Par les messages qu’ils délivrent, les médiums accompagnent la traversée
du deuil et les questionnements existentiels. Ce contact si mystérieux
avec l’au-delà est-il un métier comme un autre ?
Ils disent entendre des messages, voir des défunts ou
recevoir des informations en écriture automatique…
Tout
médium souligne être un canal,
« une antenne
entre le monde physique et le monde spirituel », témoigne
Jean-Marie Le Gall. La médiumnité permettrait-
elle de se connecter à un champ de conscience
universel, une immense base de données invisible, ou à des
défunts ? Les
médiums s’accordent à dire que nous aurions
tous, plus ou moins, cette capacité, mais que seuls certains
la développent. L’intuition nous est familière, or ce sont les
mêmes capteurs, expliquent-ils.
« Tout le monde peut jouer
du piano, mais tout le monde ne sera pas Mozart », illustre
Dominique Vallée.
Thérapie du deuil
On évoque souvent le côté spectaculaire
des capacités médiumniques,
plus rarement le travail
intérieur, transformateur, de certaines
séances. Fabienne est formelle
: consulter un
médium l’a
aidée à traverser son deuil. Pourtant,
cette responsable marketing,
cartésienne, n’y croyait guère. Il y
a une dizaine d’années, elle assiste,
impuissante, au suicide de son mari,
qui ne lui laisse aucune explication.
Elle ne survit que pour son fils, de
quelques mois à peine, mais sombre
dans la dépression.
« Je ne voyais plus le
sens de cette vie. Nuit et jour, je retournais
dans ma tête ce qui avait bien pu
le mener là. » Une amie lui conseille
un
médium.
« Je n’avais rien à perdre !
Ce qui m’a frappée, ce sont les détails
qu’il m’a livrés, qui témoignaient de
la connexion avec mon mari (comme
ce petit mot de code entre nous), sans
que je ne lui dise rien. Le médium m’a
transmis des éclaircissements – précis,
en lien avec le travail de mon mari
– qui m’ont aidée à comprendre son
geste, à déculpabiliser. Ce contact avec
un au-delà possible a surtout radicalement
changé ma façon de vivre ! J’ai
pu rebondir. Et je vis plus intensément
chaque instant », partage-t-elle.
Les
médiums interrogés soulignent
tous l’importance de ce travail de
réparation. Ils ne sont pas les seuls !
Dans son livre La Médecine face à
l’au-delà, Jean-Jacques Charbonier,
anesthésiste et réanimateur, précise
qu’il lui arrive assez souvent de
prescrire une consultation médiumnique
pour traiter les syndromes
dépressifs liés au deuil.
« Les résultats
sont parfois spectaculaires », assure-til.
D’autres professionnels de santé le
confirment, comme la psychologue
Agnès Delevingne :
« Les mediums
ont un rôle extrêmement bénéfique lors
d’un deuil. J’ai perdu beaucoup de mes
proches ces dernières années. Ce sont les
médiums qui m’ont apporté le plus de
réconfort… Et je l’ai constaté autant
à titre personnel que professionnel. De
nombreuses personnes que nous rencontrons
à l’INREES témoignent de
l’aide précieuse qu’elles ont reçue grâce
aux médiums, et je pense particulièrement
aux parents qui ont perdu un
enfant. »
Les seules véritables limites qui
existent sont celles que l'on se donne.
Un travail
authentique
Subtil, précieux, le contact médiumnique
exige
« authenticité, humilité
et discernement », disent les
médiums.
« Les contacts médiumniques
sont des contacts d’amour, même si
parfois c’est de la colère qui s’exprime.
Certains décèdent avec un contentieux
et se manifestent pour mettre les
choses à plat. Généralement, c’est d’un
réconfort inouï ! Mais il y a aussi des
échecs. Les personnes qui consultent
pensent souvent que si leur proche est
passé de l’autre côté, il doit être prêt à
pardonner, mais ce n’est pas toujours
vrai. Cela peut se manifester par une
absence de contact », observe Dominique
Vallée. D’où l’importance,
soulignent en choeur les
médiums
interrogés, de travailler les liens de
son vivant.
Époque de transition, mal-être ambiant
et quête de sens : les
médiums
notent unanimement une demande
en hausse de leurs services. Revers de
ce phénomène, certaines personnes
sont dans la « consommation », allant
parfois jusqu’à l’addiction.
Les
médiums disent pourtant assez
souvent aux gens de ne pas revenir
avant une année, et n’hésitent d’ailleurs
pas à refuser certaines séances.
Plus largement, Jean-Marie Le Gall
nous invite à nous poser une question,
essentielle :
« À travers cette
séance, est-ce que cela amène à une
transformation de notre être ? » Et tous
insistent : consulter n’est pas jouer...
La médiumnité n’est pas un divertissement,
ni pour le
médium ni pour
le consultant !
Métier ou vocation ?
L’éveil à ce don est souvent perçu
comme un appel intérieur,
« plus
fort que tout », nous dira Solweig.
Un engagement. Vis-à-vis de l’ici
et de l’au-delà. Pour une majorité,
la médiumnité est transgénérationnelle.
Parfois nimbée de secret.
Certains
médiums découvrent sur
le tard qu’ils ont un don de famille.
Ce n’est ni un choix ni une « spécialisation
».
« On ne se lève pas un
beau jour en se disant : “Tiens, si je
devenais médium ?” C’est notre chemin
de vie ! », partage Dominique
Vallée. Qu’elle soit leur compagne
depuis l’enfance, ou qu’ils l’aient
découverte à la faveur d’un événement
particulier (deuil, accident...),
d’aucuns vivent leur médiumnité
avec bonheur, d’autres la subissent.
Auteure du Don apprivoisé, Daisy
Fulgence-Maillot témoigne :
« Je ne
cherche pas l’au-delà, il vient vers moi
depuis que ma mère est décédée. Durant
10 ans, j’ai subi, ne voulant pas
de ce don que ma grand-mère possédait
déjà. Aujourd’hui, j’ai apprivoisé cette
médiumnité. Et j’ai tenu à écrire un
livre pour les personnes confrontées à la
même expérience. »
Je ne cherche pas l’au-delà, il vient vers moi.
S’ouvrir pleinement à la médiumnité
demande ainsi courage et remise
en question.
« Ce chemin de vie est
devenu mon métier », confie Dominique
Vallée. En choisissant cette
nouvelle voie, certains
médiums
passent parfois d’une situation
matérielle confortable à une vie
plus modeste, pour faire profiter les
autres de ce « don d’amour » dont
ils parlent tous.
« Il faut beaucoup de
nuance quand on aborde la question
de savoir si la médiumnité est un don
ou une profession. Le contact avec nos
chers disparus ne doit pas être réservé
à une élite... Mais le médium donne
beaucoup de lui-même et sacrifie sa vie
privée. Il est donc normal que certains
choisissent de demander une participation
financière, du moment qu’elle reste
raisonnable », indique Jean-Marie
Legall.
« Il faut un cadre pour exercer,
sinon on est vite débordé », poursuit
Solweig.
« J’ai choisi de me déclarer,
mais j’ai une éthique stricte. Les gens
qui consultent sont en détresse, je ne
m’enrichis pas sur leur dos. Il m’arrive
de refuser des séances ou de consulter
gratuitement. Plus qu’une profession,
c’est un don que l’on nous donne pour
aider les autres. »
SOLWEIG, médium spirite, magnétiseuse
« Même si j’ai toujours capté des choses et
que la pratique du bouddhisme zen m’a
ouvert l’esprit, ma médiumnité ne s’est
révélée que lorsque ma fille a failli mourir
en couches. J’ai contacté une médium de
renom, qui m’a rassurée. Cela aurait dû
en rester là, mais elle m’a rappelée, car
elle était envahie de messages l’informant
de ma médiumnité. Elle m’a demandé des
renseignements sur son grand-père, et j’ai
constaté que je voyais. Clairaudiente et
clairvoyante, j’entends des pensées, je vois
des images, qui délivrent des informations
sur la vie des gens. Les défunts ont envie de
communiquer : quand ils nous trouvent, ils
font passer des messages. Pour permettre
à leurs proches de les reconnaître, ils
confient des anecdotes. Quant aux contacts
médiumniques lourds, comme ceux liés à
la mort d’un enfant ou avec des défunts
en grande souffrance, je prends tout avec
amour et force pendant la séance, mais
je craque parfois après. Je pars alors me
promener. Par moments, j’ai besoin de
me fermer à mes perceptions et de
me recentrer sur moi... »
HERMILINA, médium
« Comme j’ai été éduquée par des médiums,
j’ai découvert cette faculté dès mon plus
jeune âge. Ce don m’a été transmis par
mes parents qui, eux-mêmes, l’ont reçu
des leurs. Pour moi, être médium est un
véritable don, qui est devenu au fil du
temps une vocation, et c’est actuellement
ma profession. Concrètement, je suis
médium par flashs visuels et auditifs.
J’utilise également comme supports le
tarot, le pendule, la boule de cristal. Je
pratique, par ailleurs, la voyance par
téléphone. Dans la vie quotidienne, mes
dons ne se manifestent que lorsqu’une
personne doit recevoir une aide. Je dirais
que, derrière chaque flash, se cache une
mission. En dehors de mes proches, très
peu de gens sont informés de ce don, tout
simplement parce que j’estime que je n’ai
pas à partager ce côté extraordinaire avec
eux. Avec la médiumnité, je dis souvent
que les seules véritables limites qui
existent sont celles que l’on se donne. À
travers ce monde spirituel, on comprend
qu’en réalité, il y a très peu de limites...
tant que cela conduit à des actions
positives ! »
DOMINIQUE VALLÉE, médium spirite
« Ma grand-mère paternelle était guérisseuse.
À l’époque, on ne considérait pas cela comme
un métier. Elle le faisait gracieusement, car
elle avait des revenus par ailleurs. Ce don
était un secret de famille. Mais, lorsque
j’avais 10 ans, cette grand-mère décédée
venait m’embrasser en sortant du cadre qui
contenait sa photo. Comme j’étais très seule, je
trouvais ça charmant ! Quand je l’ai raconté,
mon père a dit sobrement : “Dominique est
comme maman.” On est toujours rattrapé par
son destin... et ma grand-mère m’accompagne
dans cette voie ! Lorsque je traite des gens
en magnétisme, il arrive que la médiumnité
se manifeste ; que les défunts souhaitent
adresser des messages. Lorsqu’une situation
complexe se présente en séance, je n’assène pas
brutalement les choses, mais je glisse quelques
informations reçues ou sentiments éprouvés
à propos, par exemple, de secrets de famille.
Et curieusement, je reçois toujours une aide
de l’au-delà, qui fait que les mots peuvent être
entendus et compris. Les rares fois où je me
suis tue, c’était face à des situations où le lien
entre le consultant et le défunt brassait des
relations très conflictuelles... et où exprimer
tel ou tel fait n’aurait rien réglé. »
JEAN-MARIE LE GALL, magnétiseur, médium
« Depuis l’âge de 7 ans, j’ai un contact
médiumnique avec les disparus.
Je les vois. À certaines occasions,
je ne distinguais même plus les défunts
des vivants. Ça m’a déstabilisé au
départ... Mais cette perception du
monde spirituel n’est qu’une facette.
Je suis aussi magnétiseur, il m’arrive
de travailler sur le corps subtil des
personnes en collaboration (semi-incorporation)
avec une équipe
de “médecins du ciel”. Pendant
10 à 15 minutes, je suis en pilotage
automatique, en état modifié de
conscience. Ces mains invisibles sont
comme des gants que j’enfilerais,
dotés d’instruments subtils. »