La civilisation maya aurait commencé à se développer vers 10 000 avant Jésus-Christ dans le nord de l’Amérique centrale, sur des territoires qui correspondent aujourd’hui au sud du Mexique, au Guatemala, au nord du Belize et sur une partie du Salvador et du Honduras. Malgré la colonisation de la plupart de ces pays par les Espagnols, les Mayas existent toujours et leur population compterait huit millions d’individus. Au Mexique, ils représentent 60 % de la population des régions du Yucatán, du Campeche, du Quintana Roo et du Chiapas, dont la plupart parlent encore la langue maya, en plus de l’espagnol. Leur culture, qui s’est surtout construite autour de l’agriculture, de l’architecture, de l’astronomie et de croyances que l’on pourrait qualifier de religieuses, perdure à travers certaines traditions. Les Mayas – « hommes du maïs » – croyaient au
K’uhul, idée selon laquelle la divinité habitait toute chose, même les objets inanimés, ainsi que certains sites considérés comme sacrés.
La mort omniprésente
Notre voyage commence dans la péninsule du Yucatán, à une quarantaine de kilomètres de Tulum, dans la plus ancienne cité maya, Cobá, signifiant « eau trouble », car elle se situe entre deux lagunes. À son apogée, à l’époque classique, entre 300 et 900 après Jésus-Christ, la cité abritait 55 000 personnes au milieu de 70 kilomètres carrés de jungle tropicale, également habitée par des animaux tels que les jaguars et les panthères noires. «
Les Mayas étaient des marcheurs infatigables pouvant parcourir 25 kilomètres en une journée ! » précise Abelardo, de descendance maya, très attaché à faire perdurer sa culture. À vélo, on y découvre aujourd’hui plus facilement les gigantesques routes cérémonielles – dont la plus longue partant de là s’étendait sur 100 kilomètres –, plusieurs temples servant aux rituels religieux et les édifices du célèbre jeu de balle maya, dont il se raconte que les gagnants étaient sacrifiés en guise de récompense.
La mort est en effet omniprésente dans la culture maya. Les sacrifices étaient vus comme un privilège à l’époque classique, puisque le sang était considéré comme une substance reliant les vivants aux divinités. «
Pour les Mayas, la mort était l’œuvre des dieux, qui étaient souvent affamés. Pour garantir leur survie, les hommes effectuaient régulièrement des sacrifices d’animaux, d’autres humains ou des saignées d’une partie de leur corps », explique Abelardo. Pour glorifier le sang, toutes les façades des bâtiments étaient peintes en rouge. Difficile à imaginer, et pourtant, aucune des nombreuses pierres qui se dressent face à nous n’était grise ! Aujourd’hui, la mort est toujours présente dans la culture mexicaine, comme le montre bien l’une des iconographies les plus connues du Mexique, réalisée par José Guadalupe Posada en 1873, que l’on croise çà et là dans les rues : la Catrina est un squelette féminin vêtu de riches habits, surmonté d’un chapeau. Les morts sont invités à côtoyer les vivants à diverses occasions, notamment lors de la cérémonie du
temazcal.
Les portes du temazcal
Le
temazcal est un rituel ancestral commun aux Mayas, Zapotèques et Aztèques, axé sur la purification du corps et la détente de l’esprit pour favoriser une renaissance. En langue nahuatl, originaire de la famille uto-aztèque, il se traduit littéralement par « maison de vapeur », car le rituel a lieu dans une petite hutte ronde en pierre, en terre ou en bois, d’une hauteur d’un mètre et demi, avec une ouverture faisant office de porte. La hutte symbolise l’utérus de la Terre-Mère. C’est dans la
comunidad de Tres Reyes Xlakaj, dans la jungle de Cobá que nous rencontrons Ocho Yah, surnommé
Wakanchan, Árbol de la vida(1). Il est le
temazcalero, celui qui va conduire le rituel. Ce jour-là, il accueille huit participants avec un breuvage à base de plantes (eau de chia avec miel et citron et eau de fruit de la passion). Après avoir béni et purifié chacun en passant de l’encens puis demandé la permission aux morts de prendre sa place autour de la
Madre Tierra (Terre-Mère), il les invite à entrer dans la hutte.
La cérémonie va durer environ deux heures, divisée en quatre phases de treize minutes entrecoupées de pauses. Pour commencer, Ocho Yah demande aux participants d’ingérer des grains de cacao en formulant pour chacun une intention. La hutte de sudation est chauffée par des pierres volcaniques frottées de résine de copal sur lesquelles est versée une infusion d’herbes et de plantes médicinales (romarin, camomille, laurier, eucalyptus, rue). Plongé dans le noir, le
temazcalero enchaîne chants, incantations, prières et sons de tambours, avant de donner la parole. « Palabras », clamet-il à l’intention des membres du groupe désirant s’exprimer. Des cris, des râles, des mots comme « Gracias » et des réflexions vont se succéder. «
Je me sens en sécurité dans cet espace clos symbolisant l’utérus de la mère. L’absence de lumière favorise l’intériorisation et permet de se reconnecter à soi-même », dit Claire, une participante. À mesure que la chaleur augmente jusqu’à atteindre 60 degrés, l’expérience se veut plus profonde.
Ocho Yah propose quatre expériences destinées à traverser nos différentes couches, comme quatre portes à franchir : le corps physique, le corps émotionnel, le corps mental et le corps spirituel. Plus le corps transpire, plus l’esprit semble se dissoudre pour entrer dans un état de conscience modifié. «
La sudation permet de purifier le corps en élimant les toxines et en libérant les tensions. Le temazcal
peut améliorer la santé et est un excellent remède pour ceux qui souffrent d’insomnie », explique-t-il. Il agit aussi mentalement et émotionnellement, en clarifiant les pensées, et enfin spirituellement, en permettant de se relier aux différents éléments (air, terre, eau, feu) comme pour trouver l’équilibre entre l’intérieur et l’extérieur de soi et former un tout. Parmi ceux qui l’ont expérimenté, certains témoignent d’un bouleversement intérieur, après avoir vécu un « nettoyage » physique les jours suivants. «
J’ai passé deux jours au lit avec des douleurs abdominales et des diarrhées. J’en ai profité pour jeûner. Depuis, je me sens comme libéré physiquement, mais aussi à un niveau supérieur, quelque chose s’est ouvert... » confie Marc, un autre participant.
Mon expérience du temazcal
Alors que je souhaite arrêter l’expérience, gênée par l’intensité du son dans la hutte, un événement
étrange se produit. Au moment où le temazcalero nous donne la parole, je m’apprête à imiter un chat qui miaule quand j’entends avec étonnement un chat miauler. L’interprétant comme un signe de mon chat décédé un mois plus tôt, je décide de rester et de poursuivre l’expérience. J’apprendrai plus tard que ce miaulement avait été émis depuis l’extérieur par le maître du feu, celui qui rapportait
les braises chaudes entre chaque session. Étonnante synchronicité !
(...)