Prague est une ville de légendes et de contes dont les monuments et bâtisses invitent à la rêverie : ponts innombrables, jardins, tours, églises, chapelles, château, cathédrale… La vieille ville conservée invite à voyager dans le temps, lorsque les maisons n’étaient pas numérotées et que les enseignes les distinguaient : renard, licorne, lion rouge… Est-ce parce qu’elle était un carrefour européen, une ville marchande, que les croyances multiples s’y côtoient, les cultures païenne, chrétienne, juive, celte, slave, germaine y ayant apporté leur lot de mythes ?

Les empereurs mystiques qui l’ont gouvernée ont également joué leur rôle : Charles IV (1316-1378) a agrandi la ville selon les lois astronomiques. Rodolphe II (1576-1612), féru de sciences occultes, kabbaliste et alchimiste, a développé le quartier des alchimistes en leur offrant maison et revenus. On dit que c’est là que le D^r Faust contracta son pacte avec le diable et que c’est avec l’argile de la rivière Vltava qui traverse la ville que le kabbaliste Rabbi Loew a façonné le golem. Plus récemment, le fantôme Perak aurait mené la vie dure aux troupes allemandes pendant l’Occupation…

Patrick Burensteinas, le célèbre alchimiste français, nous invite, si nous le souhaitons, à faire un double voyage : le voyage « matériel » qui consiste à suivre les symboles, décrypter les messages au long de notre visite de Prague ; le voyage « spirituel » qui est d’accueillir l’effet que produit en nous le parcours de ce chemin et de s’imprégner des signes. « À chaque fois que l’on va être perdu, il suffira de chercher les symboles pour se retrouver », explique-t-il. Ceci étant à prendre au sens pratique comme au sens spirituel. Dans la « capitale de l’alchimie », comme il la nomme, les signes sont pratiquement à tous les coins de rue. Par exemple, au numéro 171 de la rue Nerudova se trouve une bâtisse dénommée « la maison aux étoiles d’or », qui est une parfaite construction à messages.

Elle est divisée verticalement en trois parties, et construite sur trois étages (3 x 3 = 9, chiffre de l’aboutissement), ce qui symbolise les trois passages du chemin alchimique (les trois œuvres : noire, rouge, blanche). Elle est recouverte d’un dôme en delta (10 = la lumière) qui représente le divin. Une étoile à huit branches est peinte sur l’un des murs, c’est le message des dieux. Juste devant, dans la rue, se tient une sculpture d’ange, dont la main droite (l’action) pointe le doigt et la main gauche (la réflexion) porte trois lys.

Ces fleurs messagères sont à trois degrés de maturation, ce qui induit les trois stades ou passages de l’œuvre. Portée par l’ensemble de ses mythes et sortilèges, la ville de Prague peut sans doute nous permettre de faire un voyage de rêve, autant par nos découvertes que par notre cheminement intérieur.