C’est l’histoire d’un garçon de 4 ans, né 2 ans après le décès du frère jumeau de sa maman. « C’est moi sur la moto », dit-il un jour, devant une photo de son oncle. Ses parents passent outre. L’enfant a tellement entendu parler du défunt… Mais alors qu’il danse avec sa mère dans une fête, il dit : « Tu te souviens, la dernière fois qu’on a dansé, je t’ai protégée contre le monsieur qui voulait faire mal à ton ventre. » Stupeur : un soir en discothèque, la jeune femme avait subi une tentative de viol ; son frère était venu à sa rescousse. Personne n’était au courant. Comment accueillir de telles paroles ? Le Dr Lombard est pédopsychiatre, ancien chef d’un service hospitalier. Formé à la psychanalyse jungienne, fort de 40 ans d’expérience, l’homme est aussi ouvert qu’aguerri.

« Que l’oncle se soit réincarné pour rester proche de sa sœur est une possibilité, mais si je dis cela, je risque de perturber l’état émotionnel des parents, explique-t-il. La mère verrait dans son fils la réincarnation de son frère, ce qui serait très toxique pour le petit, et risquerait de lui créer un faux self. » Le médecin préfère présenter d’autres hypothèses : « On sait aujourd’hui qu’il y a pendant la vie fœtale une communion entre le Soi de la maman et celui de l’enfant. Ce dernier capte les émotions et les mémoires de sa mère. Il peut avoir ancré ce savoir dans sa conscience profonde et le ressortir, dans un moment d’expansion de conscience. » Pas d’inquiétude à avoir, « c’est tout à fait normal, poursuit le médecin. Cela prouve que ce petit est ouvert à son Soi », c’est-à-dire à la globalité psychique de son être, au-delà des perceptions ordinaires. « S’il arrive à obtenir ce type d’information, c’est qu’il est sensible et profond. Il ira loin, et aura soif d’harmonie. »

Conscience profonde

Des enfants dotés de telles capacités, le Dr Lombard en croise de plus en plus. « Depuis 10 ans, j’en vois partout ! sourit-il. Parmi les 600 enfants dont je m’occupe, au moins 60 sont concernés. » Une maman se rappelle par exemple comment sa fille, à 6 ans, lui raconta qu’avant de venir au monde, elle était « au pays des bébés, où chacun choisissait sur écran ses futurs parents ». L’enfant avait déclaré avoir hésité entre trois couples. Et avait ajouté que « sur son nuage », elle était avec son frère et sa petite sœur… qui n’était à l’époque pas encore née. La mère avait écouté et demandé des précisions, en essayant de ne pas influencer le récit. La fillette avait parlé pendant trois quarts d’heure.

« Elle disait qu’elle s’y entraînait à donner des formes aux nuages, comme pour mettre son esprit au service de la création, souligne la maman. Elle m’a aussi expliqué que le temps n’était pas le même. Qu’un jour là-bas valait plusieurs semaines ici. » Le Dr Lombard n’en est pas étonné : « Notre Soi fait partie d’une dimension située au-delà de l’espace et du temps. Quand je m’amuse à interroger les enfants sur où ils étaient avant le ventre de leur maman, certains répondent : “Dans le monde d’où l’on vient”. Un sur cinq dit qu’il était quelqu’un d’autre. Jusqu’à 5 ou 6 ans, le Moi n’est pas construit et ne fait pas filtre à la conscience profonde. »

Laisser grandir

Les perceptions qui en surgissent sont parfois perturbantes. À 20 mois, avec une aisance d’élocution étonnante, Clément a déclaré à son père : « Bouddha est Jésus, Jésus est Bouddha. » Puis il s’est mis à effectuer des rituels, à répéter des mantras, à parler de Chine, d’arrestation… Inquiets, ses parents se sont rapprochés d’un centre bouddhiste. L’enfant a été reconnu comme la réincarnation d’un éveillé. « Laissez faire les choses, il sait pourquoi il est revenu, leur dit un chef de lignée. Mais il est important qu’il soit au contact d’énergies pures. Fuyez les foules, surveillez son alimentation. » Que faire : accompagner l’enfant plus avant, ou le laisser grandir sans en tenir compte ? « J’avais le sentiment qu’il avait des connaissances en lui, mais je n’ai jamais voulu lui lire des textes, pour le laisser évoluer naturellement », indique le père. Pour autant, il resta « à l’écoute », jusqu’à accepter une invitation officielle au Sri Lanka avec son fils. La mère, elle, fit un rejet. « J’avais peur, admet-elle. Parfois, il me reproche de ne pas accepter cette part de lui, mais je veux qu’il grandisse normalement. Quand il est avec moi, il ne médite pas, il n’en parle pas. » Comment savoir quand le garçon est lui-même, et quand il joue un rôle ? Ces cas nous confrontent à ce que nous projetons sur nos enfants, à nos facultés d’ouverture, à notre capacité à épanouir notre part spirituelle autant que notre ancrage matériel.

« L’essentiel est de veiller à ne pas leur forger une fausse personnalité, qui risquerait de paralyser leur vrai Moi, commente le Dr Lombard. Il ne faut rien induire, simplement recevoir, pour qu’ils se sentent compris. Créer un climat de légèreté et de confiance en leur disant
simplement, d’âme à âme : “Si tu le vis, c’est intéressant. Si tu le ressens, c’est une réalité.” S’ils se sentent écoutés, ils s’ouvriront
davantage. Tout l’art est de les mettre en situation d’autothérapie. Lorsqu’ils sont dans le Soi, les petits savent mieux que
quiconque ce dont ils ont besoin. »