C’est un or noir qui accompagne l’humanité depuis des siècles dans ses moments les plus intenses et créatifs. Toutefois, les dimensions spirituelles, thérapeutiques et chamaniques sont les grandes oubliées de cette plante de pouvoir...
Savoirs ancestraux
Shutterstock/Evgeny Karandaev/Isha_ray
Pallier un manque de sommeil, faire passer une migraine, retrouver un peu de courage en milieu de journée... Qui ne s’est jamais reposé sur la présence réconfortante d’une tasse de café ? Avec près de 400 milliards de tasses bues par an, le café est très certainement la substance psychoactive la plus consommée au monde.
Le torréfacteur François Étienne, dans Le guide pratique du café(1), liste une multitude d’effets positifs liés à la consommation de café. Entre autres micronutriments, le café est riche en antioxydants (c’est la boisson la plus riche en polyphénols et diterpènes, devant le thé) et en minéraux (potassium, magnésium, calcium). En se fondant sur les travaux d’Astrid Nehlig, directrice de recherche à l’Inserm et spécialiste des effets du café sur la santé, il note également « une amélioration de l’humeur et de la performance, une régulation de la vigilance, une prévention du déclin cognitif normal lié à l’âge et la prévention de certaines maladies, telles que Parkinson, Alzheimer, les cancers du foie et du côlon et le diabète de type 2 ». Toutefois, vigilance, l’auteur avertit : « Si vous en abusez, vous annulez tous les effets bénéfiques de la caféine que l’on connaît et vous risquez même d’obtenir des effets inverses. » En ce sens, certaines recommandations de santé estiment qu’une consommation modérée de café correspond à trois ou quatre tasses par jour, soit environ 300 à 400 mg de caféine. Les médecines traditionnelles, telles que l’ayurveda et la médecine chinoise, conseillent une consommation bien plus modérée, toujours adaptée aux terrains individuels, physiologiques et énergétiques.
Une question d’équilibre
Shadie Lord est formatrice en ayurveda, ainsi que consultante et thérapeute corporelle dans cette même discipline. Elle a cofondé avec Sharl Pougnaud, chamane et thérapeute en médecine traditionnelle chinoise, l’institut Kumara (Paris), un centre de formation et de développement spirituel et holistique. Elle rappelle que la consommation de café « augmente considérablement l’acidité dans le corps et d’un point de vue ayurvédique, le feu. Si la personne a déjà une grande quantité de feu en elle, ce qui est le cas pour certaines constitutions (pitta), cela peut engendrer des effets néfastes liés à la chaleur : fièvre, ulcères, inflammations de la peau (psoriasis), mais également assèchement des reins et du foie. » Les surrénales, glandes qui produisent le cortisol, sont déjà sursollicitées au quotidien. Le café viendrait accentuer cette activité et ainsi « assécher » les reins, selon la médecine traditionnelle chinoise. « Cela va bien plus loin que les dimensions organiques, précise Sharl. Les reins sont les dépositaires de notre énergie vitale de régénération, de l’énergie sexuelle, le Jing. Si on use ces cartouches-là, c’est ce que fait le café, on va vivre moins longtemps, car cette réserve d’énergie ne se régénère pas. C’est pour cela que certains maîtres taoïstes sont contre l’utilisation du café », poursuit-il.
Doit-on pour autant exclure radicalement le café de notre vie ? Shadie rappelle que « la connaissance de soi est primordiale, certaines constitutions où l’eau et la terre sont plus présentes (kapha) seront par exemple moins affectées. Le tout est d’adopter une consommation consciente, adaptée à notre “norme” personnelle. Ce qui est trop pour moi ne l’est pas pour vous... » Bon sens, responsabilisation et observation de soi sont donc nécessaires pour conserver son équilibre physique et énergétique.
Le café doit être pris comme une médecine et non pas comme une béquille dont on oublie la raison primordiale.
La médecine du café
Pour Shadie et Sharl, il ne fait aucun doute que le café est une plante maîtresse du chamanisme, au même titre que l’ayahuasca, les psilocybines et le cacao, même si le monde occidental l’a oublié. Surconsommation, perte du sens du sacré, course à la performance et à la productivité ont dénaturé notre rapport à cette plante, tout comme à celle du tabac. « Ce qui est intéressant, explique Sharl, c’est le binôme café-tabac qui, même s’il est moins important qu’il y a une trentaine d’années, a une raison d’être culturelle mais aussi chamanique. Ces deux substances sont très puissantes et très yang. Elles sont caractérisées par un yang excessif : du feu sans eau. C’est un excès de yang qui conduit à une surexploitation de la planète... Ça va loin ! C’est aussi la force et la puissance de ces deux médecines qui, si elles sont utilisées avec sagesse, nous apportent des capacités évolutives, de percer, d’être pointus. » Sans tomber dans un dualisme trop restrictif, la consommation de café a toutefois son utilité et une vraie résonance dans nos vies occidentales. « Ce sont des médecines très fortes du renouvellement, pour dépasser les toxicités, pour passer à travers le poison, c’est transformatif. Mais le café doit être pris comme une médecine et non pas comme une béquille dont on oublie la raison primordiale », conclut Sharl sur cette question.
Un autre aspect oublié de cette médecine ancestrale se révèle dans la divination. La caféomancie, ou la lecture du marc de café, est un support divinatoire utilisé au Moyen-Orient et en Europe depuis la Renaissance. La région de Kaffa, en Éthiopie, conserve une mémoire vivante des rituels de préparation de ce breuvage, héritière d’une tradition spirituelle ancestrale. Certains praticiens se servent également de la poudre de café pour effectuer des dégagements, lors d’attaques énergétiques et spirituelles. D’autres encore l’utilisent comme agent protecteur, notamment en traçant des mandalas et autres symboles sacrés. Shadie rappelle finalement la dimension éminemment purificatrice de ce breuvage, diurétique et laxatif, parfois utilisé pour des lavements thérapeutiques dans certains centres ayurvédiques en Inde.
Justine Boyer est diplômée d'une licence d'histoire de l'art (Université d'Aix-Marseille) et titulaire d'un master en muséologie (École du Louvre).
Après avoir travaillé un temps en galerie de peintures anciennes et auprès d'un chasseur de météorites, Justine travaille actuellement pour l'INREES en tant que responsable de communication et des partenariats. ...
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Inexploré n°56
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