Reconnue comme la plus grande sainte d’Inde, Mâ Ananda Moyî a bouleversé la vie de tous les êtres qu’elle a rencontrés. Celle qui serait née « éveillée » représenterait le divin incarné sur Terre.
Inspirations
The history collection
Evoquant Mâ Ananda Moyî, Arnaud Desjardins disait : « J’ai vu Dieu » . Née en 1896 à Kheora, un petit village du Tripura au Bengale oriental, situé dans l’actuel Bangladesh, la petite Nirmala Sundari Devi fait partie d’une famille de la caste des brahmanes – les prêtres, la plus haute caste en Inde. Ses parents sont de fervents vishnouites, sa mère écrit des poèmes et son père est un ascète reconnu. Sa naissance est déjà entourée de mysticisme : sa mère raconte qu’elle met au monde cette enfant sans douleur, après avoir rêvé pendant toute sa grossesse d’une lumière pénétrante.
Petite fille douce et sociable, Nirmala ne fait que deux ans d’école primaire, car elle doit s’occuper de ses frères et sœurs nés après elle. Enfant, elle manifeste des états « d’absence » qui la suivront toute sa vie : les yeux fixes, vivant des sortes d’extases spontanées et restant plusieurs jours sans manger, totalement immobile. Laissant souvent une tâche en cours, on la retrouve parfois dans la rivière où elle fait la vaisselle, à moitié immergée... Elle se marie à l’âge de treize ans et rejoint son mari dans une ville voisine à quatorze ans. Pendant plusieurs années, elle a une vie d’épouse dévouée, s’occupant de sa maison, mais elle continue à être plongée dans ses états étranges. Comme ses parents, son mari est très respectueux de ses « transes » et, même s’il s’en inquiète parfois, il sait aussi y voir une manifestation de spiritualité.
Être son propre gourou
Un jour, Nirmala exprime à son époux le souhait de devenir brahmacharini, soit une femme dans la dévotion, suivant les enseignements sacrés. Bien qu’ayant peu d’instruction, elle semble déjà connaître des formules sacrées et passe parfois des nuits entières à répéter le nom de dieu. L’histoire raconte qu’elle en change, alternant Vishnou, Shiva ou autres, n’accordant que peu d’importance à la forme. Sa vie entière sera d’ailleurs dans cette ouverture, le divin étant pour elle le même, quel que soit son nom. Elle dira plus tard : « Hindous, musulmans et toutes les autres communautés du monde n’en forment qu’une seule. Toutes elles adorent l’Être suprême et invoquent sa grâce. »
L’ascèse dans laquelle Nirmala s’installe continue à s’accompagner de phénomènes mystérieux, comme des pertes de connaissance, des périodes où elle ne se nourrit plus, où elle ne dort plus. En 1924, son mari étant nommé jardinier dans la ville de Dacca, elle part s’y installer et ses parents la rejoignent.
Dans la tradition, les élèves brahmacharini suivent un gourou, lui sont fidèles et vivent dans son ashram. La singularité de Nirmala, c’est qu’elle devient son propre gourou, se proférant elle-même les initiations. Elle aurait ainsi traversé tous les yogas, sans les avoir lus ni les avoir reçus, comme émanant d’un savoir intérieur inné. Lorsqu’on lui demande comment elle a atteint cet état de connaissance, elle explique : « En général, un voile sépare l’homme de son propre Soi et ce voile doit être progressivement usé par la sâdhanâ [la pratique ou le chemin spirituel, NDLR]. Mais dans ce cas-ci, aucun voile ne s’interposait, car c’est par jeu qu’il avait été amené, pour ensuite être retiré. » Plus tard, de nombreux érudits l’interrogeront et seront stupéfaits par ses connaissances : elle sera capable de réciter des prières hindoues, des passages d’écritures sacrées, ce même en dehors de sa propre religion. En effet, lorsqu’elle croise des musulmans, elle leur récite des versets du Coran, sans jamais les avoir appris. Au fil du temps, elle se dira elle-même « de toutes les religions ». Son mari devient son élève, et de nombreuses personnes commencent à venir la voir, lui demander des conseils, écouter ses paroles. C’est l’un de ses disciples qui lui donnera le nom de Mâ Ananda Moyî, « la mère de la joie », car elle sort de ses « rêveries » toujours dans une joie immense.
Une vie d’enseignements
C’est vers 1926 que la « sainte » décide de parcourir les routes. À partir de cette date, elle circulera partout en Inde, ne restant parfois que quelques jours à un endroit, suivie par son époux et sa mère jusqu’à leurs décès, et par ses disciples les plus fervents. « Au fil des années, des foules de plus en plus nombreuses se pressent autour d’elle. Que ce soit à Bénarès, à Calcutta ou dans les moindres villages, des cérémonies fastueuses sont célébrées en son honneur. Dans ses déplacements, elle montre une disponibilité à tout et à tous, s’intéressant aux moindres détails de la vie quotidienne et répondant à toutes les questions qu’on lui pose », raconte Véronique Francou dans son livre Visages de l’amour (éd. Nouvelle Cité, 2016). L’essentiel de son enseignement se fait par sa présence, le darshan qu’elle délivre (contact apportant une ouverture spirituelle) et les réponses aux questions, reconnues pour être particulièrement adaptées aux personnes l’interrogeant. Comme si elle faisait appel à un autre niveau de conscience : « Je n’ai aucun sens de l’ego ni de la séparation. En moi chacun de vous a dans une égale mesure la hauteur et la profondeur de l’éternité. »
Parlant souvent d’elle en disant « ce corps » ou bien précisant que « moi » est une façon de parler, elle dit être une apparition des souhaits des hommes : « Je suis tout ce que vous imaginez, pensez ou dites. Pourquoi ne pas vous rendre compte que ce corps est la manifestation matérielle de toutes vos aspirations et de toutes vos idées ? Vous l’avez tant désiré et maintenant vous l’avez. »
Cependant, il est clair que, pour elle, tout doit être abandonné au divin, dont la quête du culte et de l’amour doit constituer le seul but à suivre sur Terre. Souvent, comme en présence de grands maîtres, le seul fait de se tenir à ses côtés dissipe les doutes et les questionnements. C’est pour cela que beaucoup de témoins se disent transformés après l’avoir simplement vue.
Les miracles, la nature
Mâ Ananda Moyî est coutumière d’actions sortant de l’ordinaire, selon les témoins. Même si cela n’est pas un recours qu’elle apprécie particulièrement, sa vie est néanmoins remplie d’anecdotes stupéfiantes. Elle aurait allumé un feu d’un geste de la main, multiplié la nourriture lors d’un repas où il en manquait, soigné beaucoup de malades, fait remarcher un enfant handicapé, pris la maladie de certaines personnes en tombant malade elle-même et en guérissant toute seule. Mais ce n’est pas le cœur de son enseignement. Sans arrêt sur les routes, elle dort dans les ashrams ou parfois dans la nature, organise des célébrations, fait servir des repas, reçoit les personnes qui veulent la voir. On lui prête le don de voir l’avenir, ou encore de lire dans les pensées. Elle entretient avec la nature un lien tout particulier : « Les rapports de Mâ avec le ciel, la terre, l’eau, le soleil, les étoiles sont différents des nôtres et témoignent d’une compréhension, ou plutôt d’un amour “cosmique” différent. Pour elle, la nature n’est pas, comme pour nous, “une autre vie”, c’est la même qui prend racine dans le Soi ; la distinction entre nature et esprit s’annule dans le Soi où elle vit », raconte Josette Herbert, sa biographe et traductrice française. Elle aurait ainsi parfois agi sur le temps, fait cesser la pluie pour une cérémonie religieuse ou amené des nuages pour cacher un soleil accablant lors d’une chaleur insupportable… Pour elle, chacun reçoit ses messages en fonction de qui il est, et chacun peut percevoir sa musique, ses chants, dont elle dit : « Ce corps est comme un instrument de musique, ce que vous entendez dépend de votre façon de jouer. Mais c’est la même mélodie qui porte l’univers tout entier. » À chacun, elle montre un visage différent, comme s’adaptant aux besoins de ses interlocuteurs. Josette Herbert raconte : « L’attitude de Mâ Ananda Moyî envers ses disciples et visiteurs varie d’un extrême à l’autre selon les circonstances. Elle apparaît tantôt sous l’aspect d’une petite fille et tantôt comme l’incarnation de la sévérité, comme la mère ou comme la sainte paisible et radieuse. »
Mais toujours dans l’accompagnement, elle permet à chacun d’évoluer et de se libérer, tout en rassurant : « En même temps qu’elle impose une tâche, Mâ donne le pouvoir de l’accomplir », explique Josette Herbert. Elle est aussi connue pour se souvenir de chaque personne rencontrée, même des années après, même à peine croisée, ou pour deviner à l’avance la venue de quelqu’un.
L’héritage Arnaud Desjardins
Arnaud Desjardins a suivi les enseignements de Mâ Ananda Moyî et a réalisé un film sur elle. Il en dit quelques phrases très éclairantes sur son expérience à ses côtés : « Nous voyions briller dans ses yeux la lumière de la vie véritable : l’annonce que l’éveil peut venir nous arracher à notre sommeil ; rien que sa présence ouvrait à une autre dimension. »
Pour cet enseignant français, déjà reconnu comme étant d’une singulière sagesse, Mâ Ananda Moyî est « plus qu’un être humain, établi sur un niveau de conscience absolument différent du nôtre », et le jour où il l’a rencontrée pour la première fois fut, selon lui, « le jour le plus important de mon existence ».
Il reste aujourd’hui de cette femme qui quitte son corps en 1982 de nombreux enseignements rapportés par ses disciples, toujours issus de ses réponses orales, et quelques images, dont celles d’Arnaud Desjardins, au travers desquels on peut tenter de se faire une opinion sur l’être absolument extraordinaire qu’elle devait être.
Journaliste et rédactrice en chef adjointe d'Inexploré magazine
Melanie Chereau est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont la spiritualité, la naturopathie et les médecines douces.
Elle pratique le bouddhisme depuis plus de 17 ans, est formée en Reiki et en aromathérapie. ...
À
retrouver
dans
Inexploré n°44
Miracles ! Ces éveils qui guérissent...
Rémissions impossibles ou guérisons spectaculaires. Nous en avons tous entendu parler, certains d’entre nous ont pu en être témoins, quelques autres, plus rares, en ont vécu. Les miracles mettent à rude épreuve les pronostics médicaux, et notre rapport à l’invisible. Quels peuvent être les mécanismes de telles manifestations ? Peut-on trouver des similitudes avec la transe chamanique, dont on commence à reconnaître scientifiquement les effets bénéfiques sur notre santé ?
Car au-delà de la croyance, au-delà de la connaissance, il s’agit peut-être d’avoir à nouveau confiance dans une dimension spirituelle à la fois intime, et plus grande que nous.
La Rédaction explore ces questions dans le nouvel Inexploré n°44, avec en tête l’idée que l’inexplicable bouleverse bel et bien notre vision du monde…
La notion de karma est intimement liée aux sciences védiques et particulièrement
au jyotish, l’astrologie indienne. Un art qui est, non seulement, en mesure de prédire
le potentiel de douleur et de souffrance d’un individu, et ce, de manière précise,
mais qui propose ...
Des hauts lieux d’énergie, des défunts sauveurs, des eaux guérisseuses et des rémissions spontanées. Voici quatre focus extraordinaires qui se penchent sur les ingrédients des guérisons inexplicables.
Les mondes pourront s’effondrer, les astres continueront de nous enchanter. Portes vers l’infini, ils dissimulent les secrets du cosmos et de nos destinées. La prochaine pleine lune, celle du 13 juillet à 20 h 38 exactement, est considérée par la spiritualité indienne ...
Et si des médecines ancestrales pouvaient réparer les dégâts causés par la société industrielle ? À Bhopal, en Inde, le yoga et l’ayurveda soignent avec une étonnante efficacité un peuple meurtri dans son corps et son âme. Une approche inspirante.
Et si le sommeil était une voie vers l’Éveil ? Dans la tradition indienne existe une pratique nommée « Yoga Nidra ». Connue pour ses vertus de relaxation profonde, elle est aussi un chemin vers la nature véritable de notre ...
À la suite d’une étude récente et utilisant des techniques de pointe, il s’est avéré que le saint suaire de Turin a bien environ 2 000 ans d’âge. Retour sur le plus connu des linges mortuaires…
D’origine indienne, la notion de chakras comme centres énergétiques régulant le corps et la conscience est aujourd’hui largement adoptée en Occident. Et si leur harmonisation pouvait nous soigner ?
Conscientiser sa pensée avant d’engager sa parole et son action serait le préalable à un processus de libération, à considérer en fonction du contexte, qui joue un rôle majeur. Mais alors, comment la purification fonctionne-t-elle vraiment ?
L’INREES utilise des cookies nécessaires au bon fonctionnement
technique du site internet. Ces cookies sont indispensables pour
permettre la connexion à votre compte, optimiser votre navigation et
sécuriser les processus de commande. L’INREES n’utilise pas de
cookies paramétrables. En cliquant sur ‘accepter’ vous acceptez ces
cookies strictement nécessaires à une expérience de navigation sur
notre site.
[En savoir plus][Accepter][Refuser]