Les Druzes, qui sont originaires du Liban et de quelques pays alentour, pensent qu’un esprit ne peut pas exister sans corps. Selon eux, une personne renaît dans un corps physique à l’instant même où elle meurt. En majorité, les autres cultures qui croient en la renaissance conçoivent un laps de temps entre les vies. Que se passerait-il alors ? Conséquence logique de l’hypothèse de la réincarnation : l’esprit d’une personne continuerait à vivre entre deux vies terrestres. Veer Singh, un petit garçon indien, raconta avoir déjà vécu. Il révéla des détails exacts de la vie de Som Dutt. Chose étrange,
« il avança être resté près de la maison de Som Dutt après sa mort et avoir habité dans un arbre. Il prétendit même être allé au mariage du frère de Som Dutt et donna des détails sur la nourriture qui y avait été servie », informe le Dr Tucker dans
Une vie avant la vie. Le petit garçon mentionna qu’après « sa mort », il y avait eu un procès impliquant « sa » famille ainsi que la naissance de nouveaux enfants. Veer Singh raconta aussi avoir été énervé par des femmes qui jouaient avec une balançoire suspendue à son arbre. Il aurait cassé la planche de la balançoire pour ne plus qu’elles reviennent. L’enquête mit en évidence que les détails sur le mariage du frère, sur le procès ainsi que sur la naissance des enfants étaient corrects. Le père de Som Dutt confirma de son côté que la balançoire avait été retrouvée fendue dans la même période. L’esprit de Som Dutt aurait-t-il provoqué un phénomène de poltergeist ?
Des récits extraordinaires
20 % des 2 500 cas validés par les recherches des Drs Ian Stevenson et Jim Tucker rapportent des souvenirs de « l’entre-deux-vies ». Cinq cents enfants racontent avoir continué à exister après leur mort !
Les Drs Tucker et Poonam Sharma ont alors approfondi l’étude de ces récits. Ils ont trouvé qu’il y a des
« thèmes universels sous-jacents », expliquent-ils dans l’article «
Cases of the Reincarnation Type with Memories from the Intermission Between Lives ». Les psychiatres identifient ainsi trois phases types. Tout d’abord, il y aurait la phase de transition. Après leur mort, un grand nombre d’enfants rapportent avoir flotté au-dessus de leur corps, avoir mis du temps à réaliser qu’ils étaient décédés et avoir assisté à leurs propres funérailles – généralement chagrinés des pleurs de leur famille.
« Ils peuvent avoir essayé de contacter leurs proches et s’être rendu compte qu’il leur était impossible de communiquer avec les vivants », énoncent les Drs Tucker et Sharma. Des rencontres avec d’autres entités désincarnées – qui leur prodiguent parfois des conseils – ne sont pas rares. Vient ensuite une phase plus stable. Les sujets indiquent soit être restés proches du lieu de leur mort et avoir observé les vivants autour d’eux, soit être allés dans un « royaume » en dehors du monde.
Beaucoup
d’enfants
rapportent
avoir flotté
au-dessus de
leur corps.
Ces récits de « paradis » ou de « palais » n’étant pas assez nombreux, les psychiatres s’abstiennent de toute remarque. Ils notent toutefois que tous disent ne plus avoir eu de sensations corporelles, ne plus avoir été limités par les obstacles habituels et avoir pu créer par la pensée. Vient ensuite la phase de retour. Les sujets choisissent leurs futurs parents et certains racontent comment ils sont entrés dans le corps de leur mère.
« Les allégations faites par les enfants qui se souviennent de l’entre-deux vies ont besoin d’être considérées comme faisant partie d’un même phénomène global qui comprend aussi les EMI (expériences de mort imminente) », concluent les Drs Tucker et Sharma.
Hypnose pour l’au-delà
Fin des années 1960. Afin de soulager un patient souffrant d’une douleur au côté droit, le Dr Michael Newton l’hypnotise et lui demande de «
remonter à la source du problème ». Sans crier gare, son patient se « retrouve » soldat de la Première Guerre mondiale, dans une division britannique engagée dans la bataille de la Somme. Il meurt d’un coup de baïonnette portée à son flanc droit. Sa description des uniformes et de la scène se révèle exacte. Suite à cette séance, sa douleur s’estompe rapidement. Intrigué, le Dr Newton décide d’explorer les vies « passées » de ses patients. Il réalise alors qu’il est
« possible de “voir” dans l’au-delà par l’intermédiaire de sujets sous hypnose », explique-t-il dans
Un autre corps pour mon âme. Après 25 ans de recherche, après avoir fait régresser 7 000 personnes et fondé la
Life Between Lives Hypnotherapy, il constate que, bien que leurs dires ne soient pas vérifiables, une sorte de « vérité universelle » semble émerger de leur accumulation. Des concordances avec les EMI sont là aussi mises en évidence par l’hypnothérapeute. Dans les deux cas, les personnes
« découvrent qu’elles flottent étrangement autour de leur corps, essayant de toucher des objets solides qui se dématérialisent. Les deux se sentent également frustrées de ne pas pouvoir communiquer avec les vivants, qui ignorent tout de leurs interventions », compare-t-il. Certains sujets ont l’impression d’être enveloppés dans une lumière, d’autre la voient au loin, ce qui produit « l’effet tunnel ». La lumière semble être la destination à suivre.
Plongée dans une autre dimension
À partir de là, les sujets sont souvent accueillis par plusieurs guides ou proches décédés. Ils se sentent généralement bien. Ils s’entendent dire que dans l’au-delà, tous sont
« traités avec patience et amour », souligne le Dr Newton. Ils peuvent percevoir de la musique, entrer dans des pièces ou voir des édifices. L’âme entreprend une revue de vie et choisit soit de rester temporairement attachée au plan terrestre, soit de continuer vers
« un endroit qui favorisera la guérison », précise l’hypnothérapeute. Une fois régénérées,
« toutes les âmes, sans considération de leur expérience, finissent par arriver à un port central dans l’univers spirituel, que j’appelle “zone de transit” », poursuit-il.
« Nous sommes rassemblés dans un océan où nous tournoyons au ralenti. Ensuite, je me sens à nouveau attiré dans un petit affluent et c’est plus calme », rapporte un sujet. A la suite de cela, les personnes arriveraient à leur destination finale, l’espace de leur « famille d’âmes ».
Ils
se sentent
bien. Dans
l’au-delà, tous
sont traités avec
patience et
amour.
Elles participeraient alors à de nombreuses activités. Le Dr Newton précise toutefois que beaucoup d’entre elles signalent qu’il est difficile de mettre en mots ce qu’elles voient ou ressentent. Arrive enfin le temps de se réincarner. Les personnes décideraient de leur future vie avant de se lancer dans un retour rapide.
« Tout est confus, je glisse dans un long tube obscur, la sensation d’une caverne, ténèbres puis chaleur ! J’ai conscience d’être dans le ventre de ma mère », témoigne un sujet. D’après le Dr Newton, l’incarnation serait une expérience profonde.
Une connaissance ancestrale
Les mythes et légendes sont truffés de descriptions de mondes parallèles où les héros vont et dont ils reviennent. Les traditions ésotériques s’attellent à l’étude des mondes invisibles.
Le bouddhisme tibétain est un des courants spirituels qui ont décrit précisément les étapes de l’entre deux vies – transmises dans l’enseignement du Bardo Tödhol. Il y aurait ainsi quatre moments de transition ou
bardo : le
bardo de la vie et de la mort désigne le temps entre la naissance et la mort ; le
bardo du rêve correspond à nos moments oniriques ; la
dharmata ou
choni bardo est le court dévoilement de l’esprit juste après la mort ; enfin, le
sipa bardo regroupe la majeure partie de l’entre deux vies. Occupant une place de choix, le
choni bardo correspond à un moment de grâce qui se produirait au moment où l’âme quitte le corps physique. Tout ce qui obscurcit la nature de l’esprit serait levé un instant, l’éveil immédiat serait possible.
Cependant, la plupart d’entre nous ne percevraient pas cette ouverture et plongeraient à nouveau vers les mondes de l’illusion et les tendances karmiques. Le
sipa bardo qui suit correspond donc au voyage de la conscience avant sa renaissance. L’esprit se retrouverait alors avec un « corps mental » et continuerait à s’identifier pendant un temps à la forme de son ancien corps physique.
« Nous ne réalisons pas que nous sommes morts. Nous retournons chez nous pour être auprès de notre famille et de nos proches », renseigne Sogyal Rinpoché dans
Le Livre tibétain de la vie et de la mort. Il serait possible de rester bloqué à ce niveau et de devenir un fantôme. L’esprit
« peut se mouvoir partout où il le désire sans entraves, simplement par la pensée. Parce qu’il n’a pas de base physique, il peut passer à travers des obstacles solides », poursuit le maître tibétain. Nous aurions toutefois la possibilité de faire un bilan de notre vie passée et d’avancer dans notre progression. Nous pourrions aussi rencontrer d’autres êtres du
bardo,
« mais les êtres vivants, eux, ne peuvent nous voir, sauf ceux qui possèdent la clairvoyance », informe-t-il. Au bout d’un certain temps, notre vie future commencerait à prendre forme.
« J’imagine parfois le bardo
comme une sorte de salle de transit où l’on peut attendre jusqu’à 49 jours avant d’être transféré dans la prochaine vie », détaille-t-il. Le choix de nos futurs parents étant établi, nous plongerions dans une nouvelle incarnation. Sogyal Rinpoché note lui aussi d’importants parallèles avec les EMI. L’humanité est-elle en train de dessiner une cartographie cohérente d’un éventuel au-delà ?