De l'économie à l'alimentation, en passant par la géobiologie et le biomimétisme, il devient désormais nécessaire de d'adopter un nouvel équilibre pour vivre harmonieusement avec le monde. Vandana Shiva, Philippe Desbrosses, Alain de Luzan, Luc Bodin : quatre experts présentent leurs visions et travaux pour apporter des clés de compréhension.
Vandana Shiva : s’instruire de la Nature
Comment pouvons-nous être amenés à porter atteinte à notre environnement alors que notre santé en dépend ?
En effet, c’est étonnant. Prenons le paradoxe de l’agriculture occidentale. Derrière une prétendue abondance de nourriture se cache une réduction alarmante de la biodiversité et une perte des apports nutritifs de nos aliments. Pourtant, nous en avons besoin pour vivre. Ce qui se passe, c’est que nous sommes en train de sacrifier notre planète, et au final notre santé, pour exhausser un chiffre abstrait : le PIB (Produit intérieur brut). Mais le PIB ne se préoccupe que d’une chose : la croissance économique. Robert Kennedy disait :
« Le PIB mesure tout, sauf ce qui rend la vie valable. » Ainsi, lorsque vous produisez ce dont vous avez besoin et que vous le consommez, ce n’est pas compté comme de la croissance car cela ne génère pas de flux monétaire. Pour satisfaire à cette vision économique, vous devez produire plus que nécessaire pour le vendre. Il faut donc créer des besoins et des consommateurs supplémentaires. Il faut aussi privatiser les écosystèmes, c’est-à-dire rendre payants des services assurés gratuitement par la nature ou les remplacer par des moyens artificiels, payants eux aussi. Le drame est que nous confondons croissance économique et croissance de la vie. L’argent n’est pas la mesure de la richesse.
Quel enseignement pouvons-nous recevoir de la nature ?
Savoir vivre en équilibre sur une planète dont les ressources sont limitées est un art véritable. Cela demande beaucoup d’ingéniosité et surtout une grande collaboration entre les espèces qui assurent chacune des services pour les autres. On nous fait croire que nous devons éradiquer les autres espèces pour que les besoins des humains soient satisfaits. Il nous faut réapprendre le contraire. Plus il y a de biodiversité, plus nous recevons de la nature. Plus il y a d’organismes dans nos sols, de pollinisateurs, d’espèces dans nos jardins, plus nous pouvons faire pousser de nourriture sur un hectare. Au lieu de créer des sols appauvris, des corps appauvris et des esprits appauvris, nous devrions comprendre que tout est interconnecté et interdépendant. Le pluralisme est un réservoir de potentiels et de créativité dont nous avons besoin.
Bio express :
Vandana Shiva est docteure en philosophie des sciences, écologiste et auteure d’une vingtaine d’ouvrages. Elle est fondatrice de l’ONG Navdanya, a reçu le prix Nobel alternatif ainsi que de nombreuses autres distinctions prestigieuses.
Philippe Desbrosses : collaborer avec le vivant
Y a-t-il un lien entre la santé de la Terre et celle des hommes ?
Héraclite d’Éphèse affirmait déjà, 450 ans avant Jésus-Christ, que la santé de l’homme est le reflet de celle de la Terre. Or notre agriculture a des pratiques contre-nature qui entraînent une dégradation de nos aliments. D’abord, les espèces ne sont pas sélectionnées pour leurs valeurs nutritionnelles mais pour leur volume de production. La pomme Golden contient 4 milligrammes de vitamine C pour 100 grammes. Une variété ancienne peut en compter 100 fois plus ! Ensuite, nos aliments sont traités avec des produits toxiques, qui se retrouvent dans leur sève et que nous ingérons. Enfin, les fruits et légumes sont cueillis avant maturité. C’est dans les 3 dernières semaines que s’élaborent leurs vitamines. Du coup, plusieurs études ont identifié au moins 14 carences en vitamines et minéraux dans un large échantillon de la population. Nous mangeons des aliments creux et pollués. Cela a une répercussion directe sur notre santé.
Est-il réaliste d’envisager une meilleure alimentation ?
Bien sûr. Olivier de Schutter, rapporteur spécial à l’ONU pour le droit à l’alimentation, soutient que si nous généralisions l’agriculture biologique, en 10 ans nous doublerions notre production de nourriture. Tout le contraire de ce que racontent les tenants de l’agro-industrie ! Mais les faits sont là. La ferme du Bec-Hellouin – qui pratique la permaculture et dont les résultats sont validés par AgroParisTech – produit plus de 50 000 euros par an de légumes de qualité sur 1000 mètres carrés. Or l’agronomie moderne s’acharne à substituer les performances optimales et gratuites des écosystèmes par les artifices coûteux de la pétrochimie pour créer des marchés. Un rapport du ministère de l’Agriculture américain montre que son rendement énergétique a été divisé par 20 en 60 ans.
N’est-ce pas notre rapport à la nature qui doit changer ?
Oui, nous devons réapprendre à collaborer avec la nature plutôt que de l’asservir. Le vivant est un phénomène complexe dont de nombreuses dimensions nous échappent. Comment comprendre les jardins de Findhorn, en Écosse, où des légumes géants ont poussé sur du sable ? Leurs habitants disaient communiquer avec des êtres de la nature. Les traditions parlent d’esprits, d’élémentaux, de gnomes, d’ondines… Je crois aussi que le soin que nous mettons à nos jardins fait une différence. Je ne sais pas comment ça marche, mais mettre une énergie d’amour dans la terre génère des phénomènes étonnants.
Bio express :
Philippe Desbrosses est docteur en sciences de l’environnement, agriculteur et auteur de nombreux ouvrages dont Guérir la Terre. Il a présidé la commission du label AB (agriculture biologique). Il est chargé de mission auprès du ministère de l’Agriculture et consultant auprès de l’Union européenne.
Alain de Luzan : échanger avec la Terre
En tant que géobiologue, vous vous intéressez particulièrement aux influences néfastes des lieux sur la santé. Comment ça marche ?
Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’homme est un être complexe, formé d’un corps de matière – que la médecine conventionnelle connaît bien –, et d’un corps énergétique – auquel s’adressent par exemple les bioénergéticiens, les acupuncteurs et les magnétiseurs. La géobiologie va chercher à identifier dans un lieu donné – privé ou professionnel – les facteurs physiques et énergétiques qui pourraient affecter le corps des personnes qui y résident. Il existe de nombreuses forces qui, bien qu’invisibles, nous impactent néanmoins. Nous nous intéressons particulièrement aux rayonnements et aux champs électriques et magnétiques. Certains sont d’origine naturelle, comme les rayonnements ionisants qui fusent à travers les discontinuités du sous-sol, ou les réseaux géobiologiques (de type Hartmann, Curry ou autre, qui entrent dans la composition des champs électrique et magnétique terrestres). D’autres sont d’origine artificielle et proviennent des lignes à haute tension, antennes-relais, radars, wifi, téléphones mobiles… Ainsi, ces différentes forces, même subtiles, peuvent impacter le corps énergétique et finir par produire des effets métaboliques sur le corps physique car ce n’est pas seulement l’intensité qui compte mais également la durée d’exposition. Et ce qui est sûr, c’est que nous sommes de plus en plus exposés aux pollutions électromagnétiques d’origine artificielle.
Ainsi la géobiologie peut nous aider à mieux comprendre l’impact de l’environnement sur notre santé ?
C’est son but. Je pense même que la géobiologie est un chaînon manquant dans notre approche de la maladie. Le système médical établit ses diagnostics à partir de données physiques et biologiques internes à la personne, là où de nombreux facteurs environnementaux entrent aussi en compte, et notamment des facteurs de nature électrique et magnétique. Je me souviens de cette dame squelettique au teint jauni chez laquelle je suis intervenu. Après 2 opérations pour un cancer du sein métastasé, et plusieurs protocoles chimiothérapiques infructueux, elle avait obtenu de regagner son domicile pour y finir ses jours. Lorsqu’elle m’a demandé une expertise géobiologique, elle ne recevait plus que de la morphine. C’était il y a 22 ans. Depuis, elle m’appelle tous les ans pour me souhaiter la bonne année. Il devient urgent d’ouvrir nos horizons pour y inclure une géobiologie scientifique.
Bio express :
Après avoir été ingénieur systèmes en multinationale, Alain de Luzan devient géobiologue et fonde le cabinet d’expertise Géobios en 1988, puis l’École française de géobiologie en 2007. Il est l’auteur de Votre santé en lieu sûr.
Luc Bodin : cheminer vers la guérison
Y-a-t-il un lien entre les relations des différentes civilisations à l’environnement et les maladies dont elles souffrent ?
Nous pouvons voir en étudiant l’histoire de l’humanité que les maladies évoluent en fonction du style de vie et de l’environnement. Par exemple, au XXe siècle, l’hygiène et les antibiotiques ont permis de grandement réduire les pathologies infectieuses. Toutefois, les maladies cardiovasculaires puis les cancers sont apparus en force et actuellement nous faisons face à une augmentation inquiétante des maladies neurologiques : Alzheimer, Parkinson, fibromyalgie… Des études ont quantifié pour le cancer que l’alimentation est responsable de 35 % des cas. Si nous ajoutons l’environnement – pollution, mode de vie – nous arrivons à 65 %. Donc quand les civilisations et leur rapport à l’environnement changent, les maladies changent. Il est aussi intéressant d’avoir une lecture symbolique. Le cancer résulte d’une prolifération anarchique des cellules qui vont jusqu’à détruire leur hôte. Or nos sociétés modernes ont tendance à se sur-développer, ce qui amène à dévaster notre environnement sans vergogne, jusqu’à prendre le risque de détruire notre planète. Nos maladies pourraient ainsi être le reflet de nos comportements sociaux et idéologiques.
Des dimensions psychiques collectives pourraient-elles ainsi jouer un rôle dans nos maladies ?
Nos pathologies résultent d’un ensemble de facteurs. Les effets de nos modes de pensée viennent effectivement compléter le tableau. Nous avons maintenant démontré scientifiquement que notre psychologie personnelle joue un rôle décisif sur notre santé. Or celle-ci est influencée par le bain culturel ambiant dans lequel nous évoluons. Prenons les informations diffusées tous les jours dans les médias. Elles nous montrent surtout des aspects négatifs du monde et nous poussent à avoir des pensées pessimistes. Forcément, cela a un impact sur l’état d’esprit et donc la santé de la population. Ainsi, la vision du monde que nous développons personnellement et collectivement semble pouvoir orienter certaines de nos pathologies. Cela veut dire que notre environnement n’est pas seulement constitué de facteurs chimiques et énergétiques, mais aussi psychiques. Cela implique aussi que les pensées positives que nous formulons pour le monde pourraient s’avérer bénéfiques pour notre santé, notre vie et notre planète.
Bio express :
Docteur en médecine, diplômé en cancérologie clinique, Luc Bodin s’est aussi formé à de nombreuses méthodes de médecine naturelle. Il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages dont Cancer, les chemins de la guérison et Les Trois Secrets de l’univers.