« Mais que diable [vais-je encore] faire dans cette galère ? »⁽¹⁾ En astrologie, lorsqu’on évoque « Mars rétrograde », la majorité d’entre nous s’attend aux pires catastrophes associées à cet archétype : guerres, conflits, empêchements… Pourtant, nous pourrions mieux comprendre les enjeux subtils à l’œuvre en dépassant ces généralités et en observant les énergies mobilisées. Pour saisir l’influence de la planète rouge, direction le mont Olympe. C’est dans la Grèce antique que l’astre est associé au dieu Mars (Arès) qui, doté de son casque de combattant, d’un glaive et d’un bouclier, mène à bien ses missions de chef de guerre. Surnommé le « dieu des larmes », il n’a pas la meilleure des réputations… C’est oublier qu’il forme un couple avec la belle Vénus, et met aussi ses ardeurs, son énergie, au service de l’amour et de la sexualité.

« Les planètes sont des énergies représentatives d’une particularité de notre psychisme », décrypte Carole Sédillot, conférencière, formatrice en symbolique et mythologie. Quelle serait alors l’empreinte de Mars sur nous ? Ses maîtres mots : l’esprit de décision, de séduction, la force, le courage et la loyauté, qui pourraient tourner, lorsqu’il rétrograde, à la violence, la colère ou l’agressivité. Surtout, selon Carole Sédillot, « c’est un dieu agissant. Il est là pour nous permettre de nous engager, d’affirmer, de prendre position dans quelque chose qui va s’extérioriser. Il nous parle d’une capacité et d’une qualité énergétique. Si son côté négatif est tranchant, blessant, Mars demande : comment nous engageons-nous ? »

L’énergie au service de notre â(r)me

Sans intentions qui la dirigent, une énergie est dispersée et chaotique, partout à la fois. Mars rétrograde nous questionne : quel usage puis-je faire de toute l’énergie disponible, et comment la canaliser ? Yoann Roch, astrologue et enseignant en arts martiaux, affirme que si l’on « a tendance » à réduire Mars rétrograde à de la violence, « cela peut être un excellent moment pour se demander : “comment utiliser mon épée ?”, c’est-à-dire ma volonté, mon pouvoir d’action, et surtout, “comment pacifier cet instinct agressif par la relation, par l’amour, par les arts ?” C’est peut-être le plus important, parce que le dieu Mars est pacifié par les arts. »

Comme un cours d’eau remontant vers sa source, Mars rétrograde nous ramènerait aussi vers les origines de nos motivations et de nos désirs les plus profonds… Du côté obscur de la force, avec Mars rétrograde, je subirais et ferais subir ma violence au service de mon ego, mais du côté lumineux, je pourrais mettre cette énergie au service de mon âme et d’une vocation qui transcendent le « petit moi ». Dans l’astrologie spirituelle étudiée par Yoann, le sankalpa (du sanskrit, san signifiant « connexion à sa vérité » et kalpa « souhait ») synthétise notre intention spirituelle et ressort dans le thème. « Si la personne n’est pas en lien avec son sankalpa, toutes les planètes vont s’exprimer dans leur côté frustré », nous dit-il. Pendant Mars rétrograde, nos vies seraient comme des horloges qui tournent à l’envers, nous rappelant que, parfois, pour aller de l’avant, il faut d’abord reculer… à l’intérieur de soi ?

Les cycles, un cadeau du ciel ?

Mars rétrograde serait « une opportunité de reconsidérer la manière de se remettre en question », postule Carole Sédillot. Aussi, comme une danse céleste, lorsque Mars rétrograde dans notre ciel de naissance, chaque pas en arrière serait une invitation à revisiter nos choix passés avant de faire un nouveau mouvement vers l’avant. Et de sortir du cycle des répétitions ? D’après Yoann Roch, ces cycles sont autant d’opportunités d’aller de l’avant : « Si je ne me remets pas en question, je plante des ronces, je récolte des ronces, puis je recommence. Les cycles planétaires, les rétrogradations nous permettent de regarder à l’intérieur pour prendre du niveau, et comme nous l’enseigne le mot “rétro-grade-ation”, pour “prendre du grade”. » Comprendre les transits offrirait ainsi un gain de temps considérable permettant de connaître les moments les plus opportuns pour bénéficier de l’intelligence de l’Univers… et cocréer avec lui. Que Mars soit rétrograde dans votre thème de naissance ou qu’il entame une rétrogradation ponctuelle, comment « surfer sur la vague martienne » ? Pour l’astrologue et symboliste Luc Bigé, dans un thème astrologique, les planètes directes nous parlent de notre manière de vivre dans le jour, tandis que les planètes rétrogrades évoquent notre exploration du monde de la nuit. Il décrit ainsi, sur son site Internet⁽²⁾, que « l’exploration de la nuit suppose que la personne soit en permanence son propre laboratoire. Elle est comme immergée en elle-même et incapable de parler de son expérience en cours. Elle-même ne sait pas où elle va. Elle a déjà franchi un grand pas lorsqu’elle accepte cette marginalité naturelle et ne cherche plus à imiter le comportement des planètes directes. » Aussi, combien de Mars rétrogrades chez les apôtres de la non-violence ? C’est la question que pose le spécialiste… Si les personnes ayant sublimé cet aspect font figure d’exceptions, « nous pouvons transformer une rétrogradation si nous décidons de l’accueillir, de la prendre en main et de reconnaître le travail qu’elle accomplit au fond de la psyché. Comment se fait le retournement ? Par la reconnexion de la fonction planétaire au ressenti intérieur de l’être, par son contact toujours plus intime avec son âme, avec son Soleil. »

Lorsque Mars rétrograde à l’échelle mondiale

Si les rétrogradations de Mars ont un impact sur nous au niveau personnel, elles influenceraient aussi le monde plus globalement, en particulier la capacité de défense de tout un pays, puisqu’il invoque et évoque aussi la sphère militaire. « À l’échelle mondiale, Mars rétrograde remet en question la posture de l’humanité quant à sa gestion de sa force, de son énergie, de sa violence, de son impulsivité. Et l’une des plus grandes problématiques actuelles de notre planète, c’est la mauvaise gestion de cette énergie : Mars est vécu à un bas niveau de conscience », déplore Yoann Roch. Mars va rétrograder cette année du 6 décembre 2024 au 24 février 2025, dans le signe du Lion, puis dans celui du Cancer, influençant l’actualité mondiale tout comme elle le fait chez les individus. Le Lion peut questionner sur la manière d’agir sans ego, tandis que le Cancer peut toucher à la sphère émotionnelle.

Si chacun de nous absorbe inconsciemment ce qui se joue à l’échelle collective, comment se mobiliser face à des enjeux géopolitiques sur lesquels nous n’avons – en apparence – pas de prise ? Carole Sédillot indique : « Si la pensée crée la forme, cela interroge sur la manière que l’on a de se mobiliser à l’intérieur : où est mon niveau de refus et où est la guerre en moi ? La qualité du collectif est le résultat de la qualité de l’individu, et si je ne travaille pas sur la qualité de l’individu que je suis, je ne pourrai pas participer à un collectif de qualité. »

Si Mars parle de « faire », ne s’agit-il pas, aussi, de « laisser faire » ce qui est à l’œuvre, en y mettant de la conscience ? « Avec des planètes rétrogrades, il s’agit idéalement d’apprendre à se réaliser dans le non-effort. […] Le non-effort consiste à laisser vivre la nouvelle vie qui hante le cœur, à accepter les nœuds psychologiques qui surgissent, à conserver une foi sans attentes vis-à-vis du nouveau cristal de sens qui deviendra pleinement conscient au moment de la conjonction entre la planète qui rétrograde et le Soleil. Arrivée à ce point, la personne commence à comprendre de l’intérieur que ce qu’elle avait toujours perçu comme un handicap était en vérité une grâce », constate Luc Bigé.


(1) Citation adaptée des Fourberies de Scapin, de Molière.
(2) « Comment interpréter une planète rétrograde en astrologie ? »