Juan Pérez est un Argentin de la culture gaucho, d’origine guaranie. En 1978, âgé de douze ans, il vit une « rencontre rapprochée » avec des êtres étranges, qui changera à jamais son existence (voir encadré). Quarante-deux ans plus tard, le réalisateur Alan Stivelman a retrouvé Juan et dresse dans un documentaire exceptionnel, Témoin d’un autre monde, le portrait intime de l’homme qui, depuis, vit reclus, en proie à des rêves terrifiants... De plus, il a obtenu la contribution rarissime de Jacques Vallée, certainement le plus grand expert français en matière d’ovnis, reconnu internationalement mais très discret dans les médias. Les deux hommes, réunis autour de cette histoire hors du commun, ont accepté de répondre à Inexploré. Rencontre inédite !

En 1978, à douze ans, Juan Pérez fait une rencontre extraordinaire. Pourquoi avez-vous souhaité raconter son histoire ?

Alan Stivelman : Le projet a démarré telle une quête personnelle, pour essayer de comprendre l’origine du phénomène ovni. Mais au fil du temps, remarquant la profonde tristesse de Juan, j’ai décidé de changer l’axe narratif, je voulais tenter de lui fournir des réponses, qu’il ait les outils nécessaires pour donner plus de sens à ce qu’il avait vécu à douze ans. Puis, pendant le tournage, Juan a fait des rêves précognitifs. J’ai alors découvert qu’il s’agissait de sa plus grande peur : il se sentait coupable des accidents survenus quelques jours après en avoir rêvé, et pensait en être la cause. Pour lui, dormir était de l’ordre de l’exploit, car il était toujours en alerte, craignant d’avoir une visite « extraterrestre » ou de vivre un rêve prémonitoire. Le film tente de dépeindre la solitude d’un homme, son âme « brisée », aspirant à des réponses. L’honnêteté de Juan nous fait sympathiser avec son histoire, donne envie de le serrer dans nos bras. C’est ce que j’ai ressenti lorsque je l’ai rencontré. J’espère que le film aidera ceux qui, même sans avoir vécu d’expériences de ce type, peuvent se sentir seuls, dans ce monde pourtant hyperconnecté.

L’histoire de Juan Pérez
Juan Pérez est né en Argentine, en 1978. Enfant de la campagne élevé au sein de la culture gaucho, sa vie sera bouleversée à l’âge de douze ans. Alors qu’il s’en va rassembler le troupeau, il observe ce qu’il identifie comme un « tracteur » blanc, portant un « chapeau ». Le garçon se rapproche : une porte s’ouvre, puis une échelle s’abaisse. Il pénètre dans l’objet. À l’intérieur, il rencontre deux êtres, l’un d’entre eux mesure près de deux mètres, et semble donner des instructions à un écran tactile. Le second, plus petit et semblable à un robot, coupe de la viande sur une table transparente. L’histoire du jeune Juan, corrélée à des témoignages semblables, sera largement relayée à l’époque, suscitant curiosité et discrédit.

M. Vallée, vous refusez habituellement de participer aux documentaires sur les ovnis. Quelles circonstances vous ont amené à vous intéresser à celui d’Alan Stivelman ?

Jacques Vallée : Les documentaires sont en général polarisés de manière assez primitive, du genre « Pour ou contre les ovnis ? », ce qui nous ramène 70 ans en arrière. Ils sont conçus comme des patchworks d’interviews individuelles diverses, où il est très difficile d’introduire une notion scientifique nouvelle ou de montrer en profondeur l’expérience d’un vrai témoin dans un cas extraordinaire, comme celui de Juan Pérez en 1978. Par contre, quand Alan m’a contacté en proposant de m’interviewer à San Francisco, il m’a expliqué que son film était entièrement consacré à Juan, que j’avais rencontré en Argentine en 1980, soit 36 ans auparavant, et qu’il avait retrouvé. Il cherchait donc une continuité dans le phénomène, comme moi.

Ce lien avec l’enfance du témoin était-il important ?

JV : Il existe très peu de cas où un témoin a été étudié sur une période d’une quarantaine d’années, comme nous avons pu étudier Juan, et ainsi l’aider à intégrer son expérience dans l’ensemble de sa vie. Pour Alan, la rencontre de Juan avec des êtres inconnus était, a priori, un événement isolé dans les souvenirs d’un sujet adulte, qui pouvait s’interpréter comme une vision. Or, j’avais gardé dans mes dossiers mon étude complète du cas, fondée sur ma rencontre avec Juan quand il avait quatorze ans, c’est-à-dire deux ans seulement après son expérience. J’avais aussi relevé que trois autres cas d’observations d’ovnis avaient eu lieu la même semaine dans cette localité, indépendants les uns des autres. Alan ne connaissait pas ces observations indépendantes, donc je lui ai envoyé toutes mes notes pour qu’il juge sur pièces, avec les photos et mes interviews de l’époque. Pour moi, la vision de Juan s’appuyait sur des paramètres parfaitement physiques. Quand Alan m’a appris le traumatisme qui s’était développé dans sa vie à la suite de son expérience, j’ai proposé d’aller en Argentine pour renouer le contact, avec l’espoir de reconstruire une continuité pour ce qu’il avait vécu, espérant que cela aurait un effet thérapeutique, tout à fait indépendamment de l’aspect « ufologique » du cas, qui est passé au second plan.(...)