Injonctions, loyautés familiales, normes collectives ont façonné nos modes de pensée et conditionnent nos vies ; nous sommes, pour une majorité d’entre nous, enfermés dans une vision souvent étriquée et en rupture avec nos aspirations profondes. Se réinventer est possible, voire nécessaire, pour pleinement vivre en accord avec qui nous sommes vraiment ; à condition d’agir sur les différentes dimensions de notre être. Le chercheur en physique quantique et neurosciences Joe Dispenza soutient dans son dernier ouvrage
(1) la pensée selon laquelle «
nous vivons inconsciemment selon une série de comportements, de pensées et de réactions émotionnelles mémorisées, qui se déroule dans les coulisses informatiques de notre conscience, qui dans une vision holistique impacte tout notre être ». C’est pourquoi il ne suffit pas de penser positif pour « transformer » nos pensées limitantes, mais bien d’agir sur les différents plans pour s’en libérer, à savoir le corps, le cerveau, et l’âme.
Les déloger par le corps
Si nourrissons, nous avons été mal portés par des bras peu accueillants, l’ensemble de notre être va valider des croyances du type « je ne peux pas être soutenus ni encouragé ». C’est le fameux
holding dont parle le psychiatre et pédiatre anglais Donald Winnicott, une notion fondamentale de la construction du moi, qui lorsqu’elle est défaillante va entraîner nombre de troubles. Pour nous défaire en profondeur de nos conditionnements issus de l’enfance, les pratiques psychocorporelles sollicitent le corps pour libérer l’esprit, chacune avec sa spécificité. Le Feldenkrais mise sur le mouvement comme voie d’apprentissage d’un véritable renouveau psychique. Cette pratique développée dans les années 1940 par l’ingénieur et physicien britannique Moshe Feldenkrais
(2) ouvre le champ de nouvelles possibilités grâce à des mouvements inhabituels, des exercices spécifiques, qui se font physiquement, puis mentalement. «
Ces représentations mentales créent de nouvelles connexions neurologiques dans le cerveau », explique la psychanalyste et praticienne Valérie Marange. En d’autres termes, cette méthode d’apprentissage repose sur la relation qui existe entre le système nerveux et musculaire, amenant notre cerveau à une plus grande maturation. «
Un travail sur les appuis du corps au sol va consolider des zones qui sont des bases du narcissisme originaire, celles en lien avec sa valeur », poursuit la praticienne. Le corps va alors réinformer le psychisme et les conditionnements négatifs qui ont fondé notre identité pour initier un changement en profondeur, tant corporel que comportemental.
Solliciter le système d’autorégulation du corps pour libérer les rigidités corporelles en lien avec nos croyances est également au cœur d’une approche corporelle appelée le « toucher massage énergétique ». «
Les croyances engrammées dans le corps entraînent torsions, contractions et compensations », rappelle Renato Pappalardo
(3), praticien en thérapie manuelle et énergétique. Sa vision : passer du corps « réflexe » au corps « conscience », en faisant circuler l’énergie dans les différents segments corporels. Explications : «
Nos croyances créent un corps réflexe, qui développe à chaque stimulus identique, une réponse conditionnée, le plus souvent liée à des résistances psychiques. » Par exemple, une amie proche qui se dédit pour votre fête d’anniversaire va nourrir la pensée que vous ne méritez pas qu’on vous célèbre ; et tout votre corps se contracte. Une approche de toucher énergétique permet d’éroder les cuirasses corporelles et ces anciennes résistances psychiques, toutes deux imbriquées. «
Le massage dissout les tensions résiduelles instinctives qui nous maintiennent dans ce corps réflexe, nous obligeant à réagir à une situation de manière identique », précise le praticien. En faisant circuler l’énergie (dos, cuisses, cou, épaules), il est possible d’élargir notre champ de conscience dans l’ensemble du véhicule ; notre système d’autorégulation va nettoyer le corps et restructurer notre pensée. Des croyances limitantes du type « la vie est fatigante », « sans mes 8 heures de sommeil, je ne suis bon à rien », évoluent ou changent radicalement selon les personnes. Qu’on ne s’y trompe pas, c’est un processus : «
Ce changement s’accompagne souvent d’agitations psychiques et de fatigue », prévient Renato Pappalardo. La clé ? L’observation et le lâcher-prise ; alors le processus se fluidifie.
Il ne suffit pas de penser positif pour « transformer » nos pensées limitantes, mais bien d’agir sur les différents plans pour s’en libérer, à savoir le corps, le cerveau, et l’âme.
Reprogrammer le mental
«
Primordiale pour trouver un travail ou entrer dans une relation affective épanouissante, la confiance en soi est un motif de consultation fréquent », expose la D
r Constance Flamand-Roze, docteur en neurosciences et praticienne en hypnose. Or celle-ci est trop souvent mise à mal par de nombreuses croyances négatives qui se sont développées lors d’expériences préalables, en relation avec un échec, ou perçues comme telles. Ces suggestions auto-imposées par le contexte d’échec sont autant de croyances persistantes dans le temps, qui sapent les forces de celui qui tente de se confronter aux mêmes situations. «
Le travail en hypnose consiste à les identifier et intervient sur le changement des représentations de l’événement racine et la perception de la situation », ajoute la praticienne. L’objectif des séances est d’aller chercher des images ressources, qui vont « reprogrammer » un sentiment de confiance et de profonde sécurité. Si par exemple, enfant, vous avez fait une chute de vélo mémorable, qui a ôté en vous toute velléité d’explorer le monde avec audace, en hypnose la praticienne va induire une nouvelle image : « Petite, j’ai failli tomber, et mon grand-père m’a rattrapée pour me donner un nouvel élan. » Le but est de faire revivre des sensations agréables, en allant les rechercher, ou en se remémorant des moments de réussite. L’hypnose permet alors de sortir de cette boucle de négativité, créée par les croyances limitantes, en réinitialisant de nouveaux chemins neuronaux. Un combo gagnant pour réécrire une nouvelle partition.
Se libérer des croyances limitantes personnelles est une première étape pour se réinventer et changer de vie. Toutefois, compte tenu de la mutation sans précédent que nous traversons, il semblerait que plus encore que nos croyances personnelles, il nous faille aussi transcender nos croyances collectives, si nous voulons caresser l’espoir d’une autre réalité pour notre monde. «
Changer, c’est agir et penser plus grand que notre environnement, notre réalité présente », rappelle Joe Dispenza. L’histoire regorge de femmes et d’hommes qui l’ont fait... Martin Luther King, Gandhi, Thomas Edison, Vandana Shiva... Leur secret ? «
Chacun entretenait dans son esprit le concept d’une réalité future qui existait potentiellement dans le champ quantique, afin de sortir d’une vision étriquée d’un monde qui reposerait sur des croyances collectives, aujourd’hui erronées », écrit le conférencier. Ils avaient tous un rêve, une vision plus grande qu’eux ; ils croyaient à une destinée future tellement réelle dans leur esprit qu’ils se sont mis à vivre comme si elle existait déjà. «
Vivre à l’endroit de la réponse », une phrase du pionnier en sagesse quantique Gregg Braden qui sonne comme un mantra, nous ouvrant une voie à explorer avec ferveur pour oser davantage qu’une libération de croyances limitantes personnelles, pour porter le changement de paradigme.
Changer de niveau de conscience
«
De nombreux patients témoignent de l’impact négatif de leurs ruminations mentales, des pensées négatives véhiculant nos croyances limitantes, responsables de stress, d’anxiété, et de nombreux troubles psychiques », rapporte le D
r François Bourgognon
(4), psychiatre. À sa pratique traditionnelle se sont ajoutées les techniques de méditation de pleine conscience ou
mindfulness, développées par Jon Kabat-Zinn à la fin des années 1970, qui permettent d’être plus attentif à ces commentaires négatifs pour s’en libérer. En position assise, en tailleur ou sur une chaise, elle repose sur deux mécanismes : «
Le premier est la prise de conscience des ruminations, pour sortir de l’agitation du mental, le second est le retour à l’instant présent, en portant son attention sur le souffle et les ressentis corporels. » Les identifier, en état méditatif, les observer, s’en détacher, permet peu à peu de laisser apparaître la possibilité de laisser tomber ces béquilles inutiles. Par ailleurs, plonger dans l’instant présent permet au fil des pratiques de se libérer de l’emprise du passé. «
En se focalisant sur son souffle et ses sensations corporelles dans une présence ouverte, on se sent pleinement relié à ce qui est ! », ajoute notre expert. Un principe que soutient également le philosophe Fabrice Midal, en insistant sur la notion de bienveillance comme facteur de transformation de notre système de croyances : «
Méditer nous libère de l’exigence de perfection dictée par nos systèmes de pensée. » Nous vivons sous la pression constante de la peur de l’échec, de ne pas être à la hauteur, à laquelle s’ajoute aujourd’hui celle d’être conforme. Face aux diktats sociaux en constante progression, la bienveillance pourrait s’avérer un allié précieux. Fabrice Midal nous rassure : «
En réalité nous ne devons pas “produire” de la bienveillance, il suffit de la laisser émerger ! » La véritable libération n’est alors en aucun cas un effort de volonté, mais bien un mouvement intérieur.
Autre voie de libération, la pratique yogi, où la méditation est cette fois associée aux postures corporelles, aux mantras, pour découvrir nos croyances, les nettoyer, et aller vers une reconnexion. «
Notre quotidien est le reflet de nos croyances, et il faut s’y confronter pour les identifier, et les dissoudre », rappelle Catherine Saurat-Pavard
(5), enseignante de Kundalini et Yin Yoga. Dans cette tradition, les schémas répétitifs ou
samskaras négatifs qui impactent notre vie sont un tissage entre notre ego et des émotions douloureuses, que va s’approprier le petit « je ». «
Se désidentifier est la clé, avec une pratique méditative basée sur les mantras », précise notre experte. Quand tout est libéré, l’espace intérieur peut se déployer, le champ de conscience s’élargir et laisser place à un sentiment d’unité cosmique ! «
Pour les yogis, la croyance limitante “racine” pourrait bien être celle de l’illusion de la séparation », ajoute Catherine Saura-Pavard. Une fois ce « schème » déboulonné, il nous serait alors possible d’accéder à un véritable éveil de conscience, voie suprême de libération. D’après la tradition yogi, «
il y a au fond de nous un joyau de pure joie sans cause extérieure, un état qui est la nature même de notre être. Et disponible à tout moment. »
En réalité nous ne devons pas « produire » de la bienveillance, il suffit de la laisser émerger !
(1)
Rompre avec soi-même, Joe Dispenza, éd. Trédaniel, 2020
(2)
La puissance du moi, Moshe Feldenkrais, éd. Marabout, 2014
(3)
www.renatopappalardo.com
(4)
Ne laissez pas votre vie se terminer, François Bourgognon, éd. Pocket, 2020
(5)
Mon astro yoga, Catherine Saurat-Pavard, éd. Leducs, 2021.