Mythes et croyances plongent leurs racines dans la genèse de l’humanité, afin de donner un sens – orientation et signification – au labyrinthe de l’existence.
Telle une manière de s’enraciner, s’élever et se relier à plus grand que soi. Il était une foi...
Après nous, le déluge. Oui, mais avant ?... Comment l’Univers est-il apparu ? Pourquoi l’Homme est-il mortel ? Comment la Terre a-t-elle été créée ? Depuis la nuit des temps, l’être humain tente de percer les mystères insondables des origines du monde,
materia prima dans laquelle se forgent ses croyances. Toutes les civilisations ont apporté leurs propres réponses, porteuses de sacré et de transcendance, aux ineffables questions sur la création du monde. Le Bouddha, dans sa sagesse légendaire, refuse les spéculations qui déchirent les civilisations : «
Quelles choses ont existé en premier ? Quelles choses ont existé en dernier ? D’où vient et où va le monde ? Combien de cosmos se sont formés... et détruits ? D’où vient et où va le cosmos ? [...] Telles sont les choses inassignables », clame-t-il dans l’
Avatamsaka sûtra. Inassignables, sans doute... mais « toutes ces choses » fondent un être en questionnement permanent. «
Si l’on a des réponses vis-à-vis de l’Absolu, on est dans l’erreur. Le questionnement fait que l’on demeure dynamique », souligne le rabbin Gabriel Hagaï dans le film
Religions : ce qui nous relie, diffusé cet automne sur INREES TV (voir encadré).
Dans le même bateau
Ils ont une portée universelle et sous-tendent le tissu du monde : les mythes existent dans toutes les traditions avec des constantes, même s’ils se présentent sous des formes différentes selon les époques et les cultures. Leur tissage onirique et leur symbolique initiatique, portés par des récits imaginaires et fabuleux, racontent des péripéties qui se situent hors du temps, dans une sorte d’éternité quantique. «
Les mythes se rattachent aux religions et aux cosmogonies. Leurs récits cherchent à donner une réponse aux questions essentielles et existentielles de l’humanité. Ils proposent leur version de la création du monde », explique Irène Mainguy, dans un ouvrage qui met en lumière les plus grands mythes et légendes
(1). Ainsi, sur les cinq continents, le mythe du Déluge est universellement répandu. En fil rouge, un « vieux monde », peuplé par une humanité déchue, nageant en plein chaos, est submergé par les eaux, symbole de purification, de régénération et de renouveau inéluctable... Antédiluvien, ce thème du Déluge, mentionné dans la Genèse à travers la figure de Noé et son Arche mythique, existait déjà à l’époque de Gilgamesh, vers 2650 av. J.-C. Dans sa célèbre
Épopée, qui a fait les beaux jours de la haute Antiquité, ce héros mésopotamien, roi d’Uruk, en quête d’immortalité, rencontre après moult péripéties surnaturelles un survivant du Déluge, qui lui raconte cet événement apocalyptique et lui apprend qu’il ne pourra jamais obtenir la vie éternelle... «
Ce récit serait inspiré d’un mythe akkadien encore plus ancien, qui daterait du XVIIe siècle avant notre ère », précise Irène Mainguy. Chez les Grecs, on rencontre également un déluge qui aurait jadis « nettoyé » la Terre des éléments pervers qui insultaient les dieux... Cet orage primordial se retrouve donc dans des récits produits à différentes époques et en différents lieux par des civilisations étrangères les unes aux autres.
Entendu comme une métaphore, ce cataclysme primordial qui augure, au cœur du chaos, du surgissement d’un monde nouveau offre d’étonnants rapprochements avec les concepts en pointe de la cosmologie moderne : Big Bang, soupe primitive... Mais si l’on évoque les croyances originelles et les entrailles du monde, Adam est aux premières loges ! Personnage de la Bible et du Coran, il est au cœur du livre de la Genèse. Dans ce texte fondateur de la mythologie biblique et des croyances juives, chrétiennes et musulmanes, il est le premier Homme, créé par Dieu. On peut y lire (Gn 2:7) que «
Elohim forma ha-adam, poussière de ha-adama » :
ha-adam, c’est « l’homme », littéralement le terreux, le glaiseux ;
ha-adama est « la terre », « la glaise ». On connaît ses tribulations avec Ève au jardin d’Éden, paradis terrestre dont ils seront exclus après avoir mangé le fruit défendu... Mais on sait moins que plusieurs mythologies analogues existent sous d’autres cieux, comme celle de la déesse Nintu qui, dans l’épopée mésopotamienne d’Atrahasis, utilise l’argile pour la fabrication de l’humanité ou encore dans la mythologie égyptienne avec le dieu-potier Khnoum qui, tel un potier, façonne sur son tour les hommes avec de la glaise.
Si l’on a des réponses vis-à-vis de l’Absolu, on est dans l’erreur. Le questionnement fait que l’on demeure dynamique.
Reliance originelle
De l’Essence au sens, le chemin est vertigineux. Depuis l’aube de l’humanité, les humains ont toujours cherché une connexion avec ce qui les dépasse. Si l’on s’en tient à l’étymologie du mot religion (
religare : relier), loin donc de la dimension dogmatique de l’institution religieuse, le chamanisme peut être considéré comme la plus ancienne religion.(...)