Issus du plus grand massif granitique d’Europe, les rochers du Sidobre, aux formes étranges, semblent défier la gravité. En nous reliant avec l’Histoire, ils inspirent de belles légendes et incitent au voyage intérieur.
C’est au sud du Massif central, dans le département du Tarn, au cœur du parc naturel régional du Haut-Languedoc, que le Sidobre se déploie. Plus grand massif granitique d’Europe, il est aussi le premier site français d’exploitation de granit. Brut, flammé ou poli, on le retrouve sur les plus prestigieux chantiers du monde, ainsi que dans les cimetières. Le Sidobre (
seto-briga : le mont allongé en occitan) est également un haut lieu énergétique qui se situe sur l’ancien chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Étonnantes, ses énormes roches disposées çà et là au milieu de 5 000 hectares de forêts dominées par les hêtres, les résineux et les grands chênes forment un ensemble insolite, leur conférant force et mystère. Émanant d’un seul et même bloc de 102 kilomètres carrés, comparables à un cube de dix kilomètres de côté, elles ont été par l’érosion pendant plus de 300 millions d’années.
Composées de mica, de feldspath et de quartz, ces pierres se mêlent harmonieusement à l’eau et au bois alentour.
« Cette masse rocheuse, très riche en quartz, constitue un gigantesque capteur qui va puiser les énergies telluriques très profondément dans le sous-sol, précise Philippe Andréoli, géobiologue.
Ainsi, il a offert à nos ancêtres un outil mégalithique de premier ordre, utilisable pour la thérapie ou de nombreux rituels. » Le Sidobre étant situé sur le méridien de Paris (le méridien 0, considéré comme sacré), le géobiologue se réfère par ailleurs à la géographie sacrée :
« Sa configuration tellurique favorise pleinement les échanges entre la terre et le ciel, ce qui permet à l’homme de se resituer sur son plan multidimensionnel. »
S’érigeant parfois tels de véritables menhirs ou dolmens naturels, ces pierres de granit ont probablement eu des fonctions religieuses. On raconte que, lors des guerres de religion aux XVII
e et XVIII
e siècles, les protestants avaient pour point de ralliement le Roc de l’Oie. Il est vrai qu’on n’est pas loin du village de Ferrières, important lieu de mémoire du protestantisme, qui abrite en témoignage un intéressant musée. Sur place, Philippe Andréoli propose de visiter les lieux à la manière d’un parcours initiatique, afin de ranimer en nous les quatre éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu
(1).
« L’énergie offerte par chacun de ces rochers serait à même d’agir sur notre psyché dans le cadre de notre transformation alchimique », explique-t-il. Première étape de ce parcours : la grotte Saint-Dominique, traversée par le cours d’eau du Lézert. La légende rapporte qu’elle aurait servi de refuge à saint Dominique pendant la croisade contre les Albigeois, à l’époque de l’Inquisition. Ici, dans la pénombre de ses trois grandes salles, on ressent l’action des profondeurs de la terre et de l’eau. Un endroit idéal pour prier, face à une grande pierre qui pourrait ressembler à un autel. Deuxième étape : la pierre plate de l’escargot. Si l’on s’allonge dessus, elle nous met en relation avec l’air, donc avec le domaine de l’esprit.
Le Sidobre est situé sur le méridien de Paris, le méridien 0, considéré comme sacré.
Troisième étape : le fauteuil du diable. Avec une vue imprenable sur les monts de Lacaune, c’est assis dans ce fauteuil que la transformation alchimique peut avoir lieu, en se mettant en relation avec le feu. Tous ces rochers ont été inventoriés et nommés au XX
e siècle par Raymond Nauzières, écrivain de langue d’oc. Leurs silhouettes invitent au voyage intérieur, mais inspirent aussi les plus beaux contes. Certains blocs ont pris des formes fantastiques, comme la Peyro Clabado, une roche de 780 tonnes posée sur un socle d’un mètre cube ! Jetez une pierre ; si elle reste posée dessus, un vœu sera exaucé. C’est du moins ce que prétend la légende. Sans oublier les Trois fromages, le Chapeau du curé, le Champignon, le Sourire, l’Éléphant… en passant par les rochers du lac du Merle, lieu magique par excellence, surtout quand ses nénuphars sont en fleur. Les cascades fascinent tout autant, à l’image de celle du Saut de la Truite, haute de 25 mètres. La légende veut que jadis, un sorcier vécût là en ermite. Il tomba amoureux d’une truite. Mais quand vint la saison des amours, la truite, fidèle à l’instinct de son espèce, quitta le sorcier. Furieux, il lui jeta un sort et la transforma en bloc de granit alors qu’elle bondissait par-dessus la cascade.
Autre curiosité : les Rochers tremblants, soit une centaine de rochers éparpillés, en équilibre les uns sur les autres. Le plus volumineux d’entre eux, d’environ 900 tonnes, est celui des Sept Faux, que certains s’amusent à faire bouger avec un levier en bois, et ce, depuis le XIX
e siècle !
(1)
Les origines de la tradition, Philippe Andréoli, éd. Philippe Andréoli, 2017.