Depuis des siècles, Hermès Trismégiste, figure mystérieuse de l’Antiquité gréco-égyptienne, littéralement « Hermès trois fois le plus grand », est un personnage mythique né de la fusion du dieu grec Hermès et du dieu égyptien Thot. Ces derniers ont été associés au moment de la conquête de l’Égypte par les Grecs en raison de certains de leurs points communs. Dieux dédiés au transport des messages et à la protection des voyageurs, symboles de sagesse et de connaissance, tous deux sont aussi reliés au temps et à la création de l’écriture. Ainsi, au cœur de la tradition hermétique se trouvent les écrits attribués à Hermès Trismégiste, dont les plus célèbres sont le Corpus Hermeticum et la Table d’émeraude ou encore l’Asclepius. Ces textes philosophiques et spirituels explorent une vaste gamme de sujets, de la cosmologie aux bases de l’alchimie en passant par la théologie. Ces écrits ont été cités dans de nombreux textes attestés, retrouvés en Grèce ; la Table d’émeraude sera même redécouverte par les Arabes. La plus ancienne version connue date du IX^e siècle de notre ère.

Parmi les écrits se trouve aussi ce texte mystérieux : l’hypothétique Livre de Thot, souvent mentionné dans les légendes, qui renfermerait des connaissances secrètes et des pouvoirs magiques. Cependant, la plupart des références sont plutôt mythiques ou symboliques, et aucun exemplaire authentique n’a été découvert à ce jour. « Le Livre de Thot en tant que tel peut être comparé au Saint Graal, c’est-à-dire que c’est un objet mythique n’ayant aucune source historique. Nous n’avons aucun élément permettant de dire que ce livre existe. C’est un vœu pieux. C’est un peu comme si l’on considérait que c’était le livre qui révélerait tous les secrets du monde par le plus grand initié du monde. Cela reste un objectif à atteindre, sur le concept de la quête du Graal, du trésor des cathares ou autre et qui n’a pas forcément de substance en tant que telle », explique l’historien Ludovic Richer.

Enfin, la plus grande fabulation des écrits de Thot est apparue au cours du XX^e siècle, quand un mystique américain du nom de Maurice Doreal, alias Claude D. Dodgin, fortement inspiré par les théosophes, a prétendu avoir reçu par channeling des instructions en direct de Thot, traduites en 15 tables. Mais ici se mêlent plusieurs concepts dépassant de loin l’origine de Thot, rassemblant les Atlantes, l’Égypte et les Mayas en passant par les créatures de l’inframonde…

Bien que la réalité historique derrière Hermès Trismégiste demeure voilée, son impact sur la pensée ésotérique reste indéniable. « L’idée du Livre de Thot postule l’existence d’un principe premier, originel – on peut l’appeler Dieu, ou la source première, dans un concept assez proche de la philosophie grecque, donc, à mes yeux, de la gnose de Platon – dont nous émanons en tant qu’humains. Nous sommes des individus qui ne sont pas créés. C’est la grosse différence avec les religions abrahamiques. Nous avons une parcelle du divin en nous. Et l’idée de l’enseignement de Thot, c’est que, par un chemin d’éveil, par des exercices, par une réflexion, nous allons pouvoir réveiller cette part divine en nous. Il y a une phrase du corpus, assez connue, qui dit : “L’homme est un Dieu mortel et Dieu est un homme immortel” », conclut Ludovic Richer.