• Inexploré TV
  • Inexploré

Les
figures
majeures
de
l'alchimie

Ils ont vécu au Proche-Orient ou en Europe, ils étaient médecin ou simple libraire, ils ont marqué l’histoire des sciences ou nourri les légendes. Portraits de quatre alchimistes de renom.
Les figures majeures de l'alchimie
Savoirs ancestraux

Jâbir Ibn Hayyân (Geber), le père de la chimie


Comme le montre le grand nombre de mots d’origine arabe employés par les pratiquants de l’art royal – alchimie, alcool, alambic, élixir –, les érudits issus de ces contrées ont joué un rôle important dans le développement de la tradition. Parmi eux, Jâbir ibn Hayyân – que les Occidentaux nomment Geber. Né en Irak et mort en Iran, il vécut vers 720-815 et appartenait à une confrérie soufie. Surnommé « père de la chimie » tant son approche était scientifique, il découvrit un grand nombre de corps nouveaux, tels l’eau régale, l’acide sulfurique, l’acide citrique, l’acide azotique, et proposa une nomenclature des substances qui peut être vue comme une première classification des éléments. On lui attribue également la paternité d’un grand nombre d’équipements de laboratoire ainsi que la découverte de la distillation et de la cristallisation. Parallèlement, il se passionnait pour le mysticisme et ne cessait de souligner combien ce chemin devait être emprunté de manière concrète : « Celui qui n’effectue pas de travail appliqué et d’expérience n’atteindra jamais les plus hauts degrés de la connaissance », affirmait-il. Geber écrivit des centaines d’ouvrages, dont la version arabe de la célèbre Table d’émeraude. Dix livres contiennent la biographie de Pythagore, Socrate, Platon et Aristote, qu’il considérait comme des alchimistes. Il popularisa la notion de pierre philosophale et formula la théorie des métaux comme étant nés de la rencontre du soufre et du mercure. Ses travaux étaient délibérément codés, de manière que seuls les initiés puissent les comprendre. Malgré cela, ils devinrent au Moyen Âge les textes de référence des alchimistes européens.


Paracelse, inspirateur de la médecine moderne


Paracelse, Theophraste Bombast von Hohenheim de son vrai nom, est né en Suisse en 1493. L’existence de ce jeune médecin rebelle, passionné d’alchimie, est aventureuse. À la suite d’études médicales, il mène une vie vagabonde en Europe pendant dix ans. « Il veut connaître les forces mystérieuses qui agissent dans la nature et dans l’homme », note Serge Hutin dans L’Alchimie. Il revient à Bâle en 1526 où il obtient une chaire à l’université. Cependant, sa foi, vue comme une sorte de panthéisme mystique, et son travail de sape de l’orthodoxie médicale lui attirent des animosités. Rapidement, il repart sur les routes et meurt en Autriche, âgé de 48 ans seulement. Paracelse, qui a guéri de nombreux cas difficiles et enrayé des épidémies, laisse derrière lui une somme colossale de documents dans lesquels il propose une nouvelle approche de la médecine et une philosophie de la nature. Pour lui, tout émane de Dieu, « centre et circonférence de toute chose » , et microcosme et macrocosme sont identiques. La vie de l’être humain est donc inséparable de celle de l’univers, et le sel, le soufre et le mercure sont présents partout sous la forme de l’esprit, de l’âme et de la matière. En bon alchimiste, il conçoit que tout est processus de transformation et souligne que la nature n’est pas achevée. Le rôle de l’art royal est donc « de conduire à son terme ce qui n’est pas encore parvenu ». Ainsi, il oriente sa pratique alchimique vers la fabrication de remèdes par « spagyrie » – une action alchimique qui consiste à séparer puis combiner les constituants des corps – afin d’en extraire la quintessence. Cette opération lui permet d’obtenir des remèdes et peut être vue comme l’anticipation de la recherche du « principe actif » de la médecine actuelle. Paracelse met également à l’honneur la notion de sympathie universelle : le semblable guérit le semblable, et reprend ainsi la théorie des signatures. L’influence de Paracelse fut considérable. Initiant le tournant de la médecine galéniste vers la médecine moderne, il a valorisé une analyse réductionniste des maladies, une thérapeutique chimique et a même soutenu la vision d’une psychiatrie psychosomatique – puisque pour lui, le corps affecte l’esprit et inversement.


Nicolas Flamel, un homme en or


C’est une tour étrange au centre de Paris, au cœur du trépidant quartier du Châtelet. On l’appelle aujourd’hui la tour Saint-Jacques. Elle est l’ultime vestige d’une église disparue, Saint-Jacques-de-la-Boucherie, dont elle fut le clocher. Pour les alchimistes, ce lieu est particulier : là, au Moyen Âge, adossée à l’église, se trouvait l’échoppe du libraire, copiste et écrivain public Nicolas Flamel. Né à Pontoise vers 1330, l’homme mena une vie modeste avec sa femme, dame Pernelle, jusqu’à ce qu’un ange, dit la légende, lui apparaisse en rêve et lui montre un ouvrage consacré à l’alchimie. Intrigué, le libraire se mit à acquérir des traités consacrés au Grand Œuvre. En 1357, il découvrit la perle rare : le livre d’Abraham le Juif, écrit en hébreu et illustré de gravures hermétiques. Pendant vingt ans, multipliant les expérimentations, il tenta d’en percer le secret ; en vain. En 1378, il partit pour Compostelle ; peut-être le pèlerinage lui apporterait-il des pistes !
Ce n’est que sur le chemin du retour qu’il rencontra Canches, un médecin juif initié à la kabbale et converti au christianisme, qui l’éclaira sur la signification du livre d’Abraham. Nicolas Flamel se remit à l’ouvrage, aidé par dame Pernelle… Quelques années plus tard, la famille vivait confortablement, construisait des abris pour les pauvres, les veuves et les orphelins, finançait des hôpitaux et œuvrait à la rénovation de Saint-Jacques-de-la-Boucherie. Nicolas Flamel avait-il enfin réussi à transmuter les métaux en or ? À sa disparition, en 1418, sa maison fut fouillée dans l’espoir d’y trouver la pierre philosophale, raconte le réalisateur Georges Combe dans son documentaire Le Voyage alchimique . Sans succès. De lui, resteraient deux ouvrages : Le Sommaire philosophique et Le Livre des figures hiéroglyphiques, mais les historiens sont circonspects : en est-il vraiment la plume ? Sur l’alchimiste, le mystère reste entier : son cercueil n’hébergeait pas sa dépouille. A-t-il transcendé sa propre matière ? S’est-il évaporé ? A-t-il atteint l’immortalité ? À moins qu’il ne soit l’invention d’un autre auteur, souligne Georges Combe. En grec, nike-laos signifie « le vainqueur de la pierre » . Et Flamel réfère à la flamme divine. Parfait pseudonyme pour un alchimiste…


Fulcanelli, une mystérieuse construction


Nous sommes en 1926. Un livre nommé Le Mystère des cathédrales paraît. Quatre ans plus tard, un autre voit le jour, intitulé Les Demeures philosophales. Les deux décryptent la symbolique alchimique des bâtiments et sont signés d’un certain Fulcanelli. Qui est-il : un érudit ayant percé le secret de la pierre philosophale ? Une personnalité publique cachant son intérêt pour l’occultisme sous un pseudonyme ? Le prête-nom fictif d’un ou plusieurs auteurs ? Confidentiels à leur sortie, les livres bénéficièrent dans les années 1960 de l’engouement généré par Le Matin des magiciens, de Louis Pauwels et Jacques Bergier. Seul Eugène Canseliet, leur préfacier, qui dit avoir été le disciple de Fulcanelli de 1916 à 1922, était alors en mesure de donner des éléments sur lui : il serait né vers 1839, aurait fréquenté les grands de ce monde, aurait réussi à transmuter les métaux… Une chose semble sûre : son nom est une invention symbolique, référant à Vulcain, dieu des volcans, du feu, des métaux et de la forge, et à Hélios, personnification du soleil et de la lumière. Dans le milieu de l’occultisme, beaucoup ont essayé de découvrir son identité. Était-il le géologue Albert de Lapparent ? L’astronome Camille Flammarion ? Le créateur de la Société alchimique de France François Jollivet-Castelot ? Les fils de Ferdinand de Lesseps ? Ou Eugène Canseliet lui-même, aidé peut-être par l’illustrateur des livres, Julien Champagne, mort en 1932, voire leur premier éditeur, le libraire Pierre Dujols ?
Pour l’écriture du Mystère Fulcanelli, le romancier Henri Lœvenbruck a mené des recherches. Aucune des hypothèses avancées ne correspondait exactement aux informations transmises sur Fulcanelli par son ancien « disciple »… Jusqu’à ce qu’une de ses amies, généalogiste, l’appelle pour lui dire qu’elle était tombée sur quelqu’un pour qui « tout collait ». Un nommé Léon Fould, financier aisé et mondain, très intéressé par l’alchimie. « Cela expliquerait le F au début du pseudonyme, à la place du V de Vulcain », souligne l’écrivain. Lancement d’une nouvelle piste ? « En réalité, je reste convaincu qu’il s’agit de Canseliet », sourit Henri Lœvenbruck.

À
propos

auteurs

  • Réjane d' Espirac

    Autrice et réalisatrice
    Réjane d'Espirac collabore à Inexploré par la rédaction de reportages, de récits, d'entretiens, et la réalisation de documentaires. ...
  • Miriam Gablier

    Auteure et journaliste
    Titulaire d'un Master de philosophie, de diplômes de thérapie psycho-corporelle et d'homéopathie (Grande-Bretagne), Miriam Gablier s'intéresse particulièrement au potentiel humain et à l'intelligence du vivant. Ses enquêtes sur les thérapies, la psychologie, la philosophie, la spiritualité et les sciences du vivant, lui permettent notamment de traquer les données se rapportant à la notion de conscience et à la relation corps-esprit. Miriam Gablier est auteure de Les mystères de la conscience ...
flower

À
retrouver
dans

Inexploré n°34

Alchimie

dernière parution

Alchimie… Le terme sonne comme l’étrange promesse de savoirs oubliés, de pouvoirs miraculeux et de secrets bien gardés. Mythe ou réalité ? Selon les légendes, elle pourrait transformer le plomb en or, rendre immortel… Mais quelle est la véritable histoire de l’alchimie ?
Longtemps confondue avec l’occultisme, les recherches récentes montrent qu’elle est bien plus que cela, beaucoup la considérant même comme le précurseur de la chimie moderne. Et si la quête de la pierre philosophale était une quête universelle et éternelle, celle de percer les mystères de l’univers et de la conscience ?
Plongée au coeur d’un monde plus vaste qu’il n’y paraît.

flower

Les
livres
à
lire

  • Le Mystère Fulcanelli

    Le Mystère Fulcanelli

    par Henri Loevenbruck

Voir tous les livres

Les
articles
similaires

  • S’approprier la sagesse, avec le conte du litchi sacré et des trois pèlerins
    Art de vivre

    À l’aube de cette nouvelle année, Olivier Clerc nous partage un conte qui évoque trois figures intérieures présentes en chacun de nous : le sceptique, le crédule et le chercheur spirituel ! Chacun de ces "pèlerins" fait partie de notre ...

    24 décembre 2024

    S’approprier la sagesse, avec le conte du litchi sacré et des trois pèlerins

    Lire l'article
  • La psychogénéalogie vue par Ancelin Schützenberger
    Santé corps-esprit

    Tristesse, dépression, accidents, parfois l’origine de nos problèmes et de nos maux trouvent leur origine dans notre histoire familiale, faite de non-dits, secrets, deuils non digérés. La psychogénéalogie, terme inventé par Anne Ancelin Schützenberger, psychothérapeute, permet de mettre en lumière ...

    22 septembre 2012

    La psychogénéalogie vue par Ancelin Schützenberger

    Lire l'article
  • S’asseoir et oublier : méditation taoïste pour une sérénité immédiate
    Art de vivre

    La tradition taoïste Da Xuan pourrait nous aider à nous recentrer sur l’instant présent et à soulager nos angoisses, omniprésentes en ces temps de crise sanitaire et sociale. Serge Augier, héritier de cette tradition ancestrale, nous transmet 3 outils méditatifs ...

    11 mars 2021

    S’asseoir et oublier : méditation taoïste pour une sérénité immédiate

    Lire l'article
  • Le trésor pharaonique de la boîte à cigares
    Lieux mystérieux

    L’histoire a tout d’un film d’aventure ! Début décembre 2020, dans une boîte à cigares gardée à l’université d’Aberdeen en Écosse, un extraordinaire artefact est retrouvé : un fragment de bois de cèdre provenant de l’intérieur de chambre de la ...

    30 mai 2021

    Le trésor pharaonique de la boîte à cigares

    Lire l'article
  • Fontainebleau : la légende du chasseur noir
    Lieux mystérieux

    Le Grand Veneur est un fantôme sur sa monture, un cavalier noir qui surgit hors de la nuit. Il serait apparu à plusieurs reprises dans la forêt de Fontainebleau, notamment au roi Henri IV.

    2 octobre 2018

    Fontainebleau : la légende du chasseur noir

    Lire l'article
  • Une nature alchimiste ?
    Sciences

    L’alchimie soulève une question fondamentale : la transmutation d’une substance en une autre par un être vivant est-elle possible ? Les réactions nucléaires, la fusion froide et les transmutations biologiques pourraient changer notre regard sur l’art sacré.

    18 juin 2017

    Une nature alchimiste ?

    Lire l'article
  • Le mystère des cathédrales
    Lieux mystérieux

    Si les alchimistes ont marqué l’histoire de la science, on imagine moins retrouver leurs traces dansle monde de l’art et de l’architecture. Et pourtant…

    16 avril 2017

    Le mystère des cathédrales

    Lire l'article
  • Fascinant pays cathare
    Lieux mystérieux

    Érigé en symbole, le château de Montségur a sans aucun doute cristallisé l’imaginaire des amoureux de l’histoire cathare, mais aussi des adorateurs de mythes en tous genres.

    2 octobre 2018

    Fascinant pays cathare

    Lire l'article
Voir tous les articles

Écoutez
nos podcasts

Écoutez les dossiers audio d’Inexploré mag. et prolongez nos enquêtes avec des entretiens audio.

Écoutez
background image background image
L’INREES utilise des cookies nécessaires au bon fonctionnement technique du site internet. Ces cookies sont indispensables pour permettre la connexion à votre compte, optimiser votre navigation et sécuriser les processus de commande. L’INREES n’utilise pas de cookies paramétrables. En cliquant sur ‘accepter’ vous acceptez ces cookies strictement nécessaires à une expérience de navigation sur notre site. [En savoir plus] [Accepter] [Refuser]