La fin de vie et la préparation à la mort diffèrent d’une société à
l’autre. En Occident, les soins palliatifs sont souvent le dernier lieu
d’accompagnement. Si la mort est un passage, il est important
qu’il soit aussi conscientisé par l’entourage de celui qui s’en va.
Fin de vie
ARTEM GONCHAROV
« Tout est vie que je vive ou que je meure » , écrivait
l’auteure Christiane Singer avant de s’éteindre en
2007, dans Derniers fragments d’un long voyage (1).
Animée par la grâce et l’amour, malgré la maladie,
elle ira jusqu’à s’écrier : « Je grandis. Je sens intensément
cette croissance en moi » , nous invitant à voir
la mort comme un accroissement spirituel.
Quelles que soient nos destinées, la vie se présente
comme une succession initiatique de morts et de
renaissances, à travers un changement d’emploi, de
ville, une séparation, la retraite, etc., tout comme l’apprentissage
de l’amour, nous dit la psychiatre Elisabeth
Kübler-Ross, pionnière dans l’approche des soins palliatifs
pour les personnes en fin de vie. Aussi la mort
est-elle l’ultime étape de la vie physique du corps, qui
implique de connaître les règles de la métamorphose et
de la vivre, nous dit-elle dans La mort, la dernière étape
de la croissance (Éd. du Rocher, 1985). « Nous sommes
tous des chrysalides ; au moment de mourir, notre cocon
s’ouvre et nous devenons papillons. » Or si les enfants
font preuve de ressources intérieures étonnantes face
à la mort, les adultes doivent passer par un travail sur
eux-mêmes, plus ardu et douloureux, pour parvenir à
« achever le business inaccompli » . Ils doivent se préparer
« à risquer l’inconnu, à s’aventurer en territoire étranger,
pour entreprendre la quête de [leur] propre soi, but ultime
de la croissance » . Car, pour elle, il y a une « vie après
la vie » ; « la mort n’est qu’un passage dans une autre
forme d’une autre vie sur une autre fréquence » , écrit-elle
dans La mort est un nouveau soleil (2). Et si mourir
reste toujours difficile, suscitant « le déni, la révolte, le
marchandage, la dépression et l’acceptation » – les cinq
phases de la fin de vie du mourant selon Kübler-Ross
–, cela peut aussi être « une expérience unique, belle,
libératrice, que l’on vit sans peur ni détresse » . Que se
passe-t-il donc au moment où la personne s’éteint ?
Le vortex du mourant
« Le mourant se met dans une sorte de bulle, les énergies
se modifient et toute personne qui approche va pénétrer
dans cette bulle » , d’où l’importance de le prévenir
de ce que l’on fait, explique Christelle Dubois, soignante
et médium, révélée par Stéphane Allix dans
son ouvrage Le test. Certains préfèrent mourir seuls,
soit pour vivre cette épreuve dans l’intimité, soit
pour en protéger leurs proches.
En général, lorsque
le moment approche, un apaisement total apparaît,
quelles qu’aient pu être les peurs ou les craintes.
« Les énergies célestes se mêlent aux énergies terrestres » ,
créant un changement de vibration dans la pièce.
« Une sorte de vortex s’ouvre » , dans lequel circulent
des parents disparus et des esprits, qui attendent le
futur mourant dans le monde céleste. Pour rendre
compte de ce qu’elle observe, Christelle Dubois parle
de « continuité de l’âme » . L’âme quitte le corps pour
poursuivre son voyage dans une autre dimension.
Aussi n’est-il pas rare que la mort soit précédée, chez
les mourants, de visions de proches décédés ou d’entités
religieuses, comme le souligne Evelyn Elsaesser,
cofondatrice du comité de direction de Swiss-IANDS
(International Association for Near-Death Studies).
Rarement révélées, ces visions entrent dans le concept
de « conscience accrue à l’approche de la mort » , forgé par
les infirmières Maggie Callanan et Patricia Kelley. Leur
rôle : assurer le besoin de réconciliation des individus
dans leurs relations, les aider à se libérer de leur peur,
à conscientiser et à accepter leur mort. Car « cette certitude
les saisit environ dans les dernières soixante-douze
heures. Ils semblent disposer d’une certaine marge pour
contrôler le déroulement du processus de mourir, par
exemple en attendant un proche qui arrive de l’étranger
(…) [ou] en choisissant de partir au moment où les
proches viennent de quitter la chambre d’hôpital pour un
court instant » , souligne-t-elle dans Quand les défunts
viennent à nous (Éd. Exergue, 2017).
Les soins palliatifs
Grâce à la diffusion de plus en plus fréquente de ces
témoignages, le regard que les hommes et les institutions
portent sur la mort évolue. Elle se laisse entrevoir
comme une dernière étape de conscientisation
d’un autre niveau de réalité, bousculant petit à petit
l’accompagnement des personnes en fin de vie.
Si les sociétés traditionnelles accomplissent des cérémonies
et des rituels bien précis lors du passage de
la vie à la mort, associés à des prières et des chants,
la société moderne occidentale, désacralisée, tente
comme elle peut d’accompagner ce moment. Avec
ou sans représentant religieux selon les croyances de
la personne, elle tient compte de deux facteurs actuels
majeurs : la mort à l’hôpital ou en maison de retraite
et la professionnalisation de tous les aspects du quotidien.
Audrey Fella est historienne, essayiste et journaliste, spécialisée dans le fait religieux. Elle collabore régulièrement avec Le Monde des Religions, La Vie, Inexploré, Question de, etc. Diplômée de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes en sciences religieuses, elle a dirigé et coécrit Les Femmes mystiques. Histoire et dictionnaire (Robert Laffont, coll. Bouquins, 2013). Elle est également l’auteur de Hildegarde de Bingen. Corps et âme en Dieu (Points, 2015) et Femmes en quête d’absolu. Anthologie ...
À
retrouver
dans
Inexploré n°40
Au-delà : si la mort n'est pas la fin...
L'ensemble des phénomènes étranges liés à l’étude de la conscience : expériences de mort imminente, sorties hors
du corps, médiumnité... semblent indiquer la survivance de
l’esprit ou d’une forme de mémoire. Mais avons-nous pris la mesure de
ce que soulève vraiment cette perspective, sur notre psyché, notre société ?
Si la mort n’est pas la fin, comment repenser le chemin du deuil, l’épreuve
la plus sensible et difficile qui soit ? Vers quelles contrées allons nous au moment du départ ? Si la mort n’est pas la fin, peut-être a-t-elle
alors un sens ?
Face à ces questions vertigineuses, la rédaction vous livre dans ce dossier
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