Il y a deux grands types de mémoires familiales :

Les mémoires intergénérationnelles

Une mémoire intergénérationnelle est une mémoire qui se transmet entre un ascendant et un descendant qui ont vécu en même temps. Soit c’est un ascendant que nous avons côtoyé directement, soit c’est un ancêtre qui était vivant lors de notre naissance. Cela peut être le cas d’un parent avec son enfant, des grands-parents, des arrière-grands-parents, des oncles, des tantes, etc. On peut croire qu’une mémoire intergénérationnelle est plus forte qu’une mémoire transgénérationnelle. Ce n’est pas forcément vrai et je vais détailler mon propos tout au long de cet ouvrage.

Cependant, les mémoires intergénérationnelles sont plus faciles d’accès puisque nous pouvons communiquer avec nos ascendants, nous pouvons les observer, nous pouvons leur poser des questions, nous pouvons avoir plus facilement des informations sur les événements marquants de leur vie. Quoique parfois, la communication est totalement coupée dans une famille et nous ne pouvons pas échanger avec nos ascendants. Chaque famille est unique et différente. Et surtout, les liens familiaux peuvent être très complexes, je ne t’apprends rien, je pense.

Les mémoires transgénérationnelles

Une mémoire transgénérationnelle est une mémoire qui se transmet entre un ascendant et un descendant qui n’ont pas vécu en même temps. Les deux membres de la famille ne se sont pas côtoyés et l’ascendant était décédé au moment de notre naissance.

On a accès aux mémoires transgénérationnelles grâce aux récits de famille, aux documents, en explorant notre arbre généalogique.

Les mémoires transgénérationnelles sont moins accessibles que les mémoires intergénérationnelles : puisqu’on ne peut pas communiquer avec nos ascendants, cela implique très souvent un travail d’investigation et un vrai investissement personnel.

Cependant, c’est une véritable aventure et cela permet de comprendre beaucoup de choses.

La symbolique de la pieuvre

Pour explorer le concept du karma familial, j’ai choisi la symbolique de la pieuvre, et ce pour plusieurs raisons.
La pieuvre, maîtresse du camouflage, représente parfaitement la nature subtile du karma familial. Tout comme cet animal marin déploie ses stratagèmes pour passer inaperçu, le karma familial peut nous envelopper de ses tentacules invisibles. Nous pouvons ainsi avancer dans la vie, persuadés d’être libres de nos choix, sans réaliser l’emprise de cet héritage sur nos actions.

L’adaptation, symbolisée ancestralement par la pieuvre, est au cœur de notre existence. Que nous nous intéressions ou non au karma familial ou aux concepts spirituels, notre capacité à nous adapter au monde extérieur est cruciale pour notre épanouissement. Il ne s’agit pas nécessairement de se libérer des tentacules du karma, mais plutôt d’apprendre à coexister avec elles, en nous adaptant à leur présence pour avancer sereinement.

L’intelligence remarquable de la pieuvre nous rappelle l’importance de l’analyse et de l’apprentissage dans notre approche du karma familial. Il ne s’agit pas de voir cet héritage comme une fatalité, mais comme une opportunité de comprendre nos ressources intérieures, nos aspirations profondes et nos limites personnelles. C’est aussi reconnaître l’intelligence de nos ancêtres pour mieux percevoir la nôtre.

En tant qu’animal totem dans les traditions chamaniques, la pieuvre symbolise l’importance de la famille. Explorer notre karma familial, c’est construire notre présent et notre futur sur la compréhension de notre héritage.

Enfin, la pieuvre incarne le désir d’explorer les mystères. Je t’invite à aborder cet ouvrage avec cet esprit d’exploration positive. Ne cherche pas une explication unique à ta personnalité ou à tes défis, mais considère plutôt ce travail comme un hommage à tes ancêtres, une reconnaissance de leurs luttes et de leurs réussites.

Il est important de garder à l’esprit que nos ancêtres ont évolué dans des contextes sociétaux et humains différents des nôtres. Nous avons aujourd’hui un recul qu’ils n’avaient pas à leur époque. De plus, nous sommes à la fois les descendants de notre lignée et les futurs ascendants des générations à venir.

Le karma familial n’est pas un fardeau, mais un cadeau. C’est le cadeau de notre existence, de nos choix, de nos pensées et de notre façon unique de percevoir le monde. En l’explorant, nous nous donnons les moyens de mieux comprendre qui nous sommes et de façonner consciemment l’héritage que nous transmettrons à notre tour.

Les règles d’or du karma familial

Voici les 10 règles d’or pour travailler sur ton karma familial. Ce ne sont pas des injonctions. Ce sont des conseils et des pistes de réflexion à méditer quand tu entreprends ce voyage familial.

1. La libération n’est pas la clef de ton bonheur. Tu ne peux pas te libérer de ton karma familial. C’est une énergie qui est en toi et surtout c’est une énergie qui est en mouvement. Ce n’est pas un bloc de pierres que tu portes comme un fardeau. C’est une énergie qui change en permanence, car elle est influencée par tes propres énergies. Le karma familial est une relation et non une damnation. Il a la place que tu lui laisses en toi. Il a la puissance que tu lui donnes. Il t’appartient et participe à qui tu es.

2. Une mémoire transgénérationnelle négative peut se transformer en une expérience positive. Ce n’est pas parce que tu as un karma familial lourd et compliqué que cela va t’obliger à ne vivre que des expériences négatives. Tu peux transcender un karma familial négatif en une vraie force intérieure pour créer ton propre chemin et ta propre liberté. Cela peut t’apporter de véritables enseignements pour éviter des situations que tu ne souhaites pas. Rappelle-toi que tu peux critiquer tes ancêtres, car tu as un recul qu’eux n’ont pas eu sur leurs expériences de vie.

3. Le travail familial demande beaucoup de temps et de patience. Je te déconseille de vouloir vivre cette aventure rapidement. Tu vas alors faire beaucoup de raccourcis et être dans la catégorisation. Il y a un vrai travail de recherche à mettre en place. Tu as besoin de créer du lien entre toutes les informations que tu vas découvrir. Tu as besoin de prendre du recul sur tes découvertes. C’est le travail d’une vie. Vis cette expérience tout en construisant ton propre chemin. Fais-en un allié pour créer ta propre indépendance. Mais surtout, prends ton temps. C’est très important.

4. Nos ancêtres ne sont pas à diaboliser. Quand on travaille sur le karma familial, on peut diaboliser nos ancêtres et remettre toute la faute sur eux. Je trouve cela profondément injuste. Rappelle-toi que nous sommes toutes et tous capables du meilleur comme du pire. Aujourd’hui, nous pensons être dans la bienveillance et dans la douceur envers nos enfants. Peut-être que dans 3 générations, nos descendants penseront totalement l’inverse et critiqueront fermement ce que nous pensons bien faire aujourd’hui. Chaque génération vit dans des conditions sociétales différentes. Si nous ne voulons pas être diabolisés par nos futurs descendants, ne commençons pas aujourd’hui.

5. Tous nos blocages ne sont pas explicables par le karma familial. On peut être tenté de chercher une cause extérieure unique qui va tout expliquer. Cela est rassurant, car cela nous empêche de voir le monde extérieur pour ce qu’il est : incontrôlable, imprévisible et impermanent. De plus, on a juste à libérer ce blocage unique et tous nos problèmes vont disparaître. Sauf que le monde est tout sauf binaire. Nous sommes des êtres complexes et nous vivons dans un monde complexe. Le karma familial apporte des pistes de réflexion et un autre angle de vue sur qui nous sommes. Mais il ne peut pas tout expliquer.

6. La solution magique de libération du karma familial n’existe pas. Et je pense sincèrement que si on cherche une forme de libération, c’est dans l’acceptation qu’une nouvelle sérénité se trouve. Rappelle-toi que notre mémoire est la principale fondation de notre personnalité. La mémoire de notre famille constitue aussi une partie de nous-même. Vouloir se libérer à tout prix de son karma familial, c’est une fuite de soi, c’est une fuite de ce qu’on pense inacceptable en soi, c’est une fuite de ses failles intérieures. Accepter son karma familial en se demandant ce qu’on peut en faire pour créer son propre chemin est une démarche plus constructive que de vouloir se libérer.

7. Nous ne sommes pas les sauveurs de notre famille. Moi la première, j’ai cru que je devais libérer mes ancêtres. Et je me suis alors attelée à mettre en place de nombreux rituels qui n’ont eu aucun effet. Je me suis épuisée et, pendant ce temps-là, je ne pensais pas à moi. C’était de nouveau une forme de fuite de moi-même. Je n’osais pas me concentrer sur moi, alors je me concentrais sur cette libération. Nous ne sommes pas les sauveurs de nos ancêtres. Si nous devons sauver une seule personne, c’est nous-même. En travaillant sur le karma familial, naturellement on modifie l’énergie de notre famille avec douceur et bienveillance.

8. La création de notre propre chemin et de notre propre bonheur est une des clefs pour travailler son karma familial. « Sans exemple, on ne peut rien enseigner correctement » (Columelle). Nos ancêtres ont expérimenté avant nous. Ils ont pu réussir. Ils ont pu échouer. Mais ils ont été des exemples à suivre ou non. Cela apporte un vrai enseignement. Travailler ton karma familial, c’est te servir de cet enseignement pour créer ton propre bonheur et ton propre chemin, à ta façon. Oser être toi-même grâce au vécu de tes ancêtres. Par leurs décisions, ils t’aident à prendre les tiennes par toi-même.

9. Le bonheur et la réussite ont une définition personnelle. Et c’est tout un travail de reconstruction à faire. En travaillant ton karma familial, tu prends conscience des définitions de tes ancêtres. Tu prends conscience de leur influence sur tes propres pensées et tes propres projets. Tu prends conscience de ce qui est vraiment important pour toi. Cela t’aide à te révéler à toi-même, à affirmer ce qui est important pour toi, à entreprendre ce qui te fait vibrer. Tu as le droit de prendre un chemin que tes ancêtres n’ont jamais pris. Car tu construis ta propre existence, ton propre bien-être et ton propre épanouissement. Tu ne trahis personne en étant toi-même.

10. Prendre conscience du karma familial ne minimise pas la souffrance. Tu peux travailler ton karma familial, tu peux comprendre son influence sur les membres de ta famille. Cela peut apporter un autre angle de vue sur les expériences avec ta lignée. Mais cela n’excuse pas tout et ne minimise pas ta souffrance. Cela apporte des pistes de réflexion. Cela apporte une nouvelle compréhension, mais n’enlève en rien la responsabilité de chaque personne dans ses actes, ses paroles et ses décisions. Le karma familial n’est pas une gomme qui efface la responsabilité des membres de ta famille. […]


Isabelle Cerf, Le guide du karma familial, éditions Trédaniel, 2025, p. 16 à 20.