New York ne se résume pas à la statue de la Liberté ! Dans cette cité-monde, prodigieux chaudron magique de cultures et de croyances, les lieux insolites et adresses occultes révèlent un autre visage de la « ville qui ne dort jamais ». Alors, traquer l’éveil au détour des rues…
New York à rebours. À l’été, préférer l’austérité de l’hiver pour mieux découvrir l’envers du décor. Un ballet d’ombre et de lumière qui sied au mystère. Celui qui coule dans les veines de cette ville, que l’on croit souvent connaître avant même de l’avoir visitée, tant elle s’affiche en clichés éculés. Et pourtant… Derrière l’exubérance de cette cité électrique, cosmopolite et si touristique se cache un New York secret qui ne se dévoile pas au premier regard.
Tout à la fois thriller ésotérique, conte initiatique, creuset alchimique, crypte mystique, cette Babylone des temps modernes est un mythe en soi. Un dédale occulte où tant d’êtres humains des quatre coins de la planète, l’espoir en bandoulière ou les fers aux pieds, selon qu’ils étaient colons ou esclaves, ont accompli leur destin. Pour le meilleur et pour le pire. Dans leurs bagages, croyances, traditions et rituels de leurs pays d’origine participent du roman new-yorkais et tissent la trame d’une insondable intrigue. Cela laisse forcément des traces et des pépites sous le vernis flamboyant de la Grosse Pomme, comme on la surnomme… «
New York était un espace inépuisable, un labyrinthe de pas infinis », écrivait Paul Auster qui, dans ses livres, nous a tant fait aimer sa ville. Aussi se perdre pour que la magie opère…
Une âme amérindienne
Au nord-ouest de l’île de Manhattan, Inwood Hill Park, blotti sous la neige en cet épisode hivernal, abrite la dernière forêt naturelle de New York, rappelant qu’avant cet enchevêtrement de gratte-ciel s’étendait ici une nature sauvage. «
C’est notre terre. Elle renferme l’esprit de nos ancêtres, nos histoires », clame Joe Baker, descendant des Lenape, le peuple autochtone qui habitait la région avant l’arrivée des colons européens. Spoliés de leur territoire par les Néerlandais au XVII
e siècle, les Lenape, aussi appelés Delaware, ont quitté la région, et les traces de leur passé ont été effacées. Cofondateur du Lenape Center de New York, Joe Baker se bat pour rétablir la mémoire et la voix des siens dans le récit dont elles sont bannies. Trop souvent encore, on pense que la ville s’est bâtie sur une page vierge, au fil des migrations. Mais si l’on veut saisir l’âme de New York et ses mystères, il faut aussi tenir compte du souffle de l’Esprit amérindien qui plane le long de l’Hudson River et dans les rues de Manhattan… «
Rien ne saurait étonner un Américain », prophétisait Jules Verne, dans
De la Terre à la Lune. Le surnaturel, ici, est donc naturel. Sans aller jusqu’à la Lune, ouvrons-nous à un univers singulier. Ce n’est là qu’un minuscule échantillon, car New York, ville de tous les possibles, est elle-même une gigantesque énigme.
New York était un espace inépuisable, un labyrinthe de pas infinis.
Secrets éternels
Ne dit-on pas « emporter son secret dans la tombe » ? Jamais en panne d’idées quand il s’agit de jouer de l’ironie et du sacré pour déjouer la mort, l’artiste Sophie Calle a pris cette expression au pied de la lettre. Pour éviter les regrets éternels, elle nous donne rendez-vous au Green-Wood Cemetery de Brooklyn (non loin de Prospect Park), afin d’y délester nos cœurs de leurs plus (in)avouables secrets. Bucolique à souhait, ce cimetière créé au XIX
e siècle dans le pur style anglais abrite près de 600 000 tombes, dont l’ultime demeure de nombreuses célébrités. Jean-Michel Basquiat et Leonard Bernstein, pour ne citer qu’eux, y côtoient d’éminents membres de la mafia, reflet de cette ville éclectique. Il se murmure que ce haut lieu spirituel, si densément peuplé d’âmes, serait hanté… à tout le moins est-il propice au recueillement. Cette atmosphère singulière a donc inspiré la géniale Sophie Calle qui y a installé, en 2017, une œuvre participative, prévue pour durer vingt-cinq ans. Cet obélisque de marbre, monument funéraire creux pourvu d’une fente à la base et gravé du titre de l’œuvre
Here Lie the Secrets of the Visitors of Green-Wood Cemetery, recueille nos secrets couchés sur papier. Confidences à terme transmutées par le feu, lors de rituels du souvenir en présence de l’artiste. Vertige au moment de dire adieu à mes secrets, glissés dans ce creuset de confessions… À voir l’émotion des autres visiteurs, je ne suis pas la seule. Parfait pour partir en paix… de New York et de cette existence !
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