La science est-elle toujours le bon outil pour appréhender la réalité ? Et si oui, quelle science ? La parapsychologie révolutionne notre façon de penser le monde.
Dans une lettre envoyée à Johannes Kepler, Galilée
s’étonne que ses confrères de l’université de Padoue ne
s’intéressent pas à ses observations. L’astronome indique
qu’il ne cesse d’inviter le responsable du département
de philosophie à venir regarder les planètes dans sa lunette.
Le professeur refuse obstinément. Il justifie sa
position en se référant à Aristote. Or, Galilée poursuit
sa lettre en rappelant qu’Aristote était un empiriste et
qu’il aurait donc pris le temps d’examiner les faits avant
de se prononcer. Par la suite, l’Histoire donnera raison
à la théorie héliocentriste portée par Galilée. «
Ce refus
de regarder à travers le télescope de Galilée peut être mis en
parallèle avec ce qu’il se passe aujourd’hui. De nombreux
scientifiques ne veulent pas prendre en compte les évidences
qui indiquent que la conscience ne serait pas produite par
le cerveau », indique David Lorimer, directeur de programme
du Scientific and Medical Network et directeur
de la commission Galileo (voir encadré en fin d’article).
La conscience serait un nouveau défi pour la science.
En effet, des manifestations conscientes telles que les sorties hors du corps, les expériences de mort imminente,
mais aussi la télépathie, la voyance, la précognition,
la psychokinèse, etc., débordent l’explication
matérialiste. Que faire de ces phénomènes dérangeants,
sauf à nier leur existence ? Existe-t-il de nouvelles
« lunettes » à travers lesquelles la science devrait
regarder ?
À vrai dire, il est un champ scientifique
dont l’objet est précisément l’étude rationnelle des
phénomènes hors norme. C’est la parapsychologie.
Loin d’être un agglomérat de croyances occultes – tel
qu’il est parfois pensé –, la parapsychologie exclut au
contraire les explications ésotériques ou religieuses.
Elle applique tout bonnement la méthode scientifique
à l’étude des anomalies de notre réalité. Ses recherches
sont publiées dans les plus grands journaux
à comité de lecture et font l’objet de méta-analyses
de méta-analyses. Quel est le bilan de ses 150 ans
d’investigation ? Une accumulation d’évidences indiquant
qu’un pan du réel nous échappe. Et bien
qu’elle propose des modèles performants à la pointe
des connaissances scientifiques, la parapsychologie
est, presque malgré elle, amenée à confronter les méthodes
et les présupposés scientifiques… eux-mêmes.
Oups ! La science actuelle est-elle battue à son propre
jeu ? La parapsychologie est-elle un tremplin vers la
science de demain ?
La conscience serait un nouveau
défi pour la science.
Entre physique et psychologie
En 1889, le psychologue Max Dessoir propose l’appellation
« parapsychologie ». Il indique aussitôt
qu’il convient de l’accompagner d’un autre terme :
celui de « paraphysique ». En effet, les chercheurs
remarquent que les phénomènes hors norme se produisent
tant au niveau psychologique qu’au niveau
physique. L’exemple type est celui des poltergeists,
qui comprennent l’apparition de sons ou de mouvements
d’objets, en présence de personnes. Ces
effets pourraient ainsi relever des lois physiques
et des lois psychiques. Le prix Nobel de médecine
Charles Richet entérine cette constatation lorsqu’il
met en avant la notion de « métapsychique » en
1905. C’est, selon lui, «
la science qui a pour objet
des phénomènes, mécaniques ou psychologiques, dus à
des forces qui semblent intelligentes ». Mais alors, si ce
n’est pas juste psychologique, ni juste physique, quel
serait le facteur, la force ou la loi à l’œuvre ? Nul ne
le sait. C’est pourquoi Robert Thouless et Benjamin
Wiesner proposent en 1942 d’utiliser la 23
e lettre de
l’alphabet grec – « psi » – pour désigner ce facteur
inconnu. Le psi, étudié par ce qui est finalement appelé
la parapsychologie, est problématique pour la
science actuelle.
Dépasser l’arrière-plan
Le présupposé de la science aujourd’hui est que le
monde n’est constitué que de matière, ou tout du
moins, que de phénomènes physiques. On parle d’une
science « matérialiste » ou « physicaliste ». Néanmoins,
il convient de ne pas oublier que cette science moderne
est née au sein d’une philosophie dualiste. C’est-à-dire
qu’aux alentours du XVII
e siècle, il était pensé que d’un
côté la science devait étudier les lois du monde physique
et que de l’autre, la religion ou la philosophie
devaient décrire le monde de l’esprit. C’est seulement
au fil du temps que la science physicaliste s’est imposée
comme modèle dominant. Alors, qu’est devenu
le versant « esprit » du système dualiste ? Le monde
académique a fait quelques concessions. Il a fallu tolérer
des champs de recherche psychologique chargés
d’étudier un « esprit » – en mal de définition, car tiraillé
entre spiritualité et rationalité. Et puis la science
a fini par réduire cet esprit à un phénomène physique,
pur et simple. On pense aujourd’hui que l’esprit ou la
conscience sont produits par l’activité neuronale. Or,
c’est tout cela que la parapsychologie remet en question.
Les évidences empiriques mettent à mal l’idée que
la conscience soit produite par le cerveau. Qui plus est,
elles mettent en doute le fait qu’il soit possible de mettre la
matière d’un côté et l’esprit de l’autre. Il conviendrait
de réexaminer les dogmes matérialiste et dualiste. Ce
n’est pas une mince affaire. «
Toute science est nécessairement
étayée par un système philosophique. Elle se doit
donc de le reconnaître, ce qu’elle ne fait pas actuellement »,
indique David Lorimer. (...)