De tout temps, les hommes se sont rassemblés afin
de demander une protection, pour eux et leur
communauté, ou encore pour tenter d’influer sur
leur sort. Aujourd’hui, face à de nouvelles menaces
collectives, que ce soit la déforestation en Amazonie,
la perspective d’effondrement imminent, ou
encore l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de
Paris, émergent sur la Toile d’innombrables élans à
méditer ensemble, y compris virtuellement. Quel
est le véritable impact de ces propositions ?
Se rassembler pour la paix
Nous sommes au début des années 1980, au coeur
du conflit israélo-libanais. Dans le plus grand secret
ont lieu d’étonnantes recherches, portant sur un petit
groupe de personnes formées à la méditation transcendantale,
avec comme objectif : « cultiver ensemble
un sentiment de paix ». Aussi incroyable que cela
puisse paraître, des études
(1) rapportent qu’au même
moment a été observée une baisse significative du
niveau de violence, du nombre d’accidents, de vols…
Cette découverte fut baptisée l’effet Maharishi, du
nom du maître indien Maharishi Mahesh Yogi qui a
mis au point cette technique de méditation spécifique
(voir encadré). Ce dernier s’était déjà distingué, à de
nombreuses reprises, par son ambition à vouloir changer
le monde. Comment ?
«
Dans les années 1960-70,
ce sage indien réputé avait déclaré que se rassembler pour
pratiquer la méditation transcendantale pouvait contribuer
à instaurer un climat de paix et agir sur la baisse de
la violence », répond Stéphane Ayrault, cofondateur de
Nataraj Sadhana Yoga School et enseignant de sagesse
védique, dans la lignée de Sri Sri Ravi Shankar.
Que se cache-t-il exactement derrière ce phénomène
? Comme stipulé dans le Programme de méditation
transcendantale, l’effet Maharishi se définirait
comme une influence d’harmonie et de progrès
s’exerçant sur un groupe social donné, lorsqu’une
fraction de la population pratique la technologie du
champ unifié de Maharishi. Ce phénomène induit
qu’il serait possible de provoquer un changement de
société vers davantage de paix, dès lors que des personnes
se rassembleraient pour la convoquer. Une
vision partagée par Gregg Braden, auteur-conférencier
dont les recherches portent sur l’alliance de la
science et de la spiritualité : «
Des études scientifiques
[effectuées dans le cadre de l’International Peace Project
in the Middle East, NDLR]
ont démontré que
si les membres d’un groupe partagent une expérience
de conscience, les effets peuvent s’étendre en dehors du
groupe et même de l’édifice où les personnes sont rassemblées.
» Par ailleurs, il a été possible de déterminer le nombre minimal de personnes requis pour que l’effet
s’amorce, soit 1 % d’une population. «
En effet, plus
il y a de gens qui participent, plus le résultat est marqué,
c’est exponentiel », notifie notre expert.
Faire méditer un nombre
suffisant de personnes pour créer
un collectif et générer un égrégore
de paix.
Un champ unifié ?
Et s’il existait un champ d’énergie reliant toutes
choses ? Selon le physicien américain John Hagelin,
professeur de physique à la Maharashi International
University, auteur d’une théorie unifiée du champ
quantique, «
la grande portée de ces expériences ne peut
s’expliquer que par l’existence d’un champ unifié de
toutes les lois de la nature ».
Des propos qui rejoignent
ceux de Gregg Braden, développant l’hypothèse
selon laquelle «
les sentiments des humains et notamment
le champ magnétique généré par le coeur quand il
éprouve certaines émotions, s’étendent au-delà de notre
corps, à tel point qu’ils sont détectables par des satellites ».
Des études à ce sujet ont été réalisées par l’Institut
HeartMath, organisme de recherche et d’éducation,
portant sur l’intelligence du coeur et les liens singuliers
entre ce dernier et le champ magnétique. Leurs
conclusions, d’après le conférencier : «
Lorsqu’un
groupe de personnes se réunirait pour créer une émotion
de calme, de paix dans leur coeur, celle-ci serait capable
d’influencer le champ magnétique qui maintient la vie
sur Terre. »
«
L’effet Maharashi peut également être corrélé à l’expérience
du centième singe », poursuit Stéphane Eyrault.
Il s’agit de recherches menées par une équipe de
scientifiques au Japon sur le macaque Fuscata. Leurs
observations portaient sur l’étrange propagation
d’une habitude innovante, à savoir laver une pomme
de terre dans l’eau, à des colonies entières de singes
sur d’autres îles, et ce de façon inexpliquée et simultanée.
Ils ont établi que le point de bascule avait eu
lieu dès lors qu’un énième singe de l’île avait adopté
cette pratique : soit le centième. Les scientifiques ont
ainsi émis l’hypothèse selon laquelle chaque espèce
serait reliée à une grille de conscience et un réseau
spécifique ; dès lors que l’un d’eux initierait un comportement
pour mieux s’adapter à l’environnement,
qui serait repris par l’ensemble, un nombre suffisant
d’individus touchés permettrait l’adoption d’un nouveau
rite collectif. Un principe qui vaut également
pour l’espèce humaine. «
Nous ferions partie du même
champ », commente Stéphane Ayrault. Un champ de
conscience unifiée, avec son potentiel de possibilités,
auquel chaque espèce aurait accès. Une hypothèse qui
rejoint le pressentiment du sage indien Maharishi,
poursuivant son but de faire méditer un nombre suffisant
de personnes pour créer un collectif et générer
un égrégore de paix se manifestant dans le réel.
Des sagesses ancestrales à la Toile
Si la science a commencé à l’étudier récemment, en
réalité, cette pratique date de la nuit des temps. «
Les
chamanes mayas, les Celtes, les Égyptiens, les chrétiens,
toutes les grandes traditions connaissent ce principe,
rendu hermétique en usant de métaphores », soulève
Stéphane Ayrault.
L’une des paraboles illustrant
l’effet Maharishi pourrait être celle du pouvoir du
grain de sénevé, auquel fait référence Gregg Braden
pour étayer sa réflexion, citant Jésus : «
Je vous le dis
en vérité, si vous avez la foi comme un grain de sénevé,
vous direz à cette montagne : “Déplace-toi d’ici à là” et
elle se déplacera et rien ne vous sera impossible. » Selon
notre expert, cette parabole vieille de deux mille ans
nous enseigne que la foi dont parle le Christ est bien
davantage que de simples mots : «
C’est un langage
puissant par lequel choisir une certaine réalité parmi les
possibilités infinies qui existent. » Autrement dit, notre
foi n’est rien de moins que l’énergie qui projette cette
possibilité dans notre réalité.
On reconnaît aujourd’hui «
la coexistence de plusieurs
réalités à l’intérieur d’une soupe cosmique de possibilités »,
comme la nomme Gregg Braden, ce qui donne à cette
métaphore ancestrale une saveur toute contemporaine.
Comme en témoigne la propension actuelle à
se regrouper autour d’intentions collectives pour parer
aux catastrophes en cours ou à venir. À un détail près,
la Toile y joue un rôle actif, nous invitant à une nouvelle
expérience : créer un groupe virtuel, cette fois. Une
récente initiative appelée « Pour l’éclosion du coeur
de l’Humanité », lancée par une
sangha de tradition
védique, a cumulé les deux options : se rassembler dans
une salle et se connecter virtuellement. Le principe en
est simple : «
Il s’agit de réciter le Gayatri mantra, un
des mantras les plus puissants du védisme ancien, durant
quatre heures sans discontinuer, à une fréquence d’un
dimanche sur deux », explique Marc-Vasistha Signorini,
enseignant de hatha yoga et de pratiques du bouddhisme
tibétain, cofondateur de ce projet. La proposition
rassemble 150 personnes, connectées à distance.
Le but énoncé est de créer une énergie de paix, «
pour
renforcer cette “grande onde terrestre” et ainsi aider l’humanité
».
Ainsi, nous serions tous interreliés ! «
N’est-ce pas déjà
ce dont nous informent les nouvelles technologies, à savoir
la téléphonie et Internet ? », soulève Stéphane Ayrault :
«
Plus nous serons nombreux et réguliers, plus nous
aurons la possibilité que la conscience collective bascule
dans un champ de sagesse, comme en témoigne la théorie
du centième singe… » <
Qui était Maharishi Mahesh Yogi ?
À l’origine, un grand sage indien, Adi Shankaracharya, qui a vécu au VIIIe siècle, s’est donné pour mission de rénover la connaissance des védas, en Inde. Il en a restructuré la connaissance, la pratique, commenté les grands textes, et pour en assurer une large diffusion et maintenir en vie la tradition védique, a placé quatre de ses principaux disciples aux quatre coins de l’Inde. En 1953, avant de décéder, Swami Brahmananda Saraswati, qui était le shankaracharya de l’Inde du Nord, a incité son disciple que nous connaîtrons sous le nom de Maharishi Mahesh Yogi à diffuser l’enseignement de la méditation et à transmettre la sagesse védique en Occident. Maharishi s’est illustré plus particulièrement avec la méditation transcendantale (MT), qui repose sur la science des mantras, dont il est le fondateur.
Le principe de cette méditation est de déposer une graine, l’intention, à savoir un mantra dans la conscience, qui est appelée à éclore et à devenir un arbre, la manifestation, grâce à l’attention qu’on lui porte. Il connaîtra un succès phénoménal et ses méditations attireront les foules. On l’appelle le « gourou des Beatles », ceux-ci étant allés dans son ashram. Leur chanson In Accross the Universe reprend le fameux mantra que l’on retrouve au sein du mouvement de la MT : Jai guru deva om. Mais ce n’est qu’anecdotique comparé à toute la connaissance védique que Maharishi a apportée à l’Occident.
(1) En 1988, David Orme-Johnson publie dans le Journal
Conflict Resolution, un article démontrant les effets provoqués
par la pratique de groupe de la méditation transcendantale.