors l’akasha
serait partout : entre les planètes de l’Univers, mais
aussi à l’intérieur des atomes et entre les atomes qui
font la matière : c’est le vide quantique. Cela nous
constituerait également, puisque nous sommes faits
des quatre éléments, d’atomes et donc de ce cinquième
élément.
Ce vide quantique contiendrait
alors la mémoire de ce qui advient et de ce qui est
constitué. «
Nos mémoires sont là, dans cet espace de
notre matière corporelle et elles sont de ce fait accessibles.
Il est théoriquement possible de voyager n’importe où,
à l’écoute de n’importe quelle mémoire du monde. À
partir de moi, de la matière de mon corps, en tournant
l’organe mental vers l’intérieur, c’est parti vers n’importe
où ! », s’amuse Joachim Vallet. Il suffirait donc de
suivre cette trame qui se déploie là où il y a de l’espace
dans le cosmos et à l’intérieur de la matière. Joachim
Vallet précise : «
Penser, que ce soit dans le niveau
de conscience du rêve ou de la veille, c’est volontairement
ou involontairement un voyage dans les mémoires, il
ne peut en être autrement. La pensée est voyage, elle
est imaginaire. » Pour ce spécialiste, le terme même
de « mémoires akashiques » est un pléonasme et un
néologisme : cet
akasha constitutif crée l’ego, et donc
nos conditionnements et notre manque de liberté
en quelque sorte, mais aussi nos meilleurs réflexes
de survie. De là à imaginer que visiter ces mémoires
nous libérerait, il n’y a qu’un pas.
L’akasha c’est l’espace,
la disponibilité pour que
quelque chose advienne.
Le voyage dans la mémoire
du temps
Ce n’est pas le voyageur astral Daniel Meurois,
médium et spécialiste de ce qu’il nomme les annales
akashiques, qui dirait le contraire. Habitué à visiter
les mémoires du temps, lui aussi rappelle leurs origines
conceptualisées dans l’Inde antique.
Akasha qui
selon lui veut dire «
ciel lumineux » ou «
la lumière
immanente imprégnant les mondes », est le quatrième
état de la matière – après les états liquide, solide et
gazeux. «
À partir du moment où on accepte le principe
selon lequel la matière tire en grande partie son origine
de l’akasha, il devient alors facile d’admettre que tout
ce qui existe dans notre Univers soit une mémoire »,
analyse Daniel Meurois, qui relève l’importance de
la notion de mémoire des objets (comme l’eau...).
Toutes nos vies, tous les événements auraient pour
support de mémoire l’
akasha. Pour lui, cette dernière
serait «
une matière intelligente constituant globalement une sorte de plaque sensible
de l’Univers, une substance tellement subtile et omniprésente
que tout ce qui “advient” quelque part, en
n’importe quel endroit de ce qui existe, s’y imprègne
automatiquement ».
Mais serait-il possible, ainsi, d’aller visiter le temps et
de rapporter de manière consciente des pans historiques
qui nous seraient arrivés, à nous ou à autrui,
dans ce que l’on appelle les vies antérieures ? Pour
Daniel Meurois, c’est un « phénomène basé sur la projection
de la conscience hors de son vêtement de chair »,
totalement possible, mais seulement si l’on parvient
à se mettre dans un état modifié de conscience, à
condition que notre âme soit prête et que nous ayons
la maturité nécessaire pour en mesurer l’éthique. De
façon concrète, le phénomène se produirait ainsi :
«
Les annales se composent d’un nombre incalculable
de strates et l’exercice de leur lecture revient à essayer de
se syntoniser avec la fréquence vibratoire de l’une d’elles
afin d’en extraire les informations. » À la manière d’un
film que l’on regarderait, nous pourrions faire défiler
les mémoires du temps, observer et même ressentir
les scènes, sans pour autant agir dessus. En effet,
ces événements passés ne sont pas modifiables, mais
consultables. Ils seraient autant de films subjectifs
réalisés par l’essence de notre conscience supérieure,
c’est-à-dire le karma.
Une possibilité scientifique ?
Le philosophe des sciences Ervin Laszlo, auteur de
nombreux ouvrages de référence dans le domaine
de la recherche sur les liens entre les avancées
scientifiques et les réflexions sur l’évolution de la
pensée, a déterminé ce qu’il nomme le « champ
akashique », ou le « champ A ».
Dans son livre,
Science et champ akashique, il examine
les dernières avancées scientifiques au regard
de sa théorie d’un tout constitutif de l’Univers. Il
s’appuie sur l’hypothèse d’un méta-univers dont
l’empreinte akashique informerait notre Univers et
expliquerait son incroyable cohérence. On retrouve
cette corrélation quantique en biologie – la fameuse
intrication quantique –, le comportement des quanta
rappelant celui des cellules et des organes d’un organisme
vivant. En quelque sorte, ces éléments coréagissent,
se transmettent de l’information sans être
apparemment en contact, et organisent le vivant de
manière parfaite et coordonnée. C’est aussi la corrélation
quantique que l’on retrouve dans la théorie
de l’intrication, la syntonisation avec l’environnement
d’un organisme ou d’un quanta.
(...)