Dans certaines cultures, la ménopause est un passage béni, attendu par les femmes comme une joie ! Pour nous, en Occident, elle est plutôt redoutée, accompagnée d’images sombres comme la fatalité de symptômes physiques très dérangeants, d’humeurs qui déstabilisent au point de se sentir perdre le contrôle de ses émotions, ou encore associée à une forme d’obsolescence qui met à mal le désir et « la place » de la femme. De là à dire qu’il existe un conditionnement psychologique de la société créant une hostilité de la femme à l’égard de son propre corps, il n’y a qu’un pas. Des études ont démontré que dans les cultures où la ménopause est accueillie comme une belle transition, les femmes n’avaient quasiment pas de symptômes physiques. En japonais, le mot « ménopause » n’existe même pas ! Chez nous, la plupart des femmes prennent des hormones de synthèse pour passer le cap, tant ce phénomène est considéré comme « pathologique ».
Nous ne pouvons nier l’existence d’un tabou autour des règles, d’une habitude de les associer à de nombreux symptômes. Cela engendre une méconnaissance de la part des femmes, souvent impuissantes à trouver un soulagement. Paradoxalement, l’arrêt des règles n’est pas non plus bien vécu. Bien sûr, les femmes n’ont pas forcément une place plus enviable dans d’autres cultures où elles peuvent même être exclues, lors de leurs menstruations entre autres. Il est temps ici aussi de se réapproprier son chemin de vie avec son corps, de faire face à des symptômes éventuels avec conscience et naturel, et de s’ouvrir aux champs multiples d’une énergie retrouvée au service d’une vie qui s’agrandit et, pourquoi pas, qui se spiritualise.
Dans certaines cultures, la ménopause est un passage béni, attendu par les femmes comme une joie !
Le phénomène naturel
Pour comprendre la fausse image d’un naufrage psychologique et physique annoncé, tentons déjà d’aborder ce qui se passe dans le corps de la femme passé quarante ans. Les ovules qui ont été sélectionnés jusqu’à présent lors des ovulations commencent à diminuer en qualité et en quantité. De ce fait, la production hormonale d’œstrogène assurée par les ovaires devient irrégulière ; cette période appelée préménopause peut durer quelques mois à quelques années, et de premiers symptômes comme un cycle irrégulier ou des flux excessifs peuvent apparaître. Ensuite, c’est la progestérone qui chute, entraînant d’autres symptômes éventuels (encore une fois pas chez tout le monde) comme les bouffées de chaleur, la sécheresse de la peau et des muqueuses, les troubles de l’humeur, des douleurs mammaires. Après quarante-cinq ans, tout ceci s’accélère et la femme entre en périménopause. Le taux des hormones chute de plus en plus, les règles s’espacent, les symptômes peuvent s’accentuer.
Lorsque les menstruations s’arrêtent plus d’un an, on parle de ménopause, et cela survient à un âge variable d’une femme à l’autre. Notons qu’il s’agit d’un processus qui prend du temps, souvent plusieurs années, ce qui laisse à la femme l’opportunité de s’adapter, de compenser les déséquilibres et de prendre conscience de ce qui se passe. Mais surtout, de s’approprier le phénomène et d’adapter les réponses à son propre cas. La réponse allopathique reste « générale », alors que nous avons toutes des corps, des histoires sexuelles, des maternités et des modes de vie différents. L’approche naturopathique est holistique et prend en considération ces différences en proposant des parcours personnalisés, car la prise d’hormones de synthèse pour pallier les déficits naturels reste aujourd’hui encore sujette à controverse.
Un rendez-vous avec son corps
Si jusqu’à présent, la femme a pu vivre sans trop se préoccuper de sa santé, l’arrivée de la préménopause et la « menace » de symptômes auront tendance à la rappeler à l’ordre. En particulier, la prise de poids qui est la principale phobie de nombreuses femmes, ce qui va les pousser à surveiller leur alimentation et à faire du sport plus régulièrement. Le moindre écart peut se faire ressentir, que cela soit le sucre, les graisses, l’alcool... bizarrement, il semble que le corps n’élimine plus aussi bien qu’avant ! Les œstrogènes manquant, le drainage du corps peut ralentir. C’est aussi le moment de lutter contre une trop grande sédentarité ; en effet, beaucoup de métiers amènent les femmes à rester longtemps statiques derrière leur ordinateur, et les douleurs musculaires et articulaires qui apparaissent à la ménopause vont les inciter à bouger davantage et à maintenir une musculature de base.
Enfin, le stress est accentué par les sautes d’humeur et la sensibilité accrues, c’est aussi le moment de faire le point sur ses émotions et sur ses options pour gérer l’anxiété avec de nombreuses méthodes relaxantes. «
Bien que la périménopause puisse bousculer, voire être violente, cet état inconfortable n’est que passager. Il serait dû à une hypersensibilité aux variations hormonales et peut être réduit par les plantes, le temps que le corps et les tissus retrouvent leur équilibre dans un nouveau climat hormonal », explique la docteure Aude Maillard (voir encadré). En somme, ce phénomène tout ce qu’il y a de plus naturel et qui réserve bien des surprises invite à prendre soin de soi, à composer avec son corps et à le chouchouter. Finalement vont en découler de très bonnes habitudes de longévité allant aussi de pair avec la préservation du corps qui se produit avec l’arrêt des règles.
Symptômes éventuels
Voici un petit tableau récapitulatif de certains symptômes qui peuvent apparaître lors de la période préménopause à ménopause, et des exemples de soutien, notamment grâce aux huiles essentielles.
Attention : pour le détail des synergies d’huiles essentielles et des quantités à appliquer, se reporter au livre Femme essentielle (éd. Tana) d’Aude Maillard, docteure en pharmacie et aromathérapeute scientifique et médicale, ouvrage très complet pour accompagner les femmes tout au long de leur vie.
Une réponse énergétique
Au carrefour du corps et du mental se trouve tout ce qui est énergétique. Ici comme dans bien des domaines, les connaissances venues d’Orient peuvent apporter non seulement des éclaircissements, mais aussi proposer des solutions pour nous accompagner. Par exemple, dans la philosophie taoïste, l’énergie du corps s’équilibre dans la matière lorsqu’eau et feu sont correctement reliés. La symbiose énergétique entre la chaleur et les liquides du corps qui génèrent le
qi – l’énergie vitale – et l’axe immatériel de notre être, qui a tendance à s’évader, sont conscientisés dans le corps. «
À la ménopause, cette synergie va s’interrompre et doit se réajuster parce que d’un coup il y va y avoir un petit vide de matière au niveau hormonal, donc le feu va s’emballer et s’enfuir. Il y a juste à maintenir cette connexion, c’est-à-dire veiller à nourrir les liquides pour les maintenir en mouvement et faire en sorte que l’énergie, la conscience soient bien reliées avec la matière, pour maintenir la synergie d’unité dans l’organisme », enseigne Aisha Sieburth, pratiquante de tao et formatrice.
Ainsi, des exercices sont proposés pour faire « descendre » l’esprit dans la matière afin que la conscience nourrisse toutes les fonctions du corps. Mais surtout, la thérapeute insiste sur la bonne compréhension du mécanisme qui se joue. «
À un moment, notre corps va se dire, plutôt que de perdre mon énergie tous les mois à travers l’ovulation et les règles, au service de la création d’une vie, je vais garder cette énergie et la mettre au service de la régénération des os, des glandes, des organes. C’est bon signe que le corps commence à se mettre en mode épargne. D’un coup, on se trouve avec beaucoup trop d’énergie et cela crée aussi des symptômes. » Sans conscience, le surplus d’énergie n’est pas canalisé, il ne sait pas où aller, alors il monte... bouffées de chaleur, insomnie, émotions, fébrilité... «
C’est une énergie qui commence à flotter, on appelle cela “un feu flottant”, du coup elle est partout sauf là où on en a le plus besoin, c’est-à-dire dans le corps, dans les reins, dans le moteur... qui génère la vitalité », précise l’enseignante.
Ainsi, en faisant des exercices de tao (voir encadré) ou bien un yoga des hormones, ces pratiques qui rééquilibrent les énergies à l’intérieur et relient le corps et l’esprit, on va retrouver un ancrage et une circulation qui peuvent faire disparaître les symptômes. «
Avec la ménopause, je me sentais fatiguée, en manque de vitalité. J’ai compris qu’en prenant conscience de mon “chaudron” à l’intérieur de moi, je pouvais harmoniser mes énergies yin et yang et me régénérer de façon autonome. Les pratiques de l’alchimie interne taoïste, comme la respiration dans mes reins, m’ont fait sentir plus d’ancrage, d’équilibre, de circulation en profondeur. Par la pratique du sourire intérieur, j’expérimente que là où je pose ma pensée va l’énergie et qu’un sourire rend cette connexion plus forte. Ainsi, je peux recentrer mon énergie et me sentir plus équilibrée, sans les symptômes d’avant : adieu migraines, insomnies, digestion lente, fuites urinaires, bouffées de chaleur... », témoigne Pascaline.
Au carrefour du corps et du mental se trouve tout ce qui est énergétique.
Un rendez-vous avec soi
Si le corps se manifeste pour nous inviter à plus de réajustements et de vigilance, il en va de même pour l’esprit. On peut être tenté de mettre sur le compte des hormones tous les chamboulements émotionnels qui remontent à la période de ménopause, mais on peut aussi les voir comme une occasion de mise au point. De nombreuses femmes changent de vie à ce moment-là. Les enfants ont grandi, on regarde son conjoint d’un autre œil, on remet en question son travail si on ne l’a pas fait avant... «
En Occident, la ménopause est associée à une dégradation, une dégénérescence, une perte de vitalité, alors qu’on est tout simplement en train de vivre notre nature cyclique et il faut accepter les cycles de la vie. C’est aussi l’âge d’or de la femme qui va se libérer. C’est un peu comme si on n’acceptait pas que quelque chose se termine. Donc, c’est aussi vivre les cycles de la Terre, de la vie, de la Lune, du Soleil dans son corps. C’est une évolution, une connexion à l’acceptation, le moment de travailler l’ouverture du cœur, la sagesse, le calme, la concentration... », raconte Johanna Dermi, naturopathe et thérapeute.
C’est aussi le moment du tri intérieur. Il faut avouer que la chute hormonale peut provoquer de la déprime, mais elle ne dure pas et on peut se faire accompagner. C’est un moment de transformation et «
on ne peut pas entrer dans une nouvelle maison si on transporte encore ses vieilles colères, ses vieilles rancunes... S’il n’y a pas eu de thérapie de faite, il faut mettre en place ce rendez-vous. Cela peut être une vraie rencontre avec soi. Dans notre société, on n’accepte pas de souffrir, ou alors en silence... La ménopause, il faut accepter que ça remue, que ça secoue... », explique la thérapeute.
Là aussi, il s’agit de mettre de la conscience dans ce qui se passe, faire un chemin d’acceptation et peut-être de deuils : de la jeunette qu’on était, de la mère qu’on ne sera plus, d’un corps qui se transforme et d’une vie qui se module. Ici encore, la société joue un rôle très prégnant et il faudrait être attentive à ne pas se laisser influencer, mais à rester centrée sur soi, son désir et sa nature profonde. «
Il faut répondre aux réelles questions qu’une femme peut se poser arrivée à son milieu de vie. Mais il faut se demander avec quoi on y répond. Avec des préjugés ? Là, c’est la dépression assurée ! Alors que si on y répond avec : je récupère plein de temps pour moi, je vais en faire quoi ? C’est plus positif », prévient la psychanalyste Catherine Grangeard, car les stéréotypes ont la peau dure par chez nous. Par exemple, la ménopause est aussi une période où la femme se retrouve face à sa sexualité avec un corps qui réagit autrement, le vagin se transforme et la sensibilité peut être totalement accrue, mais cela demande une adaptation. C’est aussi le regard que la femme porte sur elle-même et son envie de plaire qui vont évoluer : «
Est-ce que votre sexualité part de vous ou bien est-ce que vous vous contentez d’être l’objet de cette société patriarcale, où les femmes sont amenées à être belles et désirables et où on ne s’occupe pas de savoir si elles, elles sont bien dans leur peau et désirantes, parce qu’on dit que la sexualité d’une femme n’est jamais autant épanouie qu’après 50 ans... Il y a un paradoxe ! », soulève la psychanalyste. Dans son ouvrage coup de poing*, elle aime à tordre le cou aux idées reçues sur la sexualité après 50 ans, et elle rappelle l’importance de se situer comme « sujet » sexuel davantage que comme « objet », ce qui est source de souffrance quand on vieillit : «
Dans un rapport sexuel, pour que ça fonctionne, il faut passer de l’un à l’autre. Certains hommes ne désirent que des objets sexuels ! Et si toute votre vie vous avez été consentante pour occuper cette position, à un moment cela ne va pas aller avec la prise d’âge », prévient-elle. L’occasion d’un sacré réajustement...
Une ouverture spirituelle
Nombre de femmes se tournent aussi vers la spiritualité à cet âge et pendant cette période de transformation. Cela fait écho à ce rendez-vous avec son être intérieur et l’envie de regarder la vie autrement ainsi qu’à un besoin de ressourcement. «
C’est aussi parce qu’on dit dans les traditions anciennes, en ayurveda par exemple, que le chakra couronne s’ouvre à partir de 60 ans et qu’on va passer toute notre vie à travailler les chakras pour ouvrir le dernier et être connectée au grand tout », précise Johanna Dermi. Elle nous rappelle également que les femmes sont habitées par un feu intérieur qu’elles se doivent d’exprimer et qui prend toute sa puissance au moment de la ménopause : «
Lorsque j’ai commencé à accompagner des femmes en tant que thérapeute, je voyais bien que celles qui étaient pleines de bouffées de chaleur et de sécheresse, c’est comme si elles n’utilisaient pas leur feu, elles ne se posaient pas en tant que prêtresses, en tant que déesses, comme si elles n’osaient pas incarner cette puissance. Il faut éliminer ce feu autrement qu’avec des hormones. Par exemple avec le wutao, pour bouger et se connecter à la terre, et faire jaillir notre spiritualité. »
Enfin, toujours au regard de notre société occidentale qui peine à ritualiser les passages importants de la vie, Johanna Dermi regrette que l’arrivée comme le départ des règles ne soient pas l’occasion de cérémonies. Cela permettrait de mieux prendre conscience et de célébrer le passage avec joie, car les femmes ne savent pas à quel point il est précieux. «
Pendant plus de 40 ans, vous êtes venues m’enseigner, m’apprivoiser, et là, vous partez, je vous dis au revoir et je vous remercie », pourrions-nous dire à nos règles. «
Le cycle est censé nous enseigner les éléments terre, air, eau et feu, c’est énorme, car si on part de cette Terre sans avoir compris ces éléments, c’est fâcheux. Nous sommes des filles de la Terre-Mère. On devrait fêter cet apprentissage à la ménopause. Youpi, j’ai ces éléments en moi, je suis la terre, l’air, l’eau et le feu, j’ai réussi ça ! », se réjouit Johanna Dermi. Finalement, conclut-elle, le terme ménopause est mal choisi parce que c’est tout sauf une pause. C’est une transformation et une énorme connexion à l’ouverture spirituelle...
Le soutien du Tao
Aisha Sieburth organise des stages de pratique du Tao. Elle explique : le corps serait comme un chaudron qui contiendrait de l’eau et qui serait chauffé par un feu – c’est la combustion cellulaire. Lorsque le feu hormonal baisse, les liquides stagnent, ce qui cause la prise de poids. S’il monte trop, les liquides vont s’évaporer et c’est la sécheresse... Le but est d’arriver à la bonne température grâce à des exercices régulateurs. « La recherche de l’équilibre de notre yin et de notre yang peut se faire par l’intermédiaire et le pouvoir de l’exercice “sourire intérieur” par exemple. Cette pratique permet de relier les différents niveaux de notre corps, de notre esprit et de notre cœur. Le regard bienveillant et souriant que nous allons porter sur nous-mêmes va nous permettre d’accueillir pleinement l’émotion négative ou la difficulté ressentie. » Le sourire intérieur est l’un des exercices proposés dans son ouvrage.
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Il n’y a pas d’âge pour jouir, Catherine Grangeard, éd. Larousse, 2020.