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Biographe
hospitalier,
l’ultime
confident

Ils sont les derniers confidents, ceux qui recueillent la vie des personnes gravement malades pour en faire œuvres et traces. En 15 ans, les biographes ont trouvé leur place dans une cinquantaine de services hospitaliers en France. Au-delà du réconfort qu’ils apportent, ils interrogent notre rapport à ce qui fait « soin » et à ce qui fait « vie ».
Biographe hospitalier, l’ultime confident
Fin de vie
« Depuis le début de ma maladie, j’écris plein de choses dans un carnet, pour que mes deux enfants sachent un maximum de choses sur leur maman. Alors quand mon médecin m’a parlé de la biographie, j’ai réfléchi. Lorsque la biographe m’a proposé d’écrire un livre ensemble, j’ai accepté. Nous avons commencé l’après-midi même sur un grand cahier jaune. Jaune comme le soleil. Car ceux qui me connaissent savent que je ris en permanence. » Ces mots sont ceux d’une femme qui, depuis, a été emportée par la maladie. Ils figurent dans le livre auquel elle a donné naissance, peu avant sa mort.

« Tout a commencé en 2007 », raconte Valéria Milewski, fondatrice de l’association Passeur de mots et d’histoires, quand une idée germe dans sa tête : permettre à une personne gravement malade de confier son histoire à un biographe, en partenariat avec l’équipe de l’hôpital, et rémunéré par celui-ci. « Se raconter permet de se rassembler, de se pacifier et de transmettre », indique Valéria Milewski. Se remémorer des moments, des saveurs. Exprimer des excuses ou des regrets. Laisser des mots de tendresse… Autant de graines pour dépasser le chaos d’une fin imminente et retrouver l’épaisseur de qui l’on a été.

« Je me souviens d’un homme. Quand je suis arrivée pour recueillir son histoire, il était sans pudeur, le drap épars, le T-shirt mal mis », témoigne une biographe hospitalière. « À mesure qu’il avançait dans son récit, je l’ai vu se redresser, relever son drap, remettre son T-shirt. Cette image est pour moi le symbole de ce que nous apportons : le fait de pouvoir, à travers le récit, puiser le courage d’être soi, l’énergie de créer et de revendiquer son humanité. »


Réanimer la vie


Paris, avril 2023 : le ministère de la Santé accueille le premier colloque sur la biographie hospitalière. Il y a 15 ans, cette profession n’existait pas. À l’heure actuelle, en France, ils sont quelques dizaines à exercer dans une cinquantaine de services. « Ils font partie de l’équipe soignante », estime le Dr Frédéric Duriez, oncologue au Centre hospitalier de Chartres. C’est lui qui, le premier, a fait confiance à Valéria Milewski. « Quand la mort est proche, qu’est-ce qui fait que la vie peut être encore vivable ? », s’interroge-t-il. Quand la question qui obsède est : « Pour combien de temps j’en ai ? », le récit de soi peut être le moyen de s’extirper du cercle délétère de la tristesse pour « inventer sa propre fable », celle qui permettra de « vivre encore », voire de « réenchanter » sa fin de vie.

En hébreu, le mot « maladie » signifie « tourner en rond ». Face à l’épreuve, comment ouvrir des fenêtres, proposer des échappatoires ? D’abord, « par l’œuvre médicale qui doit s’acharner à soulager la douleur physique et permettre au malade de se reposer dans un vrai sommeil », estime le Dr Duriez. Mais aussi « par l’aide et la réassurance sociale », ainsi que par « l’écoute de la souffrance, qui doit pouvoir se dire ». Parce qu’ainsi, « on lève l’interdit que le malade se donne de l’exprimer », détaille-t-il, et on lui permet de glisser vers une relation au travers de laquelle il va échapper aux « il faut » – lutter, être fort, garder le moral… – pour dire : « Voilà ce que j’ai fait, voilà comment j’ai assumé. »

La biographie hospitalière s’inscrit dans cet élan. « Déjà, elle offre la rencontre étonnante avec un biographe », souligne-t-il. Il est donc possible, au seuil de sa mort, de faire et de laisser surgir « l’inattendu et le réjouissant » ! « La biographie, c’est aussi la relecture d’une histoire dont on redécouvre la densité, ajoute-t-il ; le retissage de liens dans une vie parfois décousue ; un étai sur lequel s’appuyer pour sortir des sables mouvants dans lesquels on s’enfonce… Et un cadeau aux survivants, qui disposeront d’un lien d’amour, d’une mémoire. En soupesant le livre, on sent le poids de cette vie, précieuse, unique. »


Au-delà de la dignité, la délicatesse


S’asseoir, écouter l’intime, aider le malade à nourrir son récit : (...)

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À
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auteur

  • Réjane d' Espirac

    Autrice et réalisatrice
    Réjane d'Espirac collabore à Inexploré par la rédaction de reportages, de récits, d'entretiens, et la réalisation de documentaires. ...
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