Importé des spiritualités asiatiques, le karma est une notion souvent mal comprise des
Occidentaux. Destin, fatalité ou encore outil de transformation, qu’en est-il vraiment ?
Il faut revenir à l’origine du terme pour l’éclaircir.
Savoirs ancestraux
Shutterstock/Andry5
Le concept de karma captive l’imaginaire occidental depuis des décennies, s’infiltrant dans la culture populaire. Pour beaucoup, le karma évoque cette idée : « Ce que vous donnez, vous le recevez en retour. » Il est indéniable que cette notion a largement été simplifiée par l’Occident, mais aussi interprétée de manière très orientée depuis les théosophes et le New Age des années 1970. Souvent réduit à une loi de rétribution cosmique, où les bonnes actions sont récompensées et les mauvaises punies – regard assez judéo-chrétien –, le karma est compris comme un bagage que l’on traînerait de vie en vie et qui déterminerait les contours de chacune d’elles. Tout d’abord, l’étymologie du mot sanskrit karman, dérivé de la racine verbale kr, qui signifie à la fois « faire » et « le fruit de l’acte », se retrouve dans toutes ses déclinaisons asiatiques. Mais la signification du terme karma « à l’occidentale » renvoie à une notion qui diffère légèrement d’une philosophie ou d’une religion à l’autre. « Si le karman est une notion commune au bouddhisme et au brahmanisme, il convient toutefois de ne pas confondre leur conception du karman », précise Philippe Cornu dans son Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme (éd. Seuil). Par exemple, dans le brahmanisme ancien, le karman consistait à évaluer si un acte sacrificiel était bien exécuté, et ainsi méritait la rétribution divine. Il avait une fonction sacerdotale dans une religion de sacrifices, organisée en un système de castes très puissant. La notion a ensuite évolué au fil des siècles, lorsque l’hindouisme s’est enrichi du Vedānta notamment, puis lorsque le Bouddha a créé sa propre voie, ajoutant également des modulations au terme, le jaïnisme ayant aussi sa propre définition. Nous sont parvenus ensuite en Occident des bribes et des mélanges de karman, qui a perdu son « n » pour devenir un précepte largement diffusé parmi toutes les autres importations asiatiques en matière de spiritualité.
Les origines du karma
Le yogi Sadhguru, maître spirituel dont l’enseignement est hérité de l’hindouisme, a écrit un ouvrage entier sur le sujet du karma(1). Il revient aux origines du monde, à la création de la première « mémoire », avec la parabole des déités. Au début de l’Univers, il n’existait que Shiva, « l’auto-créé », l’intelligence pure sans la mémoire. Soudainement, apparaît alors Shakti, l’aspect « actif » du vide, et la rencontre des deux va entraîner la création : « Petit à petit, la forme a commencé à engendrer plus de forme. La mémoire a commencé à engendrer davantage de mémoire. Le cycle karmique était lancé », raconte Sadhguru. À travers le prisme de nos concepts occidentaux, nous dirions que « l’intelligence a inventé la mémoire, ce qui signifie que le premier acte créateur marque la naissance de la mémoire, du karma », ajoute-t-il, et de préciser que « la source de la création est une intelligence pure qui crée la mémoire à partir d’elle-même ». L’enseignant de yoga Joachim Vallet explique également que, dans les dérivés védiques, on retrouve les deux forces Purusha, « l’être étant » qui n’agit pas, et Prakriti, celui « qui fait », dont l’association crée karman. « On peut imaginer que la cause de karman, c’est le désir, car il a bien fallu que le monde soit désiré pour apparaître, macroscopiquement. On peut le penser tout simplement parce qu’à notre échelle, c’est le désir qui meut l’acte », illustre-t-il. Alors justement, comment sommes-nous passés de l’échelle globale à l’échelle individuelle ? Sur ce point les philosophies se rejoignent, car dès lors que la mémoire entre en jeu, elle crée du karma. « Les êtres humains sont passés d’une intelligence parfaite à une mémoire qui se prend pour une intelligence. Ils sont passés de l’intelligence à l’intellect, et de la conscience à la conscience de sa personne », précise Sadhguru. Ainsi, créant nos mémoires, attachées à notre moi émergeant, nous avons commencé à accumuler du karma. Joachim Vallet explique que « l’ego, ahamkāra, littéralement “ce qui fait agir”, est un assemblage de mémoires. Il va s’auto-alimenter en “fruits des actes” et selon la logique des mémoires qui sont déjà là. »
Comment fonctionne le karma individuel ?
Pour Sadhguru, il est important de comprendre que le karma est la condition de la vie humaine. C’est ce qui va façonner notre ego, notre corps et notre mental, leur donner une fondation – sans laquelle d’ailleurs la transcendance ne serait pas possible –, les liant par les processus karmiques, et stockant tout ce qui nous parvient. Ces mémoires sont nécessaires à notre fonctionnement au quotidien. (...)
Journaliste et rédactrice en chef adjointe d'Inexploré magazine
Melanie Chereau est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont la spiritualité, la naturopathie et les médecines douces.
Elle pratique le bouddhisme depuis plus de 17 ans, est formée en Reiki et en aromathérapie. ...
À
retrouver
dans
Inexploré n°61
Karma
Le karma existe-t-il vraiment ? Peut-on alléger ou transformer son karma individuel, collectif ? Comment agir avec justesse, pour soi et le monde, à chaque instant de nos vies ? Dans ce nouveau numéro, Inexploré passe au crible une notion spirituelle souvent galvaudée et pourtant essentielle pour toute personne en quête d'harmonie et de sacré. Le bouddhisme, l'hindouisme et d'autres traditions ancestrales nous enseignent avec précision les lois et mécanismes de ce phénomène mystérieux, qui impacterait nos vies à travers le temps et l'espace.
Frédéric Lenoir et Charles Pépin sont également mis à l'honneur dans des interviews exclusives, en lien avec les thématiques du dossier. Bonne découverte de ce numéro hivernal !
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