La scène se passe dans les laboratoires californiens de l’Institut HeartMath, dont l’équipe mène depuis plus de vingt ans des recherches scientifiques sur le cœur. Une personne est installée devant un ordinateur, où défilent aléatoirement des images. Certaines sont associées à des ressentis positifs – une fleur, un coucher de soleil –, d’autres à des choses plus déplaisantes – un serpent en attaque, les blessés d’un accident de voiture –, ou simplement neutres – une tasse.

Les capteurs qui mesurent les activités cardiaque et cérébrale de la personne, ainsi que leurs interactions, sont formels : avant même que la photo n’apparaisse à l’écran, le cœur pressent la teneur émotionnelle de l’image et transmet l’information au cerveau. Ce n’est que lorsque celui-ci la reçoit et prévient le corps que nous en devenons conscients. Plusieurs fois confirmés, ces résultats valident l’existence, autour de nous, d’un champ d’information dont le contenu échappe à nos 5 sens. Le cœur, lui, a la capacité de le percevoir, en vigie intuitive de la charge émotionnelle de chaque situation.

Un champ intelligent

D’un bout du monde à l’autre, bien des sagesses traditionnelles estiment depuis des siècles qu’il existe une intelligence du cœur à développer, en équilibre avec celle du mental, pour maîtriser nos émotions, se libérer des cogitations incessantes, cultiver l’amour, le courage, la joie et la compassion, et atteindre une part supérieure de notre être. Les neurosciences leur ont donné raison, en découvrant que le cœur disposait de son propre « cerveau » : un système nerveux complexe, fort de 40 000 neurones, capable de percevoir, mémoriser, traiter et envoyer de l’information, indépendamment de son acolyte crânien.

Que se passe-t-il lorsque le cœur capte une information à teneur émotionnelle ? Boum, boum ! Boum, boum ! Il bondit, se serre, ralentit ou accélère. Ces battements constants créent des charges électriques, des sons, de la chaleur, des ondes de pression, des champs magnétiques et électromagnétiques, suffisamment forts pour résonner dans chaque cellule et en impacter le fonctionnement. « Le cœur est le plus puissant générateur d’énergie électromagnétique et d’informations rythmiques du corps humain », indique l’Institut HeartMath. Son activité électrique est 60 fois supérieure en amplitude à celle générée par le cerveau, son champ magnétique plus de 5 000 fois supérieur. Nos battements cardiaques ne sont donc pas seulement « les vibrations mécaniques d’une pompe appliquée, mais un langage intelligent qui influence de façon importante nos perceptions et nos réactions », confirment Howard Martin et Doc Childe (le fondateur de l’Institut HeartMath) dans L’intelligence intuitive du cœur.

Au rythme des émotions

Dans ce processus, le contenu des émotions est primordial. Sous l’effet de l’énervement ou de l’anxiété, par exemple, le rythme cardiaque devient chaotique, l’information de stress s’imprime dans le champ du cœur, les systèmes nerveux et hormonal passent en mode panique, les fonctions cérébrales s’inhibent. Porté par un sentiment de sécurité, de bienveillance ou de gratitude, en revanche, le rythme cardiaque se calme et s’harmonise. « Mettez-vous à la place de vos organes, propose l’Institut HeartMath. Lorsque vous entendez une musique agressive ou que vous côtoyez une personne stressée, cela vous affecte. A l’intérieur du corps, c’est la même chose. » Que voulez-vous pour votre être : cacophonie ou symphonie ?

Bonne nouvelle : les recherches scientifiques prouvent que respirer profondément à un rythme régulier, fermer les yeux et concentrer son attention sur la région du cœur en la nourrissant d’énergie positive, adoucit et harmonise le rythme cardiaque – l’amenant à un état dit de « cohérence ». Par un effet d’entraînement, le cerveau se met au diapason, le fonctionnement des systèmes cardiovasculaire, nerveux, immunitaire et hormonal s’équilibre. Le cercle vertueux est lancé, jusqu’à atteindre une « cohérence psychophysiologique », caractérisée par une forte synchronisation entre les systèmes émotionnel, cognitif et physiologique. À ce stade, les fonctions vitales carburent à « un haut degré d’efficacité et d’harmonie », les processus de régénération naturelle sont facilités – pour lutter contre la fatigue, les douleurs chroniques, l’arythmie, l’hypertension ou certaines maladies auto-immunes –, les capacités d’encodage et de traitement de l’information s’améliorent. Acuité, sensibilité, intuition, créativité… Le moral se stabilise en mode « sérénité », l’esprit s’éclaircit, l’énergie afflue, les réactions sont plus fluides, les actions plus pertinentes.

Rayonnement extérieur

Mais ce n’est pas tout : les chercheurs de l’Institut HeartMath ont découvert que le champ électromagnétique généré par le cœur s’étend au-delà du corps, tout autour de lui, et peut transmettre de l’information à l’extérieur. Certaines de leurs études ont montré que lorsque deux personnes sont en contact ou à proximité, le signal cardiaque de l’une peut affecter, par l’intermédiaire des flux d’énergie électromagnétique allant du cœur au cerveau, la fréquence cérébrale de l’autre. « L’information contenue dans le champ du cœur n’est pas détectée seulement par notre propre cerveau, mais peut aussi être enregistrée par les gens qui nous entourent, confirment Doc Childe et Howard Martin. À notre tour, nous sommes influencés par les signaux que les autres nous envoient », donc par l’information subtile qu’elle véhicule… Voilà qui pourrait expliquer pourquoi nous sommes parfois affectés, physiquement, par les émotions d’autrui, et pourquoi certaines personnes, en état d’harmonie et d’ouverture du cœur, parviennent à transmettre une « énergie » qui favorise la guérison. Alors, de quoi voulons-nous rayonner, intérieurement et extérieurement, pour nous et pour les autres ? « Au fond, le cœur est l’incarnation de la manière dont on devrait se comporter, conclut le psychiatre et psychothérapeute Olivier Chambon : « À tout moment, il reçoit, donne, et distribue. S’il s’arrête, il meurt. Et nous aussi. »

Pratique : la cohérence cardiaque
La cohérence cardiaque est l’une des clés pour activer notre capacité au bien-être et à la santé. Conseils pratiques pour la cultiver.

Respirez. Par un phénomène de synchronisation, la régulation du souffle entraîne celle du rythme cardiaque. Fermez les yeux, posez votre main sur le cœur, portez-y votre attention. Inspirez profondément pendant 5 secondes, expirez profondément pendant 5 autres, et poursuivez ainsi. Imaginez l’air entrer et sortir par le cœur, ressentez comment l’inspiration vous procure de l’énergie, comment l’expiration évacue les soucis. « Si vous avez surtout besoin de réduire le stress, optez pour un rythme 4/6. Si au contraire vous souhaitez accroître votre vitalité, partez sur 6/4 », conseille le psychiatre et psychothérapeute Olivier Chambon. Pour obtenir l’effet régulateur souhaité, l’important est d’effectuer au maximum 6 respirations complètes par minute, pendant 3 à 5 minutes. Pratiquez plutôt le matin, puis si possible 2 autres fois dans la journée.

Nourrissez votre cœur. La concentration sur des énergies positives a le pouvoir de réguler le rythme cardiaque. La main sur le cœur, posez l’intention de le remplir d’amour, de bienveillance et de gratitude. Trouvez des exemples, faites venir des images : le souvenir d’un événement heureux, le visage d’une personne qui vous a aidé, le sourire d’un être cher... Faites émerger la sensation, revivez-la, maintenez son énergie au niveau du cœur pendant plusieurs minutes, puis dirigez-la doucement vers vous-même ou vers d’autres. Des pensées affluent ? Ne vous crispez pas, reportez simplement votre attention sur le cœur. Puis, dans la journée, « dès que vous vivez quelque chose de bien, posez la main sur le cœur et faites y entrer la sensation », conseille Olivier Chambon. Petit à petit, cette pratique ancrera en vous une sérénité, une énergie, une clarté.

Suivez le rythme. Il existe des logiciels, matériels portables et applications mobiles permettant de mesurer en temps réel son rythme cardiaque et d’en suivre l’évolution. Utilisez-les si vous en ressentez le besoin, sans en abuser. Certains équipements disposent d’un guide audio pour vous conduire vers l’équilibre intérieur. Sachez réagir. Vous sentez poindre une source de stress ? Arrêt sur image : reconnaissez-la et appuyez sur « pause ». Pendant dix secondes, imaginez que vous respirez par le cœur, concentrez votre attention sur cette région, plutôt que sur votre émotion ou votre esprit agité. Puis faites surgir un sentiment agréable et positif, et interrogez votre cœur : quelle serait la réaction la plus efficace face à la situation ? Écoutez ce qu’il vous répond intuitivement, sans laisser le mental ni les émotions interférer. Le problème est récurrent ? Faites comme si c’était celui de quelqu’un d’autre : éprouvez de la compassion, relativisez la gravité du problème. Pas évident ? Soyez patient. Reconnaître ses signaux intérieurs demande un peu de pratique, mais permet à terme de contrôler sa fréquence cardiaque, et d’en maîtriser les conséquences.