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Bali,
terre
de
spiritualité

Surnommée « l’île des dieux », Bali est une terre où la spiritualité fait partie intégrante de la culture et de la vie quotidienne. Éric Grange, fondateur d’Oasis Voyages, raconte ses multiples rencontres avec les balians, guérisseurs traditionnels qui font intervenir leurs dons dans le cadre de rituels précis, uniques dans l’archipel indonésien.
Bali, terre de spiritualité
Lieux mystérieux
Éric Grange est pionnier d’un nouvel art de voyager. En 2007, attiré par les spiritualités d’ailleurs et les pratiques ancestrales, appelé à parcourir le monde, il fondait Oasis Voyages, la première agence spécialisée dans les circuits en conscience. Parmi les nombreuses terres qu’il a eu l’opportunité d’explorer, figure Bali, son « lieu de ressourcement personnel ». Posons un pied sur cette enclave hindouiste unique, empreinte de mystère, où la spiritualité n’est pas un concept mais un art de vivre.


Bali est une île connue pour être imprégnée de spiritualités. Quelles formes prennent-elles ?


Bali est surnommée « l’île des dieux ». C’est une culture où le système social est entièrement basé sur la spiritualité. Depuis le moment où l’individu est dans le ventre de sa mère, il démarre un parcours spirituel ritualisé qui durera jusqu’à la dernière étape de sa vie, sa crémation. Le parcours d’un Balinais est ainsi balisé, lorsque les jeunes filles ont leurs règles, lors de mariages, de maladies… À la naissance de l’enfant, des rituels sont célébrés afin que les dieux lui accordent les meilleurs auspices, et tout le village se déplace. Au-delà du parcours individuel se tisse un parcours collectif.

En 1963, lors de l’éruption du volcan Agung, des rituels ont été célébrés au temple Pura Besakih, le plus haut de l’île et le plus sacré aux yeux des Balinais. Durant 30 jours, nuit et jour, les différents villageois sont venus réciter des mantras pour que les dieux soient en paix, et demander pardon pour ce qu’ils auraient mal fait. Aujourd’hui, avec la crise sanitaire, imaginez comment se passeraient les choses si la vision balinaise s’exprimait à l’échelle de la planète ! Tout le monde se mettrait à prier pour que nous puissions entendre le message, pour que l’humanité fasse un saut quantique de compréhension, en s’unissant, pas uniquement pour les recherches scientifiques, mais aussi dans une dimension spirituelle qui unifierait les âmes…


Avez-vous vécu des moments fondateurs lors de vos voyages sur l’île ?


Un moment en particulier m’a marqué. Lors d’un voyage de repérage à Bali, j’ai demandé à mon guide local de me présenter des personnalités spirituelles. Un jour, il m’a emmené à la rencontre d’un homme. Nous nous sommes installés pour prendre un thé et le monsieur, qui se trouvait face à moi, me souriait constamment. Curieux, il m’a demandé comment je m’appelais, d’où je venais. Les Balinais ont pour habitude de poser immédiatement des questions qui peuvent surprendre : es-tu marié ? As-tu des enfants ? Le code balinais invite à ne jamais répondre par la négative, à préférer un « pas encore » à un « non »…

J’ai interrogé mon interlocuteur sur le type de spiritualité qu’il propose. Mais il est resté mutique. J’ai alors remarqué qu’une personne présente dans la pièce me souriait, me regardait avec des yeux pleins d’amour. Mal à l’aise à force d’insister, je me suis tourné vers mon guide pour obtenir des explications. À l’issue de la rencontre, j’étais très frustré. Mon guide m’expliqua alors que les Balinais ne parlent pas de spiritualité : « à Bali, on parle “à” Dieu, mais pas “de” Dieu. » C’est LE grand message que m’ont transmis les Balinais. J’ai compris que certaines dimensions se transmettent dans le silence. Aujourd’hui, si un évènement difficile survenait dans ma vie, mon premier réflexe serait de prendre un avion et d’aller retrouver les guérisseurs balinais. C’est mon lieu de ressourcement personnel…


Bali est une île connue pour ses guérisseurs, appelés balians. Avez-vous des souvenirs de guérisons marquantes ?


J’aime beaucoup raconter l’histoire d’une voisine prénommée Jeanine. Il lui a fallu trois ans pour se décider à venir au voyage que j’organisais chaque année à Bali. Lors de son inscription, elle m’a intrigué car elle posait quantité de questions sur le contrat d’assurance. Puis lorsque nous avons embarqué dans l’avion, les questions très nombreuses ont continué, elle s’inquiétait des détails du voyage, des escales ou des temps de marche… Cette habitude avait fini par créer un malaise dans le groupe. Une fois arrivés sur place, après un rituel de purification, d’offrande et de bénédiction, nous sommes allés à la rencontre d’un guérisseur. Ayant accompagné des centaines de voyageurs, j’ai constaté que les balians interviennent toujours de façon très personnalisée... Lorsqu’est venu le tour de Jeanine de pénétrer dans l’espace sacré où intervient le guérisseur, ce dernier lui a refusé le passage, arguant que son mental était trop fort, qu’il ne pouvait rien pour elle. À ce moment, Jeanine a éclaté en sanglots. 48 heures plus tard, avant de partir vers notre prochaine étape, j’ai proposé au groupe que nous repassions voir le guérisseur, pour lui représenter Jeanine. Cette fois-ci, il était d’accord pour intervenir. Il a réalisé un rituel particulier, avec de l’herbe qu’il a projetée avec sa propre salive sur ses tempes de Jeanine, puis a fait des mouvements de mains sur sa tête… Le tout a duré environ un quart d’heure. À l’issue du soin, Jeanine était totalement transformée, au point que nous étions étonnés qu’elle ne pose plus aucune question. C’était un moment très marquant pour moi.


La tradition des balians est unique au monde. Comment ce système est-il organisé ?


À Bali, il y a quatre fois plus de guérisseurs que de médecins. Il en existe de très nombreuses catégories : la famille peut consulter un guérisseur spécialisé, ou plus généraliste. Les balians généralistes vont beaucoup travailler avec les lontars, de gros livres contenant quantité d’informations techniques relatives à la date de naissance de l’individu à traiter. C’est une sorte d’astrologie, différente de celle pratiquée chez nous. Dans le référentiel balinais, si quelqu’un tombe malade c’est qu’il n’est pas en paix avec ses ancêtres. Cela s’apparente à ce qu’on appelle constellation familiale en France, et cette pratique existe depuis des siècles là-bas… Le grand prêtre peut prescrire des rituels, cérémonies ou offrandes pour aller réharmoniser cette relation. À Bali, lorsque quelqu’un tombe malade, ce n’est pas l’affaire d’un individu mais de toute une famille, et même de tout un village…


Quelle importance a le rituel dans leur expression de la spiritualité ?


En observant des guérisseurs intervenir dans les grands temples collectifs, on peut constater que les pratiques sont très ritualisées. Nous devons être en tenue traditionnelle. On prend en compte le corps, l’environnement (la famille, le village), et la partie spirituelle ou invisible, avec notamment les ancêtres. Tout traitement ou cérémonie passe par cette trinité que l’on appelle « Tri Hita Karana », les trois piliers de l’harmonie. Systématiquement a lieu le processus séculaire constitué d’une purification, d’une offrande puis d’une bénédiction. Les Balinais ont construit une spiritualité propre à leur île, qui se distingue des autres îles indonésiennes. Je me souviens d’un grand prêtre qui m’a beaucoup touché, il nous aspergeait d’eau bénite avant de rentrer par la première porte du temple. Puis s’ensuivaient des gestes pratiqués trois fois : il nous réaspergeait du même liquide à l’aide de feuilles de palmier, nous nous servions du riz, et récitions des mantras. L’ensemble du rituel se terminait par la remise d’un petit bracelet rouge noué autour du poignet, qui signe la fin du processus. Dans cet espace de silence et de gestes, ou au son des mantras psalmodiés par le grand prêtre, entouré de divinités, je ressens toujours une dilatation de l’être et du cœur. Encore une fois, il n’est ici pas question de parole, qui au regard du divin ne peut être que limitante et limitée. C’est une expérience qui ne ressemble à aucune autre, à condition que le voyageur vienne dans un esprit de découverte, qu’il porte ses vêtements sacrés, et fasse preuve de curiosité spirituelle.


Comment s’articule le lien entre médecines traditionnelles et modernes ?


Tous les Balinais commencent leur journée par des offrandes, c’est leur premier geste. Chaque habitation a son propre petit temple familial. Même dans les coins les plus touristiques, les commerçants déposent des offrandes sur le trottoir, de l’encens, du riz, des fleurs, la représentation d’une divinité… Dans les hôpitaux, les intervenants médicaux ont eux aussi réalisé leur rituel du matin. Bien qu’ils soient dans une pratique médicale, si leur « faire » est médical, leur « être » est imprégné de l’esprit balinais.

À
propos

auteur

  • Aurélie Aimé

    Journaliste
    Journaliste, réalisatrice et auteure, Aurélie Aimé est spécialiste du monde des spiritualités et de l'écologie. Son parcours professionnel lui a permis d’explorer inlassablement ces sujets et de partager ses découvertes. D’abord, elle a été journaliste et animatrice télé sur M6, spécialiste de « récup’ » et d’ « astuces de grands-mères » pour l’émission 100% Mag. Puis en 2014 elle a rejoint la rédaction de l'INREES, de Kaizen, puis de Natives, entre autres. Elle est l’auteure de plusieurs ou ...
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