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Éducation
spirituelle
d’un
jeune
yogi

Dans cet extrait de l’ouvrage Autobiographie d’un yogi, l’auteur, Paramahansa Yogananda, relate des souvenirs de sa formation à l’ashram de son guru, Sri Yukteswar Giri. Ce dernier, surnommé Jnanavatar (« avatar de sagesse ») était reconnu pour sa droiture, son humilité et son érudition. Élève du yogavatar Lahiri Mahasaya, qui l’initie au Kriya Yoga, Sri Yukteswar fut l’auteur de l’ouvrage La science sacrée. Dans cet extrait, découvrez quelques instants de vie témoignant d’une éducation spirituelle dans l’Inde du début du XXᵉ siècle...
Éducation spirituelle d’un jeune yogi
Savoirs ancestraux
[...] Il ne montrait aucune indulgence envers ceux qui, comme moi, avaient demandé à devenir disciples. Que nous fussions seuls ou en présence de ses étudiants et même d’étrangers, le Maître me parlait toujours franchement et me réprimandait sévèrement. Rien n’échappait à ses reproches, pas le moindre manquement, pas la plus petite étourderie. Cet écrasement de l’ego était dur à supporter, mais cela ne changea pas ma décision de permettre à Sri Yukteswar de redresser toutes mes imperfections psychologiques. Que de fois je chancelais sous le poids de sa discipline de fer au cours de cette titanesque transformation !

« Si tu n’aimes pas mes remarques, tu es libre de partir à tout moment, m’assurait le Maître. Je ne souhaite rien d’autre que ton évolution spirituelle. Reste uniquement si tu en ressens les bienfaits. »

Je serai pour toujours reconnaissant à mon guru d’avoir entrepris sur moi ce travail, même si à chaque coup humiliant porté à ma vanité, j’avais l’impression qu’il découvrait une dent malade et qu’il l’arrachait sans pitié de ma mâchoire. Le dur noyau de l’égoïsme est difficile à déloger et on ne peut y parvenir que de façon vigoureuse. Mais, en l’éradiquant, le Divin trouve enfin un canal libre de toute obstruction. C’est en vain que le Seigneur cherche à s’infiltrer dans les cœurs endurcis par l’égoïsme.

L’intuition de Sri Yukteswar était si pénétrante que, sans tenir compte de nos remarques, il répondait souvent à nos pensées non formulées. Les mots qu’une personne utilise et le sens véritable de ses pensées représentent souvent deux pôles opposés. « En faisant le calme intérieurement, disait mon guru, essayez de sentir les pensées qui se cachent derrière la confusion du verbiage humain. »

Cependant, les révélations dues à cette perspicacité divine sont souvent pénibles à entendre et le Maître n’était pas populaire auprès des étudiants superficiels. Par contre, les plus avisés, toujours peu nombreux, le révéraient profondément. J’ose même prétendre que Sri Yukteswar aurait été le guru le plus recherché de l’Inde s’il n’avait pas été aussi franc et strict.

« Je suis dur envers ceux qui viennent se former auprès de moi, m’avoua-t-il. C’est là ma manière ; c’est à prendre ou à laisser, car je ne fais aucun compromis. Mais toi, tu seras plus doux avec tes disciples ; ce sera ta manière. Je ne cherche à purifier que par le feu de la sévérité qui brûle parfois au-delà du seuil habituel de tolérance. La méthode douce de l’amour est également transfiguratrice. Qu’elles soient rigides ou plus flexibles, ces méthodes sont également efficaces lorsqu’elles sont appliquées avec sagesse. »

Puis il ajouta : « Tu iras en terre étrangère où l’on apprécie mal que l’ego soit brutalement pris d’assaut. Un Maître ne peut répandre en Occident le message de l’Inde sans posséder une bonne dose de patience et de tolérance. » (Je ne peux dire combien de fois, en Amérique, je me suis rappelé ces paroles du Maître !)

Bien que le langage caustique de Sri Yukteswar l’ait empêché d’avoir une foule d’adeptes durant sa vie sur terre, son esprit demeure toujours vivant en ce monde à travers un nombre croissant d’étudiants qui suivent fidèlement son enseignement. Des conquérants comme Alexandre le Grand cherchent la domination terrestre, mais des maîtres comme Sri Yukteswar conquièrent un empire bien plus inaccessible : celui des âmes.

Le Maître avait coutume de faire remarquer les petites imperfections, même insignifiantes, de ses disciples en prenant un air très grave. Un jour, mon père vint à Serampore afin de présenter ses respects à Sri Yukteswar. Il espérait, vraisemblablement, l’entendre faire mon éloge. Au lieu de cela, il eut droit à un long discours sur mes imperfections. Bouleversé, il accourut me voir.

« Si j’en crois les remarques de ton guru, tu es un raté complet ! »

Mon père ne savait pas s’il devait en rire ou en pleurer.

À cette époque, le seul motif de mécontentement de Sri Yukteswar à mon égard était que, malgré ses discrets avertissements, j’avais tenté de convertir une certaine personne à la voie spirituelle.

Rempli d’indignation, je courus à toute vitesse chez mon guru. Il me reçut les yeux baissés, comme s’il se sentait coupable. Ce fut la seule fois où je vis le « lion » divin s’incliner docilement devant moi. Je savourai pleinement cet instant unique !

« Maître, pourquoi avoir porté sur moi un jugement si impitoyable devant mon père abasourdi ? Était-ce juste ?

– Je ne recommencerai plus » s’excusa-t-il.

Je fus aussitôt désarmé. Comme le grand homme était prompt à admettre sa faute ! Bien qu’il ne troublât plus jamais la paix d’esprit de mon père, le Maître continua de me disséquer implacablement, où et quand il le voulait.

Les nouveaux disciples essayaient souvent d’imiter Sri Yukteswar en critiquant les autres afin de paraître aussi sages que leur guru ! Ils pensaient devenir ainsi les exemples d’un discernement parfait ! Mais celui qui prend l’offensive doit pouvoir se défendre. Ces étudiants-là ne tardaient pas à fuir dès que le Maître, de son carquois analytique, lançait publiquement quelques flèches dans leur direction.

« La faiblesse d’âme qui ne supporte pas la moindre critique est comme ces parties malades du corps qui ne peuvent supporter le plus léger contact. » C’est ainsi que Sri Yukteswar parlait avec amusement de ces fuyards.

Beaucoup de disciples ont une idée préconçue du guru, en fonction de laquelle ils jugent ses paroles et ses actions. De telles personnes se plaignaient souvent de ne pas comprendre Sri Yukteswar.

« Vous ne comprenez pas non plus Dieu ! rétorquai-je un jour. Si la nature d’un saint était pour vous transparente, vous en seriez un vous-mêmes ! »

Face aux myriades d’énigmes inexplicables qui à chaque instant remplissent l’univers, qui donc peut s’attendre à saisir en un instant la nature insondable d’un Maître ?

Les étudiants venaient et, généralement, repartaient. Ceux qui aspiraient à une voie facile, une voie faite de sympathie instantanée et de satisfaction de voir ses mérites reconnus, ne trouvaient rien de tel à l’ermitage. Le Maître offrait à ses disciples une protection et des directives spirituelles pour l’éternité, mais beaucoup d’étudiants exigeaient également des flatteries. Ils s’en allaient, préférant les innombrables humiliations de la vie au lieu d’un peu d’humilité. Les rayons ardents qui émanaient de la profonde sagesse de Sri Yukteswar étaient trop puissants pour leur spiritualité déficiente. Ils cherchaient un enseignant de moindre envergure qui, par la flatterie, leur permettrait de dormir du sommeil erratique de l’ignorance.

Durant les premiers mois passés avec le Maître, j’étais angoissé à l’idée d’être réprimandé. Je m’aperçus bientôt que ces vivisections verbales étaient destinées à ceux qui, comme moi, avaient demandé à recevoir sa discipline. Lorsqu’un étudiant protestait, Sri Yukteswar, sans s’offenser, se taisait. Ses paroles n’étaient pas dictées par la colère, mais par l’impartialité de la sagesse. (...)

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