Ancien médecin chirurgien urologue, Thierry Janssen quitte tout pour étudier la psychologie et devient une référence en développement personnel. Puis, suivant son propre chemin, qu’il partage dans ses livres, il s’ouvre à une dimension spirituelle, une voie de guérison du corps et de l’esprit, qu’il partage dans son école de la présence thérapeutique et dans son dernier ouvrage "Écouter le silence à l’intérieur" .
Très jeune, vous avez eu pour objectif de soulager la souffrance : vous avez été médecin, psychothérapeute, aujourd’hui accompagnant psychospirituel. La spiritualité est-elle devenue une nécessité pour vous ?
C’est devenu la priorité parce que j’ai l’impression qu’il n’existe aucun moyen de vivre sans trouver une signification à la vie, et je pense que la vie à un but qui est de créer la vie. Un chemin spirituel, c’est comprendre les conditions qui permettent à la vie de s’épanouir pleinement. Cela nécessite beaucoup d’ouverture, de lâcher-prise, de confiance et de foi, donc la capacité à ne pas nier ce qui se présente et accepter pleinement la réalité telle qu’elle est. Je ne considère pas la spiritualité comme un moyen d’échapper à la réalité. Au contraire, c’est de l’accepter pleinement et après d’en faire quelque chose, avec cette intention de respecter ce qui permet à la vie de s’épanouir.
Mais ce n’est pas toujours plaisant. Qu’est-ce qui a changé en vous ces dernières années ?
Quelque chose s’est retrouvé en moi ou en tout cas a été recontacté, mais c’était là dès le départ. D’ailleurs, en écrivant mon dernier livre, j’ai revisité mon enfance, qui je crois est très commune, où j’avais de grands élans spirituels, de grandes prises de conscience de cette union à la vie, au monde, cet amour inconditionnel et cette capacité d’accepter ce qui était là. Et je me suis rendu compte que j’ai perdu cette capacité, parce que l’adulte que je suis devenu était pétri d’a priori, de croyances, d’idées parfois un peu toutes faites et de peurs. Ces dernières années j’ai compris que ces comportements engendrés par ces peurs étaient un barrage ; j’ai appris à refaire confiance, à dire oui, à aimer, tout simplement, parce qu’accepter ce qui est, c’est aimer.
C’est le chemin du Moi vers le Soi ?
De ce que j’ai compris, le Soi est non personnel, il est universel, il est la conscience qui est en chacun de nous. Cette conscience est notre capacité à constater ce qui est. Ce n’est pas ce mental qui pense, qui analyse, qui réfléchit, qui commente, qui bavarde, qui juge : ça, c’est une aptitude personnelle que nous avons chacun et il y a autant de Moi qu’il y a d’individus. Mais le Soi est commun à chacun, c’est notre essence profonde... C’est la conscience.
Et en quoi le silence est-il précieux dans cette quête de la conscience ?
Parce que le Soi est silencieux. La conscience est silencieuse, elle ne bavarde pas, ne commente pas, n’analyse pas, n’interprète pas. Elle est, elle constate ce qui est, elle embrasse tout ce qui est ! Et seule l’expérience du silence permet de révéler cette conscience qui est en nous. C’est tout le chemin : laisser la conscience s’éveiller en nous. Pour cela, il faut faire taire ce mental, il faut faire taire tout ce bavardage intérieur, il faut faire taire ce Moi qui empêche la conscience de simplement être.
Comment cette évidence s’est-elle imposée au médecin que vous êtes ?
C’est sûr que ce n’est pas le langage d’une culture médicale, qui se veut scientifique. Mais nous avons une science très analytique, qui « se dit rationnelle » parce qu’elle est également pleine de croyances et d’a priori. Pourtant, cela touche à l’essence même de ce que la médecine devrait aborder : la vie, les conditions de la vie, du tissu qui fait le vivant, les relations, les liens, l’amour ! Aujourd’hui, je pense qu’il faut oser dire les choses et reparler très clairement de spiritualité. À chaque aventure, j’ai essayé de témoigner de là où j’en étais avec le maximum d’authenticité. Parce que je crois qu’il n’y a pas de chemin profondément spirituel sans une véritable honnêteté avec soi, une acceptation de ce que nous sommes, y compris dans nos zones d’ombre et de doute, et une authenticité avec l’autre. Mon intention, c’est juste de partager avec une forme d’enthousiasme en Theos, de ce dieu à l’intérieur. J’estime qu’en tant que médecin c’est mon devoir. Parce qu’avant de réparer la vie cassée, un soignant, quel qu’il soit, est là pour promouvoir la vie, dans sa pleine vitalité. Cela fait partie de la démarche.
En quoi se confronter aux zones d’ombre est-il l’unique chemin possible ?
Il y a beaucoup de chemins spirituels qui sont des formes d’idéalisation d’une espèce d’image à créer un être parfait, qui a tout réglé, qui a tout compris, qui est toujours zen, qui est toujours capable de se calmer. Mais non, ce n’est pas ça, on n’est pas comme ça ! À l’école de la présence thérapeutique, il y a des élèves qui m’ont idéalisé et qui sont parfois très déçus, voire fâchés contre moi, quand ils découvrent que je suis comme eux. Et même pire qu’eux, puisque je montre ce qu’ils ne veulent même pas s’avouer à eux-mêmes. Ces élèves passent un long moment à se détester quand ils découvrent qu’effectivement, ils ont eux aussi des zones d’ombre et qu’ils doivent lâcher cet ego spirituel qui veut absolument créer un personnage. La spiritualité, c’est le contact cru avec la réalité. C’est le sens même de l’expérience mystique, l’accès au mystère. Le mystique n’est pas là pour se raconter une jolie histoire ; il est là pour embrasser la souffrance, la sienne et celle du monde. Et c’est derrière cette souffrance qu’il trouve la joie. Ce n’est pas forcément confortable, mais c’est joyeux.
La spiritualité est l’un des piliers de fondation de la civilisation.
Quel rôle vos « expériences mystiques » ont-elles joué sur votre chemin ?
Je pense que c’est le fil conducteur de tout le chemin. Dès l’enfance, elles étaient très présentes. Ma passion pour l’Égypte ancienne m’a permis d’y mettre des mots, ou du moins des images. Et je crois qu’elles sont présentes chez beaucoup d’enfants, peut-être chez tous, mais il y a des formes de conditionnement dans l’éducation qui empêchent d’y accéder ou de les valoriser, de les explorer davantage. Avec le recul, je me rends compte que finalement, chaque étape importante de mon parcours, de mon existence, a été aiguillée soit par une expérience de cet ordre-là, soit par une fulgurance de la conscience qui m’a vraiment révélé que je me trompais, que je répondais juste aux impératifs de ma personnalité, avec ses défenses et toute cette dynamique névrotique qui finit toujours par recréer ce qui nous fait peur.
Est-ce que votre école est une tentative pour inciter les Occidentaux à renouer avec la spiritualité ?
Cela faisait des années qu’on me demandait si je ne voulais pas mettre en place un enseignement et je refusais pour beaucoup de raisons. La première est que je ne voulais pas être prisonnier d’un enseignement, je suis un homme qui aime bien la liberté. La deuxième est que je ne me sentais pas forcément légitime et pas du tout prêt. Puis cette école s’est comme imposée. Au départ, ça s’adressait d’abord à des soignants et, si possible, à des gens du monde conventionnel, parce que j’avais vraiment envie de créer un pont entre cette médecine scientifique, occidentale et le monde moins conventionnel des médecines alternatives, complémentaires. Et puis, au bout du compte, j’ai pu réaliser que peu importe toute cette structure, il y a vraiment une école spirituelle derrière. Et maintenant je l’assume. On ne peut pas retirer à l’humanité tout un pan de son expérience, de son héritage et de ses piliers de fondation. Et la spiritualité est l’un des piliers de fondation de la civilisation, de l’humanité.
Il y a souvent un amalgame entre religion et spiritualité. Peut-être est-ce ce qui a fait peur à beaucoup de gens ?
Personnellement, je refuse d’avoir une religion, non pas que je sois antireligieux, mais je veux être spirituel. La religion ne m’intéresse pas si ce n’est pas un moyen de spiritualité. Or, beaucoup de gens la considèrent juste comme une espèce de mode de fonctionnement, sans même comprendre qu’il y a, derrière, une spiritualité. Quand vous regardez l’histoire des religions, en particulier celles du livre, elles naissent toutes d’une spiritualité qui elle-même vient de l’expérience mystique d’un ou plusieurs. Toujours. Il est donc grand temps qu’on revienne à comprendre ce qu’est l’expérience mystique. Alors j’assume aujourd’hui clairement que, oui, je suis un mystique. Je me vis comme un mystique, c’est-à-dire : j’ai des grandes extases face à la vie. Et je n’ai pas honte de ça, c’est juste une capacité de s’émerveiller et d’accepter ce qui est. (...)