David
Foenkinos
:
affronter
la
mort
pour
jouir
de
la
vie !

Vivre son propre enterrement peut-il nous aider à renaître à la vie ? L’écrivain et réalisateur David Foenkinos a vécu une expérience de mort imminente à l’âge de 16 ans. Discret à ce sujet, il publie un roman qui évoque un rituel coréen mettant en scène sa propre mort… Et si regarder la mort en face nous invitait en réalité à savourer chaque instant de notre existence ?
David Foenkinos : affronter la mort pour jouir de la vie !
Au-delà

Vous décrivez un rituel coréen consistant à vivre son propre enterrement. L’avez-vous testé ?


Ce rituel existe vraiment et c’est un véritable phénomène en Corée du Sud. Il y a même des entreprises qui le proposent à leurs salariés parce que les retours sont très positifs. Les Coréens parlent vraiment d’une seconde vie, d’une sorte de « thérapie électrochoc ». La Corée est un pays avec une grande pression sociale, un taux de suicide important et un mal-être très fort. C’est une expérience mystique un peu folle, mais humainement extraordinaire, qui consiste à se mettre dans son cercueil avec son nom et sa photo. On referme le couvercle, et pendant une heure on est dans l’obscurité et le silence. L’idée est assez simple : en expérimentant physiquement la mort, en s’en approchant, on peut ensuite avoir un rapport différent à la vie. Regarder la mort en face, c’est un accélérateur de vie… Alors moi, je ne l’ai pas essayé parce que j’ai fait une expérience de mort imminente (EMI), et ma vie entière est hantée par cette expérience. Il n’y a pas une journée où je n’y pense pas.


Racontez-nous cette EMI…


À 16 ans, j’ai eu une infection de la plèvre, mon cœur a été compressé, il y a eu des erreurs médicales. Je suis arrivé à un état de souffrance tel que je suis allé aux urgences et j’ai senti la panique… Il fallait m’opérer immédiatement, mais les médecins ne savaient pas s’ils pouvaient faire une anesthésie générale ou locale, donc j’ai eu en plus la frayeur de me dire : je vais passer huit heures au bloc en étant conscient ! J’étais très faible, je hurlais de douleur, et au moment de la prise de sang qui allait déterminer ou non l’anesthésie, au moment où l’infirmière m’a piqué, je suis parti totalement en arrière dans un tunnel de lumière bleu et jaune… Je ne sais pas combien de temps je suis parti. Ma mère qui était là m’a vu mort. C’est inexplicable, mais j’étais dans une une extase, un bien-être et un soulagement physique absolus, alors que, quelques instants avant, je souffrais énormément. Puis, à un moment, sans que je le contrôle, je suis reparti dans l’autre sens et je suis remonté. J’ai vu au bout du tunnel l’infirmière qui criait, qui me donnait des gifles pour me réanimer, mais ce n’était pas un évanouissement. À l’époque, c’était la mode du Grand Bleu ; j’ai vu le film huit fois, donc pour moi c’était comme une forme d’apnée, de descente dans les profondeurs… Après l’opération, j’ai donc passé des mois en convalescence, avec en plus l’angoisse des séquelles qu’on m’avait annoncées. Mais finalement, je n’ai rien eu. Nous étions en 1991, il n’y avait ni les téléphones portables ni internet, j’étais seul dans ma chambre, et là, j’ai commencé à lire, alors que je n’aimais pas ça. Je soulignais toutes les phrases que j’aimais. C’était comme si quelque chose s’était déverrouillé totalement dans ma sensibilité et par rapport à la beauté. Et quand je suis sorti de l’hôpital, j’allais dans les musées, j’écrivais des lettres, je sentais que j’étais une autre personne, beaucoup plus sensible, animée par le désir de culture. Mon livre parle aussi de cela : mes personnages vont changer de vie et être beaucoup plus axés sur des choses importantes, moins superficielles.


Comment faites-vous le lien entre cette EMI et ce fameux rituel coréen ?


Cette EMI me donne le sentiment que j’ai été propulsé totalement dans une deuxième personnalité. Alors, forcément, lorsque j’ai entendu parler de ce rituel au cours d’un voyage en Corée du Sud, cela m’a complètement parlé. Je me suis rendu compte que tous mes livres parlent de deuil et de renaissance : La Délicatesse, La Vie de Charlotte, La Beauté

Je ne trouve pas ce rituel morbide, au contraire, cela m’a passionné et j’ai eu envie de porter ce sujet de manière très forte. Je prépare d’ailleurs un documentaire. Je vais aller filmer le rituel en Corée, et proposer à des Français de le faire… je trouve que c’est une thérapie qui devrait se développer chez nous. Le fondateur dit qu’il n’y a pas un seul suicide de la part de ces gens qui, pour certains, étaient vraiment désespérés avant de faire ce rituel. Il y a un pansement sur la douleur. Mais au-delà du rituel, je pense qu’il est important de changer notre rapport à la mort, en Occident et en France. J’aborde cela dans mon prochain documentaire. Il y a dans la jeune génération une quête de la beauté associée à celle du sens pour pallier une fragilité mentale, par des moyens qui peuvent nous transcender.

Je pense qu’il y a un intérêt pour la mort, car derrière, il y a un désir d’affronter et d’apaiser son regard face à elle. Il faudrait se rendre compte que la mort fait partie de la vie, et que ça peut faire du bien d’avoir un rapport à elle plus doux. Selon les traditions et les pays, il y a un regard différent sur la mort. Au Mexique, par exemple, ils ont un rapport beaucoup plus joyeux et cela place les gens dans une tonalité complètement différente.


Faites-vous partie de ceux qui n’ont plus peur de la mort après avoir vécu une EMI ?


Oui. Je ne me suis pas documenté, mais j’ai reçu beaucoup de témoignages sur les réseaux. Il y a beaucoup de similitudes, tout le monde vit un peu le même type d’expérience. Non, je suis comme beaucoup de personnes, j’ai un effroi de la déchéance. Je l’ai vécu, je l’ai vu, j’ai passé pas mal de temps en maison de retraite… mais quand on a conscience de cela on est dans l’obsession de profiter de la vie. J’ai beaucoup de belles choses dans ma vie et je me dis toujours que c’est merveilleux. Je ne serai jamais blasé, je suis un vrai jouisseur, et cela vient de mon EMI, c’est certain.


Est-ce que cela a développé ensuite votre envie d’écrire ?


Oui, je me suis mis à écrire immédiatement, mais je n’ai pas pensé que je deviendrais écrivain. J’ai écrit des lettres, d’amour notamment, un peu ringardes, mais je me suis dit que c’était incroyable d’arriver à exprimer exactement ce que je ressentais. Quand on est adolescent, on cherche à exprimer notre intimité, ce qu’on a en nous, et d’un coup, d’une manière totalement inédite pour moi, je me suis rendu compte que les mots pouvaient être mon moyen d’expression, et que j’avais une grande aisance pour écrire. Quand je suis sorti de l’hôpital, ce goût des mots est devenu physique. J’ai écrit des nouvelles, des romans pendant dix ans sans jamais me dire que je voulais devenir écrivain. C’était comme une passion annexe dans ma vie. À 25 ans, j’ai envoyé le dernier roman que j’avais fini à cinq maisons, dont Gallimard qui m’a publié.


Le destin est-il l’un de vos thèmes préférés ?


Je n’ai jamais rien pensé ni voulu. Je n’ai pas été ambitieux, je n’avais pas de programme, j’ai été porté par le destin. Au début, j’ai fait de la musique et cela ne marchait pas. Il y a quelque chose qui se trace malgré soi, et c’est vrai que c’est très présent dans mes romans. La vie entière est faite de bifurcations. Moi, je n’ai absolument rien décidé, et chaque fois que je me suis formulé les choses dans ma vie, elles ne se sont pas passées. Je n’ai pas anticipé les grands succès quand ils sont arrivés, ni les vagues de jalousies que je me suis aussi prises… ou encore les flops que je pensais être un succès.


Avez-vous une spiritualité particulière depuis votre EMI ?


Je suis très spirituel, très mystique. Pas dans la religion, mais je crois dans les forces de l’esprit, je suis à la recherche des signes que je crois être partout. Même mon livre La Vie de Charlotte, par exemple, est balisé par les signes… animé par beaucoup d’étrangetés. J’adore la numérologie, l’astrologie. Tout cela fait partie de ma vie. Je crois en la réincarnation, j’en ai même une certitude. J’ai le sentiment que beaucoup de livres viennent de plus loin. On m’a dit que mon arrêt du cœur s’était produit pour me reconnecter avec le chemin qui m’attendait, car je faisais fausse route, et cela me parle !


À
propos

auteur

  • Mélanie Chereau

    Journaliste et rédactrice en chef adjointe d'Inexploré magazine
    Melanie Chereau est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont la spiritualité, la naturopathie et les médecines douces. Elle pratique le bouddhisme depuis plus de 17 ans, est formée en Reiki et en aromathérapie. ...
flower

Les
articles
similaires

  • Témoignages de personnes revenues… de la mort
    Au-delà

    Selon plusieurs études, en moyenne 4% de la population vivrait ce que l’on appelle une expérience de mort imminente (EMI), soit 2,5 millions de personnes rien qu’en France. Immersion dans un tunnel, rencontre avec des êtres de lumière ou des ...

    29 mai 2016

    Témoignages de personnes revenues… de la mort

    Lire l'article
  • Christophe Fauré : un psychiatre qui fait du bien
    Fin de vie

    Rencontre avec un médecin que la mort interpelle depuis l’enfance, et qui aujourd’hui accompagne, aide, et conseille les personnes en deuil.

    11 février 2012

    Christophe Fauré : un psychiatre qui fait du bien

    Lire l'article
  • Dépasser la mort et s’ouvrir à l’Amour du monde
    Inspirations

    Qu’est ce qui peut bien pousser un enseignant spirituel de renommée internationale, respecté et aimé, à s’enfuir comme un voleur de son monastère, sans en toucher mots à qui que ce soit, pour entamer un voyage en solitaire qui va ...

    18 novembre 2019

    Dépasser la mort et s’ouvrir à l’Amour du monde

    Lire l'article
  • 60 millions d'individus revenus de la mort ?
    Au-delà

    Et si nos capacités de réanimation nous permettaient d'envisager un « au-delà » ? C'est ce que pense le Dr Jean-Jacques Charbonnier, médecin anesthésiste-réanimateur, qui a rassemblé dans son dernier livre « sept bonnes raisons » d'y croire.

    30 août 2012

    60 millions d'individus revenus de la mort ?

    Lire l'article
  • EMI, la révolution du monde scientifique
    Sciences

    Au cours d'une grande soirée conférence, Jean-Jacques Charbonier et Jean Morzelle ont abordé pour l'INREES le thème des expériences de mort imminente. Après le témoignage incroyable de Jean Morzelle, le docteur Charbonier est revenu sur ce qu'il appelle « La ...

    17 juin 2008

    EMI, la révolution du monde scientifique

    Lire l'article
  • Aux frontières de la mort avec Pamela Reynolds
    Au-delà

    À l'occasion de la sortie du coffret DVD de la série documentaire Enquêtes Extraordinaires, l'INREES revient sur un cas qui a fait le tour du monde : l'expérience de mort imminente de Pamela Reynolds. Placée en état de mort clinique ...

    3 mars 2011

    Aux frontières de la mort avec Pamela Reynolds

    Lire l'article
  • Oser partager son expérience de mort imminente
    Au-delà

    D’après les études, plus de deux millions de français auraient vécu une expérience de mort imminente. Si une poignée d’entre eux n’hésitent pas à relater leur histoire publiquement, combien sont ceux qui, de peur d’être jugés ou considérés comme « ...

    18 novembre 2013

    Oser partager son expérience de mort imminente

    Lire l'article
  • La vie après la mort démontrée ? Pas si simple…
    Au-delà

    Existe-t-il une vie après la mort ? Le Dr Sam Parnia, médecin spécialiste en soins intensifs, a lancé en 2008 une vaste étude regroupant une quinzaine d’hôpitaux en Europe et en Amérique du Nord pour recueillir les témoignages de personnes ...

    29 mai 2016

    La vie après la mort démontrée ? Pas si simple…

    Lire l'article
Voir tous les articles

Écoutez
nos podcasts

Écoutez les dossiers audio d’Inexploré mag. et prolongez nos enquêtes avec des entretiens audio.

Écoutez
background image background image
L’INREES utilise des cookies nécessaires au bon fonctionnement technique du site internet. Ces cookies sont indispensables pour permettre la connexion à votre compte, optimiser votre navigation et sécuriser les processus de commande. L’INREES n’utilise pas de cookies paramétrables. En cliquant sur ‘accepter’ vous acceptez ces cookies strictement nécessaires à une expérience de navigation sur notre site. [En savoir plus] [Accepter] [Refuser]