Au confluent de la psychologie occidentale et de la médecine sacrée, Françoise Bourzat accompagne notamment le deuil parental, avec une approche thérapeutique unique, incluant l’ingestion de champignons. Et la vie de recirculer.

Vous êtes l’auteure de Consciousness Medicine. Quelle est cette médecine de la conscience ?

C’est un jeu de mots en anglais. Cela signifie qu’il existe des médecines que l’on peut ingérer pour ouvrir la conscience, afin d’être davantage en connexion avec soi, avec la nature, ou encore l’invisible... et c’est en ayant plus de conscience de soi que l’on guérit le monde et soi-même !

Dans votre parcours de vie, qu’est-ce qui vous a éveillée à cette médecine ?

Comme beaucoup de personnes de ma génération, j’ai été élevée par des parents très aimants, mais ayant survécu à la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient donc porteurs de traumatismes symptomatiques de cette époque. En dépit de leur incroyable résilience et de leur amour, cela transparaissait dans leur être et l’éducation qu’ils prodiguaient. En 1981, j’ai émigré aux États-Unis pour poursuivre des études de massage thérapeutique, après avoir étudié la psychologie à l’université Paris 8 et la danse moderne. J’ai voyagé à travers le monde, et en Thaïlande, j’ai été attaquée par des bandits qui m’ont laissée pour morte au bord de la route, avec une balle dans la jambe. Mon compagnon a été tué sous mes yeux. J’avais 23 ans... Ça a été très choquant, comme vous pouvez l’imaginer, et ceci m’a guidée à chercher une guérison !

Cet événement dramatique a-t-il été le déclencheur de votre vocation ?

Ce traumatisme énorme à surmonter m’a sensibilisée aux souffrances que tant de gens portent et transmettent à travers les générations. Quelques années plus tard, à San Francisco, la rencontre d’amis impliqués dans une approche thérapeutique incluant l’usage de substances psychédéliques m’a apporté une véritable guérison de ce traumatisme. Avec ces cérémonies très bien encadrées, j’ai eu l’expérience directe des bienfaits de cette approche. Une découverte émotionnelle, physique et spirituelle.

Quel chemin vous a menée ensuite jusqu’à ce rôle de guide psychédélique ?

Pablo, mon guide initial dans ce travail, professeur de psychologie jungienne à l’université en Californie, avait une connaissance pointue de cette approche psychédélique. Avec lui, j’ai compris l’importance d’acquérir aussi une formation académique. Né et élevé sur les territoires navajo du Sud-Ouest des États-Unis, il était ancré dans les pratiques rituelles de son peuple. Lors de son service dans l’armée américaine durant la Deuxième Guerre mondiale, il a documenté en tant que photographe la libération des camps de concentration. Cette expérience traumatisante a orienté sa mission de vie. Fort de sa formation jungienne, il a créé une méthode thérapeutique psychologiquement bien élaborée et respectueuse des traditions spirituelles de sa lignée tribale. C’est dans cet espace attentif que mes explorations personnelles avec ces substances (MDMA, champignons, LSD, kétamine) se sont avérées puissantes et transformatrices. De là est né mon désir d’aider les personnes émotionnellement blessées comme je l’avais été (et l’étais toujours). Je suis alors retournée à l’université pour terminer mes études de psychologie, en m’orientant vers la psychologie corporelle pour y marier mes connaissances du massage thérapeutique et du mouvement dansé. Parallèlement, je suis devenue l’assistante de Pablo, et mes expériences de guide psychédélique se sont multipliées. À partir de 1997 et durant 25 ans, j’ai eu aussi la chance d’étudier et de travailler au Mexique avec une femme, Julieta, qui pratiquait les cérémonies de champignons sacrés contenant de la psilocybine, pratiques guérisseuses et spirituelles de la tradition du peuple mazatèque.

Comment s’articule ce lien entre la psychologie occidentale et la médecine indigène dans votre travail ?

Mon approche fait ce pont de manière singulière⁽¹⁾. Cette immersion dans la sagesse ancestrale des Mazatèques m’a permis de développer ma propre approche, reliant mes connaissances psychologiques (mécanismes des traumatismes, addictions...) avec la pratique de ces cérémonies sacrées. J’ai alors pu faire vivre à des clients et amis ces expériences dans un contexte sécurisé et légal, lors de séminaires au Mexique. Il faut savoir que les Mazatèques considèrent les champignons comme des « docteurs » : ils agissent sur les maux physiques, émotionnels et spirituels. C’est un tout. Dans notre société actuelle, on (re)découvre que ces trois plans sont intimement liés. Il a ainsi été montré scientifiquement que la prière ou les intentions positives peuvent être guérisseuses.


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