En 1992, un sondage américain est mené pour le compte du magnat de l’aérospatiale Robert Bigelow. Il vise à déterminer le nombre et les caractéristiques des personnes qui auraient fait l’objet d’enlèvements extraterrestres. Des tests sont conduits au préalable pour s’assurer de pouvoir discerner les vrais abductés des personnes à l’imagination… fertile. Les résultats dépassent l’entendement : sur environ 6 000 individus, un sur 50 démontrerait des caractéristiques « plausibles » d’abducté. En extrapolant, ces « RR4 » (rencontres rapprochées du quatrième type) représentent donc potentiellement 5 millions d’Américains !
Certains témoins rapportent des scènes irréelles, au cours desquelles des expériences sont menées. Les récits sont similaires, il est question d’observation d’une sphère lumineuse, d’épisode de temps manquant, d’une rencontre avec des entités non humaines qui procèdent à des prélèvements de gamètes, transplantent parfois un fœtus hybride… La communication est bien souvent télépathique.
Certains témoignages, étayés d’éléments tangibles, laissent pantois. Parmi eux, celui de la Canadienne Suzanne Boucher, dont l’histoire est révélée dans
Les enfants de Sylvie P. (éd. Atlantes, 2016). Cet ouvrage, coécrit par Marc St-Germain, directeur du MUFON local (Mutual UFO Network), et Pierre Caron, formé en psychothérapie comportementale, rapporte les réminiscences troublantes de cette femme lors de séances d’hypnose.
Des récits stupéfiants
Au cours de sa première séance de régression, Sylvie décrit une scène terrifiante dont elle aurait été victime à l’âge de 15 ans. Alors que la jeune femme est allongée sur une table, des êtres de couleur gris pâle mènent des expériences sur elle. Un épisode tombé dans l’oubli jusqu’à cette séance d’hypnose, des années plus tard. Après cette première régression, elle trouve le courage de dessiner des croquis des entités, qu’elle décrit comme ayant des «
arcades sourcilières proéminentes », des «
yeux en amande », un «
regard méchant ». Malgré le choc, elle décide de poursuivre le voyage. À mesure que la mémoire lui revient, le sentiment qu’il lui manquait une partie de sa vie prend sens. Les scènes sont pour certaines terribles : un fœtus lui aurait été implanté, et retiré plus tard par ces « êtres » menant visiblement une expérience
in vivo. Lors d’une régression, elle rencontre un enfant hybride, et sait instantanément qu’il s’agit de sa fille.
Jérôme Jegou, un ancien policier, a lui aussi été enlevé de manière répétitive depuis la plus tendre enfance. En 1993, la mémoire lui revient par bribes, notamment des scènes de rencontre avec son fils, hybride. Dans un couloir souterrain, il observe des abductés rentrer à la chaîne en salle d’examen, «
et je les calmais par télépathie, leur disant que tout allait bien se passer, et qu’ils ne se souviendraient de rien. Une mission qui ne me motivait pas vraiment », rapporte l’intermédiaire. Après avoir entendu un grand bruit dans la salle d’opération, il décrit qu’«
un enfant de 8-10 ans avec de grands yeux bleus rayonnants sort de la salle et se dirige vers moi. Je sens qu’il est très en colère. Mais arrivé près de moi, la colère se transforme en un amour inconditionnel, qui envahit progressivement tout mon corps. Je sais instantanément que c’est mon fils. » D’après le témoin, cet être est d’apparence humaine et évolue sur Terre, on ne peut le distinguer d’une personne lambda. Mais pourrait-il s’agir d’un « faux souvenir » ?
Ce qui est particulièrement marquant dans le cas de Sylvie, c’est l’accumulation de preuves physiques attestant qu’elle a bel et bien vécu « quelque chose ». Par exemple, après un épisode durant lequel elle a vu une sphère de lumière et subi une opération, elle est prise d’une forte migraine et se rend à l’hôpital. Après quelques examens, les médecins lui demandent si elle est allée en ex-URSS, car ses analyses sanguines démontrent une forme d’irradiation. Ils constatent par ailleurs que la jeune femme semble avoir perdu un important volume de sang (volume globulaire moyen très bas). Ce qui corrobore l’idée de l’opération.
Nicolas Dumont est psychologue clinicien, psychothérapeute transpersonnel. Il a cocréé le CERO France (Contact et enlèvement lors de rencontre ovni), et a rencontré une centaine d’abductés sur une période de six ans. Expert dans ce domaine, il se souvient du témoignage d’une femme victime d’enlèvements et d’hybridations : «
Elle est tombée enceinte après beaucoup de difficultés. Lors d’examens médicaux, son médecin lui demande : “Combien de fois avez-vous avorté ?” Cela n’avait jamais été le cas. D’après le professionnel, son utérus portait pourtant de nombreuses traces d’avortement… » Pour autant, ces preuves physiques suffisent-elles à attester le phénomène ? John Mack (décédé en 2004) est une figure de proue de la recherche sur les enlèvements extraterrestres, lauréat du prix Pulitzer et ancien professeur à l’université Harvard. D’après lui, «
la consistance de toutes ces expériences subies par des personnes n’étant jamais entrées en contact les unes avec les autres […] me fit clairement prendre conscience, à moi et à une foule d’autres chercheurs, que quelque chose se passe ici, qui se déroule en dehors de l’imagination des témoins ».
(1)
À un premier niveau de lecture, des êtres venus d’ailleurs nous prennent comme cobayes pour des raisons qui restent mystérieuses. David Jacobs, professeur d’histoire contemporaine à l’université Temple (Philadelphie)
(2), avance même qu’une nouvelle humanité est en train d’être créée. C’est aussi l’avis de Dolores Cannon, qui avance l’hypothèse que les extraterrestres s’adonnent à ces activités dans notre propre intérêt, et qu’«
une puissance supérieure orchestre un plan qui a été mis au point pour nous et cela une éternité avant l’apparition du premier humain sur Terre ».
(3) Enfin, selon John Mack, l’intervention des extraterrestres s’explique souvent par leur volonté de créer une nouvelle race qui aiderait à préserver notre environnement, et ils s’efforceraient de modifier notre orientation envers la nature. Mais est-ce si simple ? Il semble très hasardeux d’affirmer quoi que ce soit, tant les contours du phénomène sont élusifs, et ses interprétations variées.
Ce qui est particulièrement marquant dans le cas de Sylvie, c’est l’accumulation de preuves physiques attestant qu’elle a bel et bien vécu « quelque chose ».
Une expérience initiatique ?
Comment caractériser ces témoignages, sans tomber dans des conclusions hâtives ? Nicolas Dumont invite à situer le territoire d’expérience de la personne : est-ce une expérience uniquement concrète et matérielle ? Psychique et symbolique ? Sur un plan éthérique ou « spirituel » ? «
Réalité matérielle et psychique peuvent se confondre, s’entremêler, comme dans le film Contact,
avec Jodie Foster, où l’alien prend la forme de son père et se manifeste dans un paysage connu pour créer un “amortisseur ontologique”. Cela protège Jodie du choc lié à l’étrangeté de la situation. Les témoignages d’abductés me montrent qu’elle peut se produire sur ces différents territoires, mais la plupart semblent nous emmener malgré tout vers des territoires… hybrides. La question est… pourquoi ? »
Ces expériences vécues dans un espace-temps montrant des caractéristiques étranges mettent en lumière un phénomène riche et complexe à appréhender. Dans cette idée, une explication n’exclut pas forcément les autres. «
J’ai eu l’impression que chaque particule de mon corps fusionnait avec mon fils, c’était très, très étrange. Certains comparent cette sensation à une montée de kundalini », se souvient Jérôme Jegou. Que nous apprennent ces « phénomènes franges », comme les nomme Nicolas Dumont ? À la lumière de son parcours, ce dernier propose une théorie qu’il illustre par l’exemple suivant : «
Imaginez que vous vous endormiez devant la télévision. Soudain, quelqu’un à côté de vous vous touche l’épaule et vous vous réveillez. Vous quittez le niveau du rêve qui était quelques secondes auparavant très réel pour vous, et vous vous retrouvez dans le niveau de réalité partagé avec la personne à côté de vous, ordinaire et connu pour vous. Votre voisin a cependant contraint votre conscience dans un autre niveau de réalité. Il en serait ainsi avec ces consciences exogènes, qui semblent vivre ou se déplacer dans une multidimensionnalité beaucoup plus ample que la nôtre. » La bipolarisation du réel, entre une réalité objective, matérielle, et une réalité psychique molle, subjective, est occidentale et récente. Serait-elle erronée ?
John Mack partageait lui aussi cette idée : «
Il y a ces personnes, la plupart d’entre elles sans aucune formation physique ou philosophique, qui disent : nous le savons, cela ne s’est pas passé dans ce continuum d’espace-temps ou dans cette dimension, mais dans une autre dimension, ou alors l’espace et le temps semblent s’être interpénétrés. Mais ils sont persuadés que tout cela ne s’est pas déroulé dans l’univers quadridimensionnel que nous connaissons tous. » Dans ce cadre, Nicolas Dumont propose deux niveaux d’hypothèse : «
À la première lecture, certains témoignages peuvent tout à fait nous laisser supposer que cela a eu lieu matériellement et concrètement, préservant alors la conception “ordinaire” de la réalité, bipolarisée en psychique d’un côté et physique de l’autre. » Mais d’après l’expert, cette interprétation interroge : pourquoi, avec une telle technologie, laisser autant d’empreintes ? Pourquoi en passer par l’hybridation, avec un tel degré d’évolution ? Les traces ont-elles été laissées, ou créées, pour être trouvées, autrement dit : des communications ?
Une expérience initiatique
«
Le second niveau d’hypothèse intègre une conception de la réalité plus “hybride”, où le réel est à la fois concret, psychique, matériel et symbolique. Une possibilité serait alors que le processus d’hybridation manifesterait “à l’extérieur”, dans l’expérience vécue réellement et physiquement par le sujet, son processus “intérieur” : celui de sa propre “mutation psychique”, le contact interespèces avec un psychisme alien modifiant pour toujours son identité, l’intriquant psychiquement avec eux. » Ce contact est vécu comme si radicalement « autre », et à la fois si profondément « soi-même » (non-séparativité), que cela entraîne un processus d’éveil à une réalité plus vaste – être réveillé de son rêve par son voisin de télé – et à une identité plus profonde, révélée par le contact avec une conscience alien (« à travers toi, je fais l’expérience de moi »). Subir enlèvements et hybridations serait une expérience initiatique, vraiment ? Après avoir lui aussi écouté une centaine de témoignages, John Mack en arrive à la conclusion que si les témoins «
trouvent une personne leur disant qu’ils ne sont pas fous, et qui les sort de leur isolement, qui les aide à accepter leurs expériences, alors ils se transforment en des êtres profondément préoccupés du destin de la Terre, qui s’engagent, qui creusent derrière les apparences, qui sont soucieux d’un meilleur avenir pour l’humanité. La plupart du temps, ces personnes sont ouvertes, douces, très réfléchies et se préoccupent des animaux et de la nature. » C’est aussi le constat de Nicolas Dumont : «
Une fois ce chemin effectué, ils ne se sentent plus tout à fait humains ni tout à fait extraterrestres, mais un pont entre les dimensions. »
(1) Source : interview dans
Magazines 2000.
(2)
Secret Life, David Jacobs, éd. Atria, 1993.
(3)
Les gardiens, Dolores Cannon, éd. Ariane, 2018.