Le plus vieux manoir de Guernesey, le manoir de Sausmarez, est réputé pour être hanté depuis des siècles. Des fantômes bienveillants veilleraient sur les Sausmarez, la plus vieille famille de l’île anglo-normande. Un fantôme en particulier se manifesterait aujourd’hui encore : celui de la Old Nanny.
Lieux mystérieux
Florence Leray - La manoir de Sausmarez
En l’an 1115, un certain William de Sausmarez, connu dans l’île voisine de Jersey comme « Seigneur de Sausmarez », s’installe au manoir. À cette époque, il s’agit d’une simple maison normande. En 1557, le seigneur du manoir, Georges de Sausmarez, décède sans laisser d’héritiers. La propriété revient à sa sœur Judith, qui avait épousé un Anglais, John Andrews. Selon la loi guernesiaise, c’est leur fils, également prénommé John, qui hérite du manoir. C’est lui qui fera construire une deuxième maison à côté du manoir, appelée « La Maison Tudor ». Aujourd’hui, elle abrite au rez-de-chaussée un café avec une vigne pluricentenaire qui pousse à l’intérieur et au sous-sol, un atelier de confections d’objets en cuivre. Le seul et unique étage est inhabité. La Maison Tudor est considérée aujourd’hui comme la plus hantée du domaine…
Le forgeron, Trevor Rogers-Davis, interrogé à ce sujet, a confié que « des objets se déplaçaient parfois tout seuls dans l’atelier » puis « tombaient par terre, parfois même en plein jour devant des touristes ! ». Il raconte également qu’il entend régulièrement, quel que soit le moment de la journée, « des pas, des chuchotements et des chutes d’objets », provenant de l’étage… inhabité et dont la porte est scellée ! Il affirme cependant ne pas être effrayé, habitué à ces étranges phénomènes. Il a par ailleurs révélé qu’à l’âge de 15 ans, alors qu’il rentrait chez lui à pieds un soir avec sa mère, il a vu près du manoir la silhouette fantomatique d’un moine avec une capuche. Appelant sa mère, qui traînait le pas, celle-ci aussi aurait également vu le fantôme du moine, avant que celui-ci ne disparaisse. Un autre soir, ajoute-t-il, il a vu « beaucoup d’hommes, le teint blafard et portant des perruques », certainement, selon lui, « les fantômes d’habitants de l’île décédés de la tuberculose ».
En 1674, un descendant de John Andrews, Sir Edmond Andros, hérite du manoir. Il décide alors de faire construire une nouvelle maison, « La maison Reine Anne », à la mesure de « son importance », lui qui est bailli et lieutenant-gouverneur de Guernesey, ainsi que le premier gouverneur britannique de la colonie de New York et de six autres colonies américaines. La maison Reine Anne, dont la construction s’achèvera en 1718, constitue aujourd’hui le bâtiment central du manoir, doté de quatre étages surmontés d’un balcon qui servait autrefois d’observatoire pour les femmes de marin guettant le retour de leurs bateaux.
En 1748, la famille de Sausmarez rachète le manoir. Le nouveau propriétaire est John de Sausmarez, enrichi grâce à l’héritage légué par son frère cadet, Philip de Sausmarez, corsaire pour le compte de la Royal Navy. Selon de nombreux témoins, son fantôme, en tenue d’officier de marine, hante le balcon du dernier étage du manoir : Philip, mort en pleine bataille contre la France, a trouvé un moyen de rentrer chez lui… Lors de la vente du manoir, en 1748, la femme du précédent propriétaire, Charles Andros, qui souhaitait rester dans les lieux, aurait lancé une malédiction à la famille de Sausmarez : « Vous n’aurez jamais d’héritiers ! » John de Sausmarez aura néanmoins deux fils : Matthew et Thomas. Le second, nouveau seigneur du domaine en 1820, se mariera deux fois et aura… 28 enfants ! Afin de loger tout ce petit monde, il se trouva dans l’obligation d’agrandir le manoir et fit bâtir « la Maison Régence », aujourd’hui une aile annexe du manoir. Une nourrice fut recrutée pour s’occuper des 28 enfants.
En 1873, le plus jeune fils de Thomas de Sausmarez, le général George de Sausmarez, commence la construction finale du manoir dans un style victorien flamboyant, grâce à sa carrière lucrative dans la Compagnie des Indes. En 1915, le nouveau seigneur des lieux, Sir Havilland de Sausmarez, bailli de l’île, refusa, de son vivant, de faire installer l’électricité dans le manoir. C’est cela qui évita au manoir d’être réquisitionné par les Allemands pour en faire un hôpital… Son neveu, Cecil de Sausmarez, après une brillante carrière dans la diplomatie, restaurera et modernisera le manoir. Il le léguera à son cousin, Peter de Sausmarez, l’actuel seigneur du domaine, qui poursuit la maintenance et la restauration du domaine.
Le seigneur Peter de Sausmarez est un sémillant septuagénaire aux yeux pétillants de malice, délicieusement courtois et un tantinet séducteur. Nous l’avons rencontré pour Inexploré afin d’en savoir un peu plus sur ces histoires de fantômes qui hantent son manoir.
Bonjour Peter de Sausmarez. Pouvez-vous présenter votre parcours ?
Oui, bien sûr. J’ai tout d’abord eu une carrière comme lieutenant dans l’armée. Ensuite j’ai travaillé comme publicitaire pour le Sunday Times avant de représenter en Angleterre de grands couturiers comme Balenciaga ou Nina Ricci. Puis j’ai travaillé comme commissaire-priseur pour Christie’s. Enfin, j’ai exercé le métier d’œnologue.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces histoires de fantômes qui hantent le manoir ?
La première histoire me concerne directement. Lorsque je viens m’installer, en 1982, dans le manoir où vit encore mon cousin Cecil, je suis accompagné de ma femme et de mes deux petits garçons, qui ont le même âge que Matthew et Thomas lorsque leur père, John de Sausmarez, racheta le manoir en 1748, à savoir, respectivement, 5 et 4 ans. Nous sommes un peu à l’étroit, et Cecil nous cède gentiment une pièce supplémentaire pour loger les enfants, qui adorent immédiatement leur chambre. Peu de temps après notre arrivée, ma femme doit retourner en Angleterre pour le travail. « Ce ne sera pas très compliqué de t’occuper d’eux : tu les fais déjeuner, tu leur donnes le bain, tu leur lis une histoire et tu les mets au lit », me dit-elle avant de partir. Sauf que ce soir-là, un ami me téléphone et m’invite à une super soirée. Je fais alors appel à une baby-sitter.
Mais en revenant de ma soirée, je découvre que la jeune baby-sitter est complètement dépassée par mes deux garçons, qui n’étaient toujours pas couchés et avaient tout mis sens dessus-dessous. Je les gronde et je leur demande d’être tranquilles le temps de ramener la baby-sitter. En revenant, je découvre que toutes les fenêtres du manoir sont éclairées : on aurait dit un bateau de croisière ! J’entre, intrigué par le silence absolu qui règne dans le manoir. Je commence à sentir la panique monter lorsque je ne trouve pas mes enfants… Je les découvre finalement couchés, très calmes, dans leur lit. Je les interroge : « Les enfants, pourquoi avez-vous allumé toutes les lumières ? ». « Ce n’est pas nous ! » répondent-ils. « C’est la vieille petite dame qui nous a mis au lit après nous avoir raconté une histoire… ».
Je me dis que c’est sûrement la femme de mon cousin qui les a couchés. Je vais voir mon cousin, qui vit dans l’aile annexe du manoir, et je remercie sa femme pour cela. Éberluée, elle me répond que ce n’est pas elle ! Nous nous disons alors que c’est sûrement leur fille adoptive, âgée de 24 ans. Mais ce n’était pas elle non plus ! En revanche, celle-ci me dit qu’il s’agit sûrement du fantôme de la Old Nanny [la vieille nourrice], qui s’était occupée des 28 enfants de Thomas de Sausmarez il y a plus de 200 ans… Lorsque ma femme rentre d’Angleterre, je redoute un peu sa colère… Pour me donner du courage, je bois un gin tonic et je lui raconte l’histoire : « Merveilleux ! Une nounou gratuite ! », s’exclame-t-elle ravie, à mon grand soulagement.
Le fantôme de la Old Nanny s’est-il remanifesté depuis ?
Oui, quelques années plus tard, avec ma petite amie de l’époque – ma femme était partie vivre à l’étranger pendant trois ans… Le fantôme de la Old Nanny lui est apparu afin de lui demander de veiller sur moi. Plus tard, lorsque mon petit-fils, alors âgé de 2 ans, dormait dans la chambre de mes enfants, ma compagne Regina et moi avons entendu des chuchotements dans le baby phone. Regina est alors montée prestement à l’étage, a ouvert la porte de la chambre où dormait mon petit-fils pour découvrir qu’il n’y avait personne d’autre que lui dans la pièce… Quelques jours plus tard, Regina va chercher mon petit-fils dans sa chambre, après sa sieste. En descendant l’escalier, il voit un petit tableau accroché contre le mur et s’exclame : « Nanny ! » Or, j’apprends que ce tableau n’est autre… que celui de la vieille nurse qui s’occupait des 28 enfants de Thomas en 1748 !
D’autres histoires de fantômes dans le manoir ?
Oui. Mon cousin Cecil, lorsqu’il était encore vivant et logeait au manoir, adorait organiser des visites, surtout pour les jeunes et jolies touristes… Si ma femme tolérait cela l’été, elle l’interdisait l’hiver, afin d’avoir un peu d’intimité. Parfois, Cecil outrepassait cette consigne, et faisait quand même visiter le manoir. Ma femme était alors furieuse… Lorsqu’il était enfant, Cecil a planté un aulne dans le parc avec un jardinier, qui lui a dit : « lorsque l’aulne mourra, tu mourras aussi ». Un jour, l’aulne est mort. Cecil m’a alors dit que sa mort était proche. Pourtant, il n’était pas malade. Peu de temps après, un matin d’hiver, j’entends Cecil qui fait visiter le manoir à des touristes. Ma femme vient me voir, furieuse. Je descends – mon bureau est à l’étage – et je ne vois personne. J’apprends que mon cousin est mort dans la nuit…
Plusieurs mois après sa mort, en 1986, j’ai moi-même entendu plusieurs fois sa voix, racontant l’histoire du manoir, au rez-de-chaussée. J’ai placé des enregistreurs audio, et en effet, nous entendons sa voix, ainsi que les portes qui s’ouvrent et se ferment… Les sons s’arrêtent dans le salon des tapisseries. Une télévision anglaise est venue la nuit poser des caméras infra-rouges dans ce fameux salon des tapisseries, ainsi que des enregistreurs audio ; et en effet, nous entendons clairement la voix de Cecil, ainsi que d’autres voix… Il n’y a décidément pas qu’un seul fantôme au manoir de Sausmarez !
À
propos
auteur
Florence Leray
Journaliste
Florence Leray est rédactrice en chef de Métapsychique, la revue de l’IMI (Institut Métapsychique International).
Journaliste et professeure de Philosophie, elle a notamment publié Le négationnisme du réchauffement climatique en 2011 aux éditions Golias. Réalisatrice de documentaires, elle a remporté le Prix du Public au Festival Sciences Frontières de Marseille en 2007 pour ArchiNature, sa série de 15 programmes courts sur l'architecture écologique diffusée sur Ushuaïa TV. ...
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