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Amélie
Nothomb
-
Ouvrir
les
portes
de
la
perception

Le « dialogue transcendant » qu’elle ressent depuis l’enfance, sa connexion aiguë au monde qui l’entoure, sa troublante initiation à l’ayahuasca… Fidèle à sa liberté de ton, l’écrivaine nous confie une part très personnelle de sa vie, jalonnée d’expériences extraordinaires.
Amélie Nothomb - Ouvrir les portes de la perception
Perceptions

Est-ce que dans votre vie, dans l’enfance et puis dans vos relations plus tard, il y a des choses qui sortent vraiment de l’ordinaire ?


Je pense que oui. Il y a des choses dans ma vie que je ne peux pas forcément interpréter mais dont je me souviens particulièrement bien. Il se trouve que j’ai une mémoire aiguë de ma toute petite enfance – cela se sent quand on lit mon livre Métaphysique des tubes. Très petite, lorsque j’étais dans mon berceau, il y avait une très grande voix qui me parlait dans la tête, surtout lorsque j’étais dans le noir, une grande voix qui me disait : « Souviens-toi, c’est moi qui vis, c’est moi qui vis à travers toi, souviens-toi. » J’étais projetée dans une immensité, un infini noir. Cela faisait peur, mais en même temps c’était agréable. Et à ce moment-là, je me disais : « Oui je me souviens ». Maintenant, j’ai envie de me dire : « De quoi me souvenais-je au juste ? » Je ne sais pas. Mais j’ai le souvenir aigu de cette voix me disant : « Souviens-toi, souviens-toi, c’est moi qui vis à travers toi. »


Aujourd’hui, comment interprétez-vous cette voix ?


Certainement comme une chose en rapport avec la transcendance. J’ai toujours eu une espèce de dialogue transcendant en moi avec quelque chose que par commodité j’appelle Dieu. Je n’essaye pas du tout de construire une religion, ce sont des choses qui n’appartiennent qu’à moi, et quand je dis Dieu, je ne pense pas un instant que cette personne soit mon créateur. Et d’ailleurs cela ne m’intéresse même pas. Qu’il y ait des gens qui puissent être fascinés par l’idée que quelqu’un aurait pu créer l’univers… Pour moi, ce n’est même pas la question. On n’a pas besoin d’un créateur. Mais qu’il puisse y avoir un point de vue transcendant, et que l’on puisse établir un dialogue avec ce point de vue transcendant, est une chose qui m’intéresse.


Ce dialogue perdure-t-il encore aujourd’hui ?


Oui, c’est quelque chose qui dure dans le temps, qui ne m’a jamais lâchée. C’est un dialogue intérieur qui n’est pas constant mais je peux retrouver cette voix en moi. Depuis l’enfance, j’ai beaucoup vécu, et beaucoup d’autres voix sont apparues dans ma tête, toutes ne sont pas très agréables et toutes ne sont pas transcendantes, d’ailleurs. Mais cette voix transcendante, je peux la retrouver.


D’autres voix sont apparues dans votre tête ? De quoi s’agit-il ?


Je ne suis pas psychanalyste, mais il y a aussi des présences hostiles en moi. Je ne sais pas à quoi les identifier mais je dois me battre contre ces voix parce que si elles prennent le dessus, je suis complètement ratatinée.

Bio express


Née en 1967, Amélie Nothomb a passé les premières années de sa vie au Japon. Au gré des déplacements de son père, ambassadeur de Belgique, elle a découvert la Chine, New York, le Bangladesh, la Birmanie et le Laos. Depuis la sortie de son premier livre, Hygiène de l’assassin, en 1992, elle a publié un roman par an, dont Stupeur et tremblements, couronné Grand Prix de l’Académie française.


Ressentez-vous ces voix comme une production intérieure ou vous semblent-elles venir de… l’extérieur ?


Je pense que c’est purement intérieur, c’est ce que j’appelle mon ennemi intérieur. Je n’ai pas toujours eu ça. C’est apparu à l’adolescence. C’est quelque chose en moi qui ne m’aime pas, qui m’est hostile et qui cherche ma destruction ; et comme je ne veux pas particulièrement être détruite, j’essaye de lutter contre cette présence hostile.


C’est donc différent de cette voix de votre enfance ?


Cela n’a tout simplement rien à voir. La voix transcendante, je sens bien que cela ne m’appartient pas, c’est quelque chose qui vient d’en dehors de moi. Ce n’est pas moi qui me parle. Tandis que l’ennemi intérieur, je reconnais mon odeur, c’est quelque chose qui vient de moi et qui m’est hostile. La voix transcendante m’a énormément nourrie et continue de me nourrir. C’est un allié. Les voix hostiles évidemment, c’est tout à fait autre chose. J’essaye autant que possible, non pas de les éliminer – parce qu’il n’y a pas moyen – mais de leur répondre, de me défendre.


Cet allié – cette voix transcendante – comment se manifeste-t-il ? Il vous surprend ?


Oui. Mais ce serait trop facile si quelqu’un était là pour me dicter ma conduite, c’est beaucoup plus compliqué que cela. Je ne sais pas plus que n’importe qui comment je dois vivre. Quand je suis face à des problèmes, entre autres moraux mais pas seulement, je n’ai aucune solution. Je dois me débrouiller. Mais, quand même, cette voix intervient parfois… enfin, quand elle veut. Les « voix » qui mènent à Dieu sont impénétrables !


Quand vous dites « voix », s'agit-il véritablement d’une voix ?


C’est une voix. C’est quelque chose que j’entends en moi et c’est du langage.


Masculine ? Féminine ?


Dans le cas de ce que j’appelle Dieu, c’est une voix plutôt de l’ordre du masculin mais il m’est arrivé de croiser d’autres divinités qui pouvaient être féminines. Donc il doit y avoir plus d’un dieu. Ces divinités, il n’y a pas de raison qu’il n’y en ait qu’une seule.


Vous avez l’air d’être une personne extrêmement connectée.


Je suis quelqu’un d’assez poreux. Il est facile de me traverser. Donc en effet quand il y a des choses qui passent, généralement, je les capte. J’ai l’impression que je l’ai toujours été, même dans le ventre de ma mère ; la porosité même. D’ailleurs, ce n’est pas qu’un avantage. C’est aussi un vrai problème. Je n’ai pas de frontières. C’est parfois très pénible.


C’est-à-dire ?


Les gens le sentent et du coup déposent tout. Cela date de bien avant ma célébrité. Depuis toujours, je suis la personne à qui tout le monde vient tout raconter, de préférence ce qui ne se raconte pas. J’ai été la dépositaire d’un grand nombre de confidences pas forcément agréables et cela vient du fait, je pense, que les gens sentent que je n’ai pas de frontières, qu’on peut y aller.


Je vous sens aussi très à l’écoute.


Ben oui, c’est une vieille habitude !


Et cela vous embête ?


Quand ce sont des choses merveilleuses que l’on m’apporte, c’est merveilleux ! Mais lorsqu’on m’apporte des choses abominables, c’est abominable ! Et comme je ne suis pas psy, je ne sais pas quoi faire de toute cette horreur. Je suis là avec la souffrance de la personne et mon dieu ! c’est terrible. (...)

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À
propos

auteur

  • Stéphane Allix

    Journaliste et écrivain
    Écrivain et réalisateur, Stéphane Allix est devenu journaliste en rejoignant clandestinement, à 19 ans, en 1988, les résistants afghans en lutte contre l’occupant soviétique. Durant les années 90, il a voyagé à travers le monde, couvert plusieurs guerres, réalisé des films, et écrit plusieurs livres. Depuis 2003, il est engagé dans l’étude et la recherche sur les conséquences de la révolution scientifique en cours, avec une approche comparée de disciplines telles que la psychia ...
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Communiquer avec la nature

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Nous vivons coupés de la nature, et nous en avons la nostalgie. Pourtant, cette séparation n'existe que dans nos têtes; nous sommes beaucoup plus proche de la nature que nous le croyons. Nous faisons partie de cette nature vivante, intelligente : l'observation nous apprend que les animaux et les plantes savent ce que nous pensons, ce que nous allons faire, réagissent en conséquence, et parfois pressentent avec justesse ce qui va se produire. Et si l'on pouvait communiquer avec la nature ?

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