Développer une sécurité interne pour mieux s’habiter et s’ouvrir à l’autre, retrouver une santé psychoaffective, affiner son ressenti, tels sont les objectifs proposés par l’haptopsychothérapie.
Quand l’haptonomie se mêle à la psychothérapie et s’adresse à tous, elle devient l’haptopsychothérapie.
« Une thérapie qui part du bas (le corps) pour aller vers le haut (le mental) et non le contraire », souligne Marie-Noëlle Maston, psychologue clinicienne et psychothérapeute, qui a créé, en 2016, un centre d’« haptoformation » à Villeneuve-Loubet, dans le sud de la France. Cela fait plus de trente ans qu’elle mêle ses connaissances en haptonomie aux outils de la psychogénéalogie pour soigner, par exemple, les troubles du sommeil dont elle fait état dans son dernier livre, mais aussi bien d’autres pathologies ou névroses.
« Avec l’haptonomie, à travers un toucher sensible et sécurisant, on va accéder à la mémoire affective des patients et nettoyer en quelque sorte les ressentis du poids transgénérationnel. Cette technique leur permet d’être en contact avec leur “moi émotionnel profond”, de se sentir confirmés affectivement et de cicatriser leurs carences et traumatismes. Elle leur offre la possibilité de mobiliser eux-mêmes leurs ressources liées au désir et au plaisir de vivre ! »
À l’origine du développement de l’haptonomie, on découvre un homme, Frans Veldman, auprès de qui Marie-Noëlle Maston s’est formée. Né aux Pays-Bas en 1921, celui-ci a commencé ses recherches après la Seconde Guerre mondiale avec pour but de faire épanouir plus profondément les valeurs de l’affectivité. Il dit lui-même avoir introduit pour la première fois les notions de « présence psychotactile » et de « proximité affective » précédant la notion d’haptonomie :
« Je décrivis cette approche très caractéristique, pleine de respect, de sollicitude, de tendresse, transparente, sécurisante et affectivo-confirmante qui, dans la proximité rassurante, accompagnée d’un contact tactile très spécifique, […] tient compte de l’état d’être et de la typologie individuels, ainsi que des souffrances, des soucis et des angoisses des patients ; assurant de cette façon une rencontre de confiance, dépassant le corps, mais embrassant la personne dans son entièreté, c’est-à-dire sa corporalité animée. » Par là, il entend rencontrer le patient, confirmé dans son être et éprouvé dans sa corporalité, formant un tout, avec son âme et son corps. Ce qui ouvre naturellement à une dimension subtile.
La science de l’affectivité...
Le terme haptonomie (dont la racine grecque
haptein renvoie au toucher, à la sensation dans le contact, à la sensibilité, aux sentiments) se développe grâce à lui et malgré les résistances du corps médical de l’époque à accepter un toucher affectif sur les patients. Il ne s’agit pas à proprement dit d’une thérapie, mais plutôt d’une science humaine, aux confins des neurosciences, ou d’une approche transdisciplinaire du soin.
« Elle est fondée sur une approche phénoménologique de facultés humaines à ressentir et à être présent, celles-ci étant en grande partie enfouies par une société hyperrationnelle dans laquelle l’affectivité, les émotions, le ressenti – et tout particulièrement le sens du toucher – ont été relégués », explique Marie-Noëlle Maston. Cette science de l’affectivité implique une « manière d’être » qui imprègne la pratique de chaque professionnel, qu’il soit kinésithérapeute, psychologue, infirmier, sagefemme... Elle s’est d’ailleurs surtout développée dans le cadre périnatal pour favoriser les premiers contacts entre la maman, le papa et le bébé, celui-ci dans le ventre, puis une fois né. Elle est aussi pratiquée dans l’accompagnement de fin de vie.
... et des particularités
Frans Veldman a créé son école, le CIRDH (Centre international de recherche et de développement de l’haptonomie), au début des années 1980 en France, à la suite de sa rencontre avec des chercheurs du Groupe d’études et de recherche du nouveau-né (GRENN), animé, entre autres, par Françoise Dolto. Aujourd'hui, le centre veille à poursuivre son œuvre (son fondateur étant décédé), avec les Drs Catherine Dolto et Dominique Décant-Paoli, la présidente. Et même si la technique est défi nie avec soin par Frans Veldman, son application peut prendre des formes différentes d’un thérapeute à l’autre et, bien sûr, d’un patient à l’autre en fonction de son ressenti. Comme Dominique Décant-Paoli le souligne dans son livre, l’haptonomie
« est très complexe à transmettre parce que tel est l’humain contemporain : divisé, de plus en plus éduqué intellectuellement [...], de plus en plus techniciste et pris dans le visuel et non dans le subtil du sensible. Chacun aborde donc la réalité qu’il doit partager avec autrui, avec son propre monde interne et des représentations très différentes du fait de la culture et de l’histoire personnelles.
Une qualité de présence
Mais que se passe-t-il exactement quand on met en place cette technique dans le cadre de la thérapie ? Car au-delà des mots, c’est avant tout de ressenti dont il s’agit.
« Il faut faire l’expérience pour savoir, au plus profond de son être, ce qu’est vraiment l’haptonomie », précise Marie-Noëlle Maston, qui s’est retrouvée confrontée aux limites de la thérapie verbale en faisant sa psychanalyse, mais aussi en travaillant au contact des bébés, dans un centre d’aide sociale à l’enfance, alors qu’elle était jeune psychologue. Il s’agissait pour elle de trouver une thérapie émotionnelle permettant à ces enfants de se sentir « entiers », malgré leurs traumatismes précoces et leurs vécus abandonniques. Or, l’haptonomie permet de contacter le patient par le toucher au niveau du ventre, qualifié de deuxième cerveau, ainsi révélé par les récentes recherches en neurosciences.
« Ce contact sécurisant permet que des engrammes, parfois très traumatiques, soient libérés. La qualité de présence active le système limbique et notamment l’amygdale de l’hippocampe du cerveau, qui joue un rôle essentiel dans le stress ou la sécurité de base », note celle qui a aussi écrit sur l’importance des fondations de l’être, de la conception à la naissance, jusqu’à la première année de vie.
Le contact psychotactile change d’emblée le ressenti émotionnel et corporel
Lors du stage de sensibilisation à l’haptonomie de premier niveau, on apprend, en groupe de travail, à contacter cette « présence affective » à travers différents jeux de rôle. Comment prendre sa place alors que notre voisin s’avachit sur nous dans le bus ou occupe notre accoudoir dans l’avion ? Comment inviter un patient lourd et impotent à se lever facilement de sa chaise ou de son lit ? Comment se laisser tomber en arrière en toute confiance dans les bras d’un inconnu ? Il est impressionnant de constater que la présence bienveillante de l’un permet à l’autre de prendre toute sa place et de se sentir profondément sécurisé. Le contact psychotactile permet de développer sa capacité à être présent à soi et aux autres, mais aussi d’accéder à une réelle conscience et connaissance de soi. Ce qui se fait avec une facilité déconcertante, selon Marie-Noëlle Maston :
« Le contact psychotactile change d’emblée le ressenti émotionnel et corporel. On peut inviter quelqu’un à venir à soi simplement en développant sa qualité de présence, un peu comme si on le touchait à distance... Mais il n’y a pas de magie. Ces dons sont naturels. »
Autre test : celui de la vulnérabilité, dans lequel on va utiliser le chatouillement ou la douleur. L’un chatouille son voisin, pendant que l’autre lui pince fortement la cuisse. Les réactions sont immédiates. Quand l’un a du mal à contenir un rire nerveux, l’autre s’exprime par un cri. Et même si le sujet veut modifier cela, il reste vulnérable. Face au contact tout en subtilité de Marie-Noëlle, les réactions changent : en fait, il n’y en a plus ! Ni chatouillement, ni douleur ! Explication :
« Le tonus musculaire est modifié, une profonde détente s’instaure. » Et les bienfaits de l’haptonomie ont plusieurs champs d’application. On comprend mieux ainsi pourquoi certains patients qui ne dormaient pas parce qu’ils se sentaient insécures peuvent enfin retrouver le sommeil lorsqu’ils se sentent affectivement confirmés, comme tout être humain – et notamment tout enfant – attend de l’être. Marie-Noëlle Maston précise : « En fait, le thérapeute ne provoque rien, il accueille ce qui émerge à la conscience. » Et le patient découvre ses propres facultés affectives, ce qui aura un effet sur sa présence au monde et sa confiance en soi.