Une sexualité épanouie pourrait-elle faire de nous des êtres plus sensibles et plus aptes à créer une société pacifiée et respectueuse de l’environnement ?
« Le sexe est la clé de la vie sociale des bonobos. Leurs communautés sont pacifiques, aimantes et généralement égalitaires », indique le primatologue Frans De Waal dans son article « Bonobo, Sex and Society », paru dans le
Scientific American Special Edition de juin 2006. Pour lui, c’est sûr, leur activité sexuelle favorise les relations harmonieuses.
« Certaines traditions primitives interdisaient à l’homme de faire l’amour la veille d’une bataille et quelquefois jusqu’à une semaine avant. On pensait que cela le rendait moins combatif », souligne le Dr Gérard Leleu, sexologue et auteur de
L’Écologie de l’amour. Faut-il remettre au goût du jour le slogan « Faites l’amour, pas la guerre », scandé par la contreculture américaine des années 1960 lors du conflit au Viêtnam ? Un être humain ayant une sexualité épanouie pourrait-il être moins disposé à l’agressivité ?
« Il est bien évident qu’un être humain capable d’aimer, d’être aimé et de partager cet amour de manière sensitive, sera moins sujet à la susceptibilité et l’agressivité qu’un autre dans un état de frustration affective et sexuelle », assure Jacques Lesage de La Haye. Ce psychologue psychanalyste, qui fut 30 ans chargé de cours de psychologie à l’université Paris 8, a étudié la question de près. Ayant fait lui-même un séjour en prison pour « braquages de jeunesse », il y reprit ses études et y mena sa recherche de doctorat – résumée dans son livre
La Guillotine du sexe, la Vie affective et sexuelle du prisonnier – qui portait sur l’influence de la frustration sexuelle sur ses codétenus.
« Ce que nous pouvons tirer de cette étude, c’est que quelle que soit la situation psychologique du sujet à l’origine, à partir du moment où il est mis en situation de carence affective et sexuelle, certaines décharges affectives et psycho logiques ne s’effectuent pas. Cela produit une accumulation de tensions, un effet cocotte-minute. Il devient enclin à exploser pour un rien et à passer à l’acte », explique-t-il. Ainsi, la sexualité offrirait une opportunité de régulation de notre vitalité et de notre état d’esprit.
La sexualité
offrirait une opportunité de régulation de notre
vitalité et de notre état d’esprit.
Bien sûr, le sexe offre beaucoup plus encore.
« D’un point de vue biologique, la sexualité provoque la sécrétion dans le cerveau des substances du plaisir : endomorphine, ocytocine, dopamine, qui sont les hormones qui nous détendent, nous pacifient. C’est donc le meilleur antidote qui soit à l’agressivité », souligne Gérard Leleu. Non seulement ce cocktail hormonal qui favorise l’amour et l’attachement, ne nous donne pas envie d’exercer notre combativité, mais il favoriserait à long terme l’apparition d’un état d’esprit plus serein.
« Et sur le plan psychologique, faire l’amour est un acte relationnel qui, même lorsqu’il n’est pas entièrement bon, favorise le lien. Lorsqu’ils désirent, les humains deviennent aimants et s’ouvrent à la réalité de leur partenaire », poursuit le sexologue. Partager des moments agréables, devenir curieux de l’autre, découvrir que la différence est enrichissante, avoir envie de construire ensemble.
Ainsi, une sexualité pleine nous ouvre à notre sensibilité et à notre capacité d’empathie – 2 grandes aptitudes réputées féminines. Son impact pourrait alors être bien plus important que la modification notre rapport à notre environnement immédiat.
« Je crois qu’une sexualité épanouie peut changer la donne au niveau social car elle rend l’homme plus ouvert et respectueux. Actuellement, nous sommes encore dans une société très patriarcale. Or, cette prédominance du masculin a des conséquences écologiques et humaines dommageables, pour ne pas dire graves. Si nous continuons à vivre sur ces valeurs de conquête, d’exploitation et de domination, c’en sera fini de l’humanité avant un siècle. Nous avons urgemment besoin d’une société plus fraternelle. Les valeurs féminines doivent être revalorisées. Une sexualité saine provoque cela », soutient Gérard Leleu.
Le sexologue constate que de plus en plus d’hommes osent afficher leur sensibilité sans pour autant perdre leur masculinité.
« Ce sont les hommes de demain, ceux qui vont changer le monde… avec les femmes », assure-t-il.