Vous est-il arrivé de percevoir la présence d’un proche décédé ? De l’entendre, de le voir, de le sentir ? Si tel est le cas, vous avez peut-être expérimenté un contact spontané avec un défunt, à l’image de 40 à 60 % des gens, selon les chercheurs. Une enquête passionnante se penche sur ce phénomène.
C’est l’histoire d’une jeune maman, divorcée d’un conjoint alcoolique. Suite à une greffe du tympan, se déplacer dans l’obscurité l’angoisse. Or, un soir, après avoir couché les enfants, elle traverse un long couloir sans allumer la lumière... «
J’ai ressenti une présence face à moi qui m’a demandé : “Si j’avais changé, serions-nous restés ensemble ?” Et j’ai répondu “oui”. C’était comme une communication ressentie au fond de moi. J’ai tout de suite été certaine que c’était mon ex-mari. Le lendemain, à mon travail, le téléphone a sonné. Avant de décrocher, j’ai su qu’il s’agissait de la police qui appelait pour me dire que mon ex-mari était décédé. Son décès avait eu lieu 2 à 3 heures avant que je ne vive ce que vous nommez un VSCD. »
Ce témoignage vibrant fait partie des 1004 questionnaires, comportant 194 questions, complétés pour ce projet de recherche consacré à la phénoménologie et à l’impact des vécus subjectifs de contact avec un défunt (VSCD). Soit 440 questionnaires en français, 416 en anglais, 148 en espagnol. Avec une surreprésentation de participantes (85 %), ce qui témoigne vraisemblablement d’une plus grande facilité des femmes à partager ce type d’expériences sensitives et émotionnelles. Il s’agit là de la plus importante collection mondiale multilingue de VSCD spontanés, émaillée de plus de deux millions de mots pour les décrire.
Lumière sur un phénomène occulté
À l’initiative de cette investigation, la Suissesse Evelyn Elsaesser, experte des expériences liées à la mort – VSCD, expériences de mort imminente (EMI), visions au moment du trépas
(1). Depuis une dizaine d’années, cette chercheuse indépendante a plus particulièrement concentré son travail sur les vécus subjectifs de contacts spontanés avec un défunt. En 2017, elle publie son ouvrage intitulé
Quand les défunts viennent à nous : histoires vécues et entretiens avec des scientifiques (éd. Exergue).
En préparation de ce livre, elle avait lancé un appel à témoignage dans
Inexploré(2). Suite à la parution de son ouvrage, elle a reçu des centaines d’e-mails et de lettres de personnes ayant vécu ce phénomène de VSCD. «
Il ressortait clairement de cette correspondance que les récepteurs étaient infiniment reconnaissants, voire soulagés, de pouvoir enfin mettre un nom sur une expérience, parfois vécue il y a des dizaines d’années, qui les avait profondément marqués et réjouis, mais qu’ils n’arrivaient ni à partager aisément avec leur entourage ni à faire cadrer avec leur propre conception de la réalité prévalant dans les sociétés occidentales », confie-t-elle.
De là naît l’idée d’entreprendre un projet de recherche d’envergure. «
Compte tenu de la fréquence et de la nature de ces expériences, il est temps de renoncer à les appeler inhabituelles, extraordinaires ou paranormales, et de les reconnaître pour ce qu’elles sont – des expériences humaines courantes, normales et saines », fait remarquer Evelyn Elsaesser.
Grâce à une subvention accordée par une fondation, elle constitue une équipe de recherche internationale
(3). Vous trouverez les résultats détaillés de cette étude, menée de février 2018 à janvier 2020, dans
Contacts spontanés avec un défunt (voir « À lire »), mais nous allons décrypter ici quelques éléments saillants. La suite du projet est en cours. «
Nous allons élargir l’enquête, sur la base du même questionnaire à d’autres pays, pour analyser les différences ou les similarités dans le vécu de ces expériences, selon les cultures », s’enthousiasme Evelyn Elsaesser. Pour l’heure, on ne perçoit pas de différences culturelles notoires entre les questionnaires. «
Les sociétés occidentales sont à mi-chemin entre les cultures où il faut à tout prix éviter ces expériences de contact avec les défunts et celles où elles sont recherchées. Chez les Navajos ou les Jivaros, par exemple, il y a une vraie peur du retour des morts capables d’attaquer les vivants sous forme d’animal ou en rêve. Il y a des rites d’éloignement des endeuillés. À l’autre extrême, au Japon, une étude montre que 90 % des veufs ressentent la présence de leur conjoint – on cherche cette connexion, on l’encourage même », analyse le psychologue clinicien Renaud Évrard qui a collaboré aux recherches
(4).
Manifestation plurielle
Le psychiatre Christophe Fauré, qui a signé la préface de
Contacts spontanés avec un défunt, partage qu’en accompagnant des personnes en deuil, il a vu transparaître dans le récit de ses patients de curieuses expériences... On lui parlait de « signes ». «
Des signes interprétés par ces personnes comme une manifestation de leur proche disparu, mais sur lesquels elles gardaient le silence, parfois pendant des années, tant elles craignaient d’être prises pour “folles” ! D’ailleurs, nombreuses étaient celles qui, un peu gênées de parler ainsi à un psychiatre, me disaient “Docteur, je suis quelqu’un de très rationnel, mais...” et là, émergeait le récit de ce “quelque chose” de troublant, survenu après le décès de leur proche. “Quelque chose” que j’ai appris à nommer VSCD », écrit-il. Un « vécu subjectif de contact avec un défunt » se produit lorsqu’une personne, généralement en deuil, perçoit de manière inattendue un défunt par les sens de la vue, de l’ouïe, de l’odorat ou du toucher (le sens du goût n’est pas concerné).
(...)