Le pain, aliment universel et essentiel, a traversé les âges en conservant une place centrale dans nos sociétés. Entré avec nous dans l’ère industrielle et
matérielle, il semble avoir perdu cette dimension sacrée.
Savoirs ancestraux
Radoslaw Czajkowski / Alamy Banque D'images- Domaine Public
Depuis les premières civilisations, le pain a toujours été bien plus qu’un simple aliment. Dans l’Égypte ancienne, il accompagnait les morts dans leur voyage d’éternité. Dans la Grèce antique, il représentait Déméter, déesse grecque de l’agriculture (Cérès chez les Romains, qui donna le mot « céréales ») et de la moisson, symbole de fertilité, de vie et de partage. Dans la tradition chrétienne, le pain est au cœur de la cérémonie de l’Eucharistie, symbolisant le corps du Christ partagé lors de la communion. Le pain incarne l’acte de se nourrir, de subvenir aux besoins essentiels de l’humain, en écho à son travail, au fruit de son labeur. En offrant du pain, on partageait bien plus que de la nourriture ; on faisait don d’une part de soi, d’une part de sa culture, on se reliait ensemble au divin. L’écrivain Jean-Philippe de Tonnac, qui a aussi passé un CAP de boulanger, a écrit plusieurs ouvrages sur ce thème, dont un dictionnaire dédié au pain. Dans son dernier livre(1), il assène gravement : « En entrant dans l’ère industrielle, le pain a perdu son âme, et il n’est plus relié ni à la Terre ni au Ciel. » Qu’en est-il de nous, qui le fabriquons et le mangeons ? Notre relation à ce pain sacré est-elle rompue ? Pourquoi et comment la restaurer, et, avec elle, rétablir le lien à notre spiritualité ? Le recul de la consommation est peut-être dû à la baisse de qualité, mais aussi aux changements de vie et d’habitudes alimentaires. Il fait néanmoins écho au dépouillement spirituel qui accompagne la nourriture dans son ensemble ; comme dirait Jean-Philippe de Tonnac, « le pain est tragique comme notre condition est tragique ». Quelques boulangers et céréaliers tentent cependant aujourd’hui de retrouver le chemin de la panification naturelle.
S’inspirer de pratiques ancestrales
Le pain est bien plus qu’un simple aliment. Selon Jean-Philippe de Tonnac, la thèse de certains historiens qui font des Égyptiens les inventeurs du levain pourrait trouver sa justification dans le rapport que ceux-ci entretenaient avec la mort. En effet, ce peuple habitué à embaumer ses défunts a eu très tôt une connaissance de la « putréfaction ». La vie dans la vie, l’émergence bactérienne à l’origine de la transformation de tout. Déjà, le sacré était dans toute chose pour cette civilisation visionnaire.
« Qu’est-ce que l’art du levain, sinon celui de maîtriser l’évolution d’un milieu avant que celui-ci ne se dégrade, ne se corrompe et ne meure ? écrit l’auteur. Le levain est une mise en culture de bactéries colonisant naturellement la farine. […] Les Égyptiens avaient compris l’intérêt de ces évolutions fermentaires pour l’essor de la panification et pour la compréhension de la vie-mort-vie. » Dans l’islam, le pain est vénéré, le Coran mentionnant plusieurs fois les céréales comme un don de Dieu. Pendant le ramadan, il joue un rôle clé lors des repas de l’iftar, où les familles et les communautés se réunissent pour rompre le jeûne quotidien. Ce moment de partage renforce les liens sociaux et spirituels. Les cultures indigènes à travers le monde accordent aussi une importance sacrée au pain et aux céréales. Les Mayas, par exemple, considèrent le maïs, et donc les tortillas de maïs, comme un don des dieux. Cet ingrédient est au cœur de leur cosmologie et de leurs rituels, représentant la vie et la subsistance. Au Pérou, de petites statuettes de pain accompagnent les morts dans le voyage vers l’au-delà.
« Les t’anta wawas (littéralement “enfants de pain” en langues quechua et aymara) sont des figurines de pain sucré et épicé en forme de nouveau-né emmailloté que les peuples andins déposent sur le tombeau de leurs défunts les jours de la fête des Morts et de la Toussaint », raconte Jean-Philippe de Tonnac. Elles seraient issues de la fusion d’anciens rituels d’origine préhispanique avec des coutumes de la culture populaire espagnole. Le pain est un « trait d’union » entre le ciel et la terre, entre les hommes et les dieux, entre les hommes eux-mêmes, à travers le temps et les cultures.
Le pain en France
Depuis la Seconde Guerre mondiale, nous sommes passés de 900 à 100 g de pain par jour et par personne.
12 millions de personnes entrent chaque jour dans une boulangerie.
27 millions de baguettes sont vendues quotidiennement et leur prix a augmenté de 35 % en 20 ans.
95 % des Français mangent du pain tous les jours.
Accepter le pain des initiations
Dans le judaïsme, le pain a une signification spirituelle profonde,
particulièrement à travers la célébration de la Pâque autour d’un pain (matsah) sans levain, appelé azym (étym. « sans levain », du grec a-zumos). Dans le prolongement du judaïsme, le christianisme accorde également une importance centrale au pain. Lors de la Cène, Jésus-Christ partage le pain avec ses disciples en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » Ce rituel, qui se perpétue au cœur de la messe chrétienne, symbolise la présence de Jésus et son sacrifice pour l’humanité. « Le pain et le vin sont le résultat d’une transformation : une vie végétale (épi, raisin) est “sacrifiée” », rappelle le prêtre Michel Salamolard. Ainsi, dans le rituel de l’Eucharistie, présence et pain se rencontrent et ne font plus qu’un.
Journaliste et rédactrice en chef adjointe d'Inexploré magazine
Melanie Chereau est journaliste et auteur de plusieurs ouvrages. Ses thèmes de prédilection sont la spiritualité, la naturopathie et les médecines douces.
Elle pratique le bouddhisme depuis plus de 17 ans, est formée en Reiki et en aromathérapie. ...
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