Initier le dialogue autour de la mort

Ici, dans les couloirs, derrière chaque porte, la mort rôde. Pourtant, dans le service d’oncologie médicale et de soins palliatifs de l’hôpital de la Timone, à Marseille, subsiste un souffle d’espoir, un souffle de vie. Et d’après-vie. Ici, la mort, on essaie de la regarder autrement : ne plus la concevoir comme une fin en soi, mais l’envisager comme un passage. L’apprivoiser petit à petit pour ne plus la craindre. Ne plus angoisser. Et vivre plus sereinement la maladie. Dans les chambres, il arrive bien souvent qu’on raconte aux patients des histoires extraordinaires d’expériences de mort imminente (EMI), vécues par plusieurs dizaines de millions de personnes à travers le monde.

Une thérapie à l’angoisse qui semble être efficace. « Nous avons été amenés à constater que l’évocation de ces expériences s’avérait bénéfique pour nos patients », assure Éric Dudoit, docteur en psychologie clinique et psychothérapeute, responsable de l’unité de psycho-oncologie et de soins palliatifs au CHU de la Timone et fondateur de cette unité de soins et de recherche sur l’esprit. « Il ne s’agit pas, ajoute-t-il, de leur raconter des fables pour alléger leurs souffrances ni de leur demander de croire à tout prix en ces récits, mais simplement de les amener à se laisser toucher par ces témoignages. Les EMI peuvent ouvrir d’autres perspectives sur la conception de la conscience et proposer de poser un autre regard sur la mort. Mais ne nous méprenons pas, notre démarche reste avant tout basée sur un accompagnement spirituel laïque. Et, si un patient ne veut pas entendre parler d’EMI, nous n’en parlons pas. Nous adaptons notre discours en fonction de son ouverture d’esprit, de sa demande et de ses questionnements. » Cette unité de soins spirituels a été fondée en 2005 par ce psy pas tout à fait comme les autres pour répondre, dit-il, « à une demande croissante de spiritualité de la part des patients confrontés à la maladie et à la mort, face à laquelle médecins, infirmiers et aides-soignants se disaient démunis ». Au départ très théorique et didactique, avec des conférences sur la conscience, et des discours fleuves entre universitaires et membres du corps médical, cette démarche a évolué, il y a deux ans, vers un travail concret, sur le terrain, « au pied du lit des patients ».

Dans cette unité si particulière, Éric Dudoit, passionné de théologie et de philosophie, « propose aux patients de faire un chemin à la découverte de leur intériorité », avec la complicité d’Éliane Lheureux, sophrologue et praticienne en massage bien-être. Ici, on apaise les esprits avec des citations de Maître Eckhart, de Jean de la Croix ou de Krishnamurti, des extraits des Évangiles de Jean, du Bardo Thödol ou de contes soufis, et des romans initiatiques, comme Le Chevalier à l’armure rouillée, Jade et les sacrés mystères de la vie ou Jonathan Livingston le goéland. On régénère également les têtes et les corps amoindris par des massages énergétiques, des exercices de respiration, de méditation, de visualisation et de sophrologie. « J’enseigne aux patients des techniques de relaxation pour éviter que ces tensions mentales n’aient prise sur le corps, explique Éliane Lheureux. Je les invite à déplacer leur conscience en diverses parties de leur corps. L’idée est d’amener ces personnes à un état de calme intérieur, et à faire elles-mêmes l’expérience d’états modifiés de conscience. J’ai pu constater, en sept années de pratique, que ces techniques pouvaient réduire les syndromes anxiodépressifs. Et permettaient même de retrouver une certaine sérénité. »


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