Nos scientifiques eux-mêmes le définissent simplement comme un corps constitué de gaz parmi lesquels l’oxygène, indispensable à la survie de toute espèce vivante. La pollution atmosphérique à laquelle on assiste depuis quelques décennies commence à se faire sentir par nos organismes, causant une recrudescence de pathologies liées aux problèmes respiratoires, et par là même, nous invitant à repenser la relation que nous entretenons avec l’Air.
Elémentaire !
D’un point de vue historique, on notera que cette conception physico-chimique, qui ne date que du 18ème siècle, période d’essor de la physique et surtout de l’industrialisation qui l’accompagne, est extrêmement récente. On remarque d’ailleurs que c’est à ce moment précis que le terme smog fait sont apparition dans le vocabulaire, confortant ainsi un certain pessimisme qui voudrait que l’homme ne résolve le mystère des choses que pour mieux quantifier la dégradation qu’il leur inflige ; ou à l’inverse, exacerbant l’espoir d’un futur sauvé par la technologie transhumaniste. Inexploré vous propose une approche différente, celle que l’on retrouve encore dans de nombreuses cultures traditionnelles et courants spirituels à travers le monde, celle qui consiste à définir l’Air comme un élément.
Les quatre éléments sont les principes de base qui composent l'Univers.
Symbolique !
Dans cette cosmogonie, les quatre éléments sont les principes de base qui composent l'Univers. Le monde de formes dans lequel nous vivons est donc constitué de Terre, d’Eau, d’Air et de Feu. De l’union de ces éléments naît un 5ème qui est une quintessence de ces derniers, une énergie dans laquelle nous baignons et qui imprègne tout ce qui nous entoure. C’est le Qi dont parlent les Chinois, le Ki des Japonais ou le Prana des Indiens. C’est ce que nous, Occidentaux, nommons l’Ether. L’alchimiste le représente sous la forme d’un dragon F.O.R.T. car dans leur langue, celle des oiseaux il est à la fois Feu Eau Air Terre. Recouvert d’écailles, crachant du Feu et volant dans les Airs, logé au cœur de la Terre où il garde un trésor, vous l’aurez compris, il est une parfaite synthèse des quatre éléments… Il est symbole d’Ether-nité.
Or, comme l’Ether, l’Air est le seul des quatre éléments qui soit invisible, ce qui le rend mystérieux et difficile à appréhender pour notre mental sans passer par le symbolisme, car de tout temps, ce sont les archétypes qui ont permis à l’Homme de donner du sens au monde des formes.
A l’inverse du diabole qui sépare, divise et oppose, le symbole nous permet de relier, d’établir des ponts entre le monde manifesté et nous. Il permet d’interpréter et de comprendre ce qui nous dépasse. C’est le :
saint-bol de la connaissance.
En comprenant le symbole de l’Air, nous pouvons comprendre la partie du monde qu’il compose. Ainsi, se pencher sur sa symbolique revient à se pencher sur la relation que nous établissons avec cet élément, et plus fondamentalement sur la relation que nous établissons avec la part de nous-mêmes qu’il représente.
Mythologique !
Les mythes sont porteurs d’informations subtiles engrammées dans l’esprit par l’inconscient collectif et transmises de génération en génération. En cela ils nous permettent d’accéder à une connaissance intuitive bien utile pour aborder des notions aussi immatérielles que celle de l’Air.
Libre comme l’air !
Le seul mythe de l’Antiquité à placer l’humain dans le monde aérien relate les péripéties d’un homme fuyant la vengeance divine au moyen d’ailes fabriquées par son père dont il oubliera les consignes de sécurité, grisé par son vol, finalement puni d’avoir osé égaler les Dieux. A travers ce récit nous voyons combien l’Air est un archétype de liberté et d’élévation. Voler représente la liberté ultime, car cela signifie l’affranchissement total des lois physiques fondamentales que sont la pesanteur ou la gravitation. Comme nous le montre Icare, voler c’est non seulement se rapprocher de Dieu, le soleil, mais aussi des Dieux, les seuls considérés comme au-dessus des lois terrestres.
L’Air est un moyen de prendre de la hauteur sur ce qui nous entoure et ainsi de nous en affranchir.
Des paroles en l’air ?
Dans l’Olympe, le dieu de l’Air est un messager aux pieds ailés, élu par Zeus comme intercesseur entre le divin et l’humain c’est pourquoi il est considéré comme le dieu de la communication. D’abord selon un axe vertical, entre les Hommes et les Dieux, entre les vivants et les morts, ensuite sur un plan horizontal puisqu’Hermès est le messager des hommes entre eux. Force est de constater que c’est bien à travers l’Air que le son se propage, que la musique et le verbe existent. La forme sinusoïdale du son, mise en évidence par la science, n’est d’ailleurs pas sans rappeler celle d’un reptile, nous renvoyant aux deux serpents entrelacés de la Kundalini ou de la spirale d’ADN que l’on observe sur le caducée, ce flambeau du savoir caché de l’Univers dont Hermès est justement le porteur.
A l’image de l’Air qui est incolore, inodore et insaisissable, cette connaissance est celle de ce qui échappe à nos yeux et à notre entendement mais dont on ne peut nier l’existence.
La mythologie nous montre ainsi que l’Air permet aux hommes d’accéder aux informations essence-ciel et d’élever les mots qu’ils prononcent. D’ailleurs, ne passons-nous pas notre temps à invoquer, tels des mages qui s’ignorent ?
Dans l’air du temps !
En ce sens, on comprend qu’Hermès soit aussi considéré comme le dieu de la magie, le maître des illusions. L’étymologie même du mot Air (
Aer : avoir l’air de, aspect, apparence) met en évidence la notion illusoire de cet élément, sans parler de la langue des oiseaux, qui nous montre que l’Air est aussi ère ou aire. L’espace et le temps réunis au sein d’un même élément. N’est-ce pas cette illusion qu’Einstein, lui-même, nous invitait à relativiser ?
Prendre l’air !
L’astrologie aussi, met en exergue l’illusion de l’Air par le signe des Gémeaux auquel elle l’associe. Non seulement parce que son image est une figure double et contradictoire, mais aussi parce que ce signe symbolise le mental. Le mental étant ici perçu comme ce qui crée l’illusion de séparation permettant à notre cerveau de modéliser la forme et d’interpréter le monde. Si l’Air est symbole de communication, puisque placé entre chaque chose, il les relie, il est aussi par ce positionnement celui qui sépare et limite… comme notre mental.
Alors au lieu de nous prendre la tête, pensons plutôt à prendre l’Air !
L’homme a toujours pensé que l’Air permettait de connaître l’avenir.
Magique !
L’homme a toujours pensé que l’Air permettait de connaître l’avenir. Les Aztèques déjà sacralisaient cet élément qu’ils savaient porteur de présages. A l’Antiquité, l’ornithomancie utilisait le vol des oiseaux pour établir les augures, et à l’heure actuelle notre météo, qui se base sur des statistiques pour prédire le temps, n’est pas sans rappeler ces anciennes pratiques divinatoires.
D’après les psychologues nous sommes sujets à deux peurs fondamentales : la douleur et le noir. Dans son sens psychanalytique, le noir signifie l’inconnu, le vide. Cela explique certainement que depuis la nuit des temps, l’homme ait ressenti le besoin de remplir l’Air en le peuplant d’anges, d’esprits ou de démons. Il paraît donc logique qu’il joue un rôle prépondérant dans toutes les pratiques spirituelles.
L’encens, par exemple est utilisé tantôt pour élever les prières ou guider l’âme du défunt tantôt pour appeler ou éloigner les esprits. Le son, à travers tambours, invocations ou mantras sert à se mettre en résonance avec les énergies ou à atteindre des états de transe. Mais c’est surtout dans la théurgie et le chamanisme que l’Air prend toute son ampleur. Dans ces approches il est une force divine, source d’initiation spirituelle.
Pour les chamanes les quatre éléments sont les énergies primordiales qui ont construit notre monde. C’est pourquoi il existe quatre directions, quatre saisons, quatre règnes et que nous possédons quatre corps (physique, émotionnel, mental et spirituel).
Dans leur vision, l’Air est relié au règne animal, il est perçu comme le monde des animaux totem, il est le monde de l’invisible, des esprits et des ancêtres. Il est aussi le monde où les idées circulent et correspond donc à notre corps mental. La cérémonie de l’Inipi (hutte de sudation) est un parfait exemple de l’importance des éléments dans les rituels chamaniques.
D’après les chamanes, pour harmoniser, fortifier ou équilibrer quelqu’un, il suffit de percevoir sur lequel de ses corps se situe le problème. Ce peut être une défaillance ou un excès d’élément, mais cela peut aussi être dû au besoin de purifier cet élément.
La chamane que j’ai interrogée à ce sujet, m’explique qu’en agissant sur la matière qui nous entoure cela se répercute dans le monde de l’énergie tout comme les énergies transforment la matière. Ainsi, selon elle, la pollution atmosphérique dans laquelle nous vivons n’est que le reflet de notre propre pollution mentale. Cela peut prendre la forme de cogitations ou de boucles mentales dans lesquelles on s’enferme, ou d’influence dans notre manière de penser qui nous éloigne peu à peu de nos pensées personnelles. La pollution est d’autant plus forte dans notre monde occidental car nos sociétés sont basées sur la raison, le mental. Paradoxalement, au lieu de nous exposer à l’Air libre pour nous aérer la tête et changer nos idées nous vivons de plus en plus dans des espaces climatisés.
Et si justement, nous profitions de ces beaux jours pour changer d’Air ?
La pollution est d’autant plus forte dans notre monde occidental.
Et pour finir : un bon bol d’air...
On ne peut aborder l’air sans évoquer la plus basique des fonctions vitales, la respiration. Le
cycle d’inspiration/expiration est le mouvement naturel qui connecte en permanence chaque
partie de notre être à cet élément. On prête souvent peu d’attention à ce mouvement puisqu’il
est inconscient. Par exemple, même si l’on sait qu’en rallongeant le cycle respiratoire on
réduit le rythme cardiaque, combien d’entre nous ont remarqué qu’en phase d’éveil l’inspire
est deux fois plus longue que l’expire et que lors du sommeil cela s’inverse ?
Anne Silberstein, professeur de chant et thérapeute, créatrice du Yoga de la voix, nous
explique que nous possédons trois caisses de résonances, trois diaphragmes (le diaphragme est
ce qui permet de réguler le passage de la lumière comme en photographie). Le premier, le
périnée, est une pompe à énergie tellurique. Il fait monter l'énergie et nous permet, en
respirant, de nous ancrer à la Terre. Le second soutient nos poumons et sert de soufflet au feu
du bas, c’est-à-dire à l'énergie tellurique. Il régule la puissance. Enfin, le dernier qu’on active
en plaçant la langue en arrière contre le palais, ouvre la tente du cervelet et permet ainsi de
chanter en voix de tête.
Elle constate qu’en occident nous ne respirons qu'avec la partie haute de notre corps. Lors de
l'inspiration, qui normalement devrait se faire naturellement, nous oublions de respirer
d’abord par le ventre et seulement après par la cage thoracique, et de faire le mouvement
inverse lors de l'expiration. Pour elle, nous ne respirons qu'à moitié, comme coupé en deux,
déracinés et reclus dans les sphères supérieures de notre être, nous abritant dans notre mental,
faisant ainsi abstraction de nos émotions. Sans rétablir la plénitude de ce cycle, il est
impossible de trouver sa voix… Et peut-être bien sa voie aussi !
Alors, plutôt que de nous tourmenter à propos de la qualité de l’Air qui nous entoure, si nous
commencions par respirer ?