De nombreux chercheurs de tout horizon sont partis en quête de la civilisation glorieuse tombée en décadence. Que voulait raconter Platon dans le Timée et le Critias ? En l’an 2000, l’archéologue français Franck Goddio retrouvait la cité engloutie de Thônis-Héracléion, symbole de la toute-puissance de l’Égypte à son âge d’or, et décrite dans les récits légendaires d’Hérodote et d’Homère… Depuis, le site ne cesse de surprendre les chercheurs, alors que sortent de leur sommeil temples, céramiques, et artefacts en or. Face à de telles merveilles, imaginer retrouver la mythique Atlantide est-il si fantasque que cela ? La difficulté réside dans les nombreuses incohérences apparentes qui émaillent le récit de Platon. Quels indices a-t-il laissés, et quelles sont les pistes les plus crédibles à ce jour ?

Un élément particulier faisant débat dans le récit de Platon est la date avancée pour son existence : 9 000 ans avant Solon, soit environ 11 500 ans avant notre ère.

« Le tout premier roi et fondateur d’Athènes s’appelait Cécrops l’Autochtone et aurait vécu au XVI^e siècle av. J.-C. Athènes n’existant pas avant cette époque, le récit de l’Atlantide ne peut pas avoir eu lieu des milliers d’années auparavant »⁽¹⁾, précise l’auteure Géraldine Pilleul, de formation universitaire en histoire et en archéologie. De plus, la période à laquelle cela fait référence correspond à une ère géologique bien définie : la montée des eaux du Dryas récent, qui s’est étalée sur une durée considérable, de -18 000 à -8 500. Contrairement à la brusque disparition de la cité, cet événement s’est déroulé sur une période très étendue. Doit-on en conclure que cette date n’est pas à prendre au pied de la lettre ? « L’exagération des dates et des nombres était un trait courant dans la culture grecque de l’époque, notamment chez Hérodote qui présentait de nombreuses extravagances dans ses récits », décrit l’auteur et conférencier Ludovic Richer. Jürgen Spanuth, un pasteur autrichien passionné d’archéologie, a avancé que la datation donnée par les prêtres égyptiens (voir article « Atlantide, le mythe de toutes les passions ») ne devrait pas être comprise en années solaires, mais lunaires. Une idée soutenue par Géraldine Pilleul dans son livre. Cela signifie d’après elle « que les événements dont parle le prêtre se seraient déroulés, dans une fourchette large, entre 1290 et 1200 av. J.-C. », ce qui correspond à l’âge de bronze.

L’hypothèse en terre minoenne

« Dans l’espace d’un seul jour et d’une seule nuit néfastes, tout ce que vous aviez de combattants fut englouti d’un seul coup dans la terre, et l’île Atlantide s’étant abîmée dans la mer disparut de même », décrit Platon dans le Timée. Une cité majestueuse qui s’anéantirait en 24 heures, est-ce plausible ? Il y aurait un antécédent. Selon une théorie proposée par l’archéologue grec Spyrídon Marinátos (1901-1974), les Minoens, une civilisation avancée de marins, auraient vécu une catastrophe de grande ampleur durant l’âge de bronze. Marinátos a en effet découvert sur l’île de Santorin les vestiges d’une cité portuaire minoenne enfouie sous la cendre depuis trente-cinq siècles. Aux alentours de 1600 av. J.-C., le volcan de l’île de Santorin (située en mer Égée) a violemment explosé. La détonation provoqua un tsunami géant, avec des vagues atteignant 250 mètres de haut qui dévastèrent les côtes alentour, ce qui accéléra le déclin de la civilisation minoenne. D’après Paul-André Claudel, maître de conférences en littératures comparées, l’Atlantide aurait donc « pu se situer en Crète et “déborder” vers les îles voisines. On pourrait alors admettre que le tableau de la civilisation atlante laissé par le Critias correspond à ce que devait être la civilisation crétoise du deuxième millénaire, avec ses palais fastueux, sa marine et ses taureaux. »⁽²⁾

On imagine aisément qu’un événement de cette ampleur ait pu marquer vivement les esprits, et que son souvenir puisse s’être conservé dans la mythologie. L’archéologue Alain Schnapp constate : « Comment brusquement une société aussi évoluée s’est-elle effondrée, pour donner naissance […] à l’apparition d’une nouvelle société, qui n’a plus de palais, mais faite de petites communautés d’agriculteurs ? Penser que la mémoire d’un grand effondrement ait été transmise par un certain nombre de clercs, et qu’elle rejaillisse dans l’invention platonicienne, ce n’est pas absurde. »⁽³⁾ De plus, selon l’hypothèse minoenne, le récit de Platon, pour « historique » qu’il soit, contiendrait aussi des distorsions en ce qui concerne les dimensions de l’Atlantide, qui faisait la taille d’un continent au dire du philosophe. « Les choses se compliquent également quand on aborde le problème de la guerre entre Atlantes et Athéniens : les Minoens étaient des marins, des commerçants et des pêcheurs, mais pas du tout des guerriers », pointe Paul-André Claudel.

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